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Critique de sandrine57


Cela avait commencé tranquillement, lors d'un printemps comme les autres. Quelques malades, quelques décès. Rien de grave, rien d'important, pas de quoi bouleverser le quotidien, pas de quoi se sentir concerné. Et puis, le nombre de malades a augmenté, s'est envolé...Finalement, il fallait peut-être s'y intéresser à cette maladie mortelle. Prises au dépourvu, les autorités ont mis du temps à prendre la mesure du problème, ont tâtonné, ont esquivé, pour enfin décréter prendre des mesures radicales :une mise en quarantaine généralisée, l'isolement des malades, l'ouverture de lieux entièrement dédiés aux nouveaux patients. Et le quotidien a bel et bien été bouleversé. Par l'isolement, la séparation d'avec des êtres chers. Par la peur d'être infecté. Par les chiffres de plus en plus hauts énoncés tous les jours. Par la possibilité que cela n'arrive pas qu'aux autres. Dans les hôpitaux surchargés, les médecins n'ont pu que constater l'absence de lits, la pénurie de matériel, le manque de médicaments, certes commandés mais qui tardent à arriver, les tentatives pour trouver un remède efficace. Et ils ont du s'habituer à l'impuissance, à la mort. Dans l'épreuve, certains se sont révélés égoïstes, centrés sur eux-mêmes, prêts à tout pour briser la quarantaine ou à tirer profit de la crise. D'autres ont remué des montagnes pour aider, soulager, se mettre à la disposition de la communauté. La maladie touchait tout le monde, les riches, les pauvres, les vieux, les jeunes. Mais bien sûr les plus pauvres, entassés dans des appartements exigus, étaient les premiers atteints. Dans les commerces, les vivres manquaient et des queues se formaient devant les vitrines de moins en moins approvisionnées. Les familles tentaient de voir leurs malades mais les hôpitaux étaient interdits au public. Les enterrements se faisaient à huis-clos, les larmes étaient solitaires. On espérait qu'avec l'été, la maladie perdrait peut-être en virulence mais cet espoir fut vain. La chaleur écrasante exacerbait les susceptibilités mais laissait le virus de marbre. Et les plages fermées ne pouvaient être une consolation pour ces confinés en mal de liberté. Les médecins qui attendaient une baisse significative des cas se retrouvèrent avec un ''plateau'', maigre résultat mais qui constituait une respiration pour ces pauvres hères confrontés quotidiennement à la mort, ne comptant plus les heures passées aux côtés de patients agonisants.
Ainsi les médecins soignaient, les bénévoles aidaient, les curés priaient, les fossoyeurs enterraient et le miracle eut lieu. La maladie se retira lentement, laissant derrière elle la peine et le deuil. On disait qu'il y aurait un avant et un après l'épidémie. Et on avait pensé à l'après, forcément. On le voyait joyeux, festif. Il fut doux-amer...

Bien sûr c'était Oran, c'étaient les années 40, c'était la peste comme métaphore du nazisme...
Mais cela pourrait être la France, l'année 2020, le coronavirus. Et c'était inquiétant, voire angoissant, de constater que l'impuissance face à une épidémie est la même, que les moyens mis en oeuvre pour la combattre sont les mêmes, que ce texte aurait pu être écrit aujourd'hui.
Lire cette oeuvre dans le contexte actuel lui apporte une lumière particulière. Il y a quelques mois encore, on aurait parlé de la guerre, du nazisme, des camps, on aurait analysé les personnalités du docteur Rieux et des divers protagonistes, on aurait peut-être évoqué une lecture laborieuse, un texte exigeant, une certaine lenteur, une absence d'intrigue. Mais menacé par un virus potentiellement mortel, confiné, privé de libertés, le lecteur de 2020 cherche (et trouve) dans La peste, les similitudes avec ce qu'il expérimente au quotidien et se trouve immergé dans un classique qui entre en résonance avec son propre vécu.une expérience dramatiquement étrange.
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