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Critique de berni_29


Albert Camus avait vingt-trois ans lorsqu'il écrivit ce magnifique recueil de nouvelles, Noces, un texte brûlant et sensuel comme le soleil qu'il dépeint avec merveille. C'est un des premiers ouvrages écrits par Albert Camus. C'est un texte fondateur de son oeuvre, si j'ai bien compris ce qui est écrit ici ou là et je veux bien le croire.
Ce n'est pas par ce livre que je suis entré dans la lecture de Camus. Je dois vous avouer d'ailleurs que ce texte m'a longtemps résisté. Un peu comme une porte qui coince, alors que derrière il y a des choses à voir et je le savais... Vous renoncez, vous repartez, vous revenez sur vos pas... J'y suis entré tardivement, il y a peu d'années. Et brusquement ce texte m'a ébloui et je l'ai trouvé sublime. Comment comprendre cela ? On tâtonne comme dans un labyrinthe et soudain, une clef, une porte, vous entrez dans un jardin, vous voyez de la lumière, le ciel et la mer en même temps comme faisant l'amour... Vous êtes ébloui, vous êtes presque gêné, vous avez envie de refermer la porte et puis cependant vous restez et vous entrez à votre tour dans cette lumière chaude et troublante, parce que c'est beau...
Je vais donc vous en parler un peu ce soir pour dire ma découverte de ce texte, ce que j'ai ressenti et compris. Ici le mot de critique est inapproprié au regard de la force de ce livre. Je vous livre ici simplement une émotion, une rencontre, une sensation personnelle...
Ce texte est la déambulation d'un jeune homme dans la nature. On pourrait s'arrêter là, mais voilà, ce texte léger et dense va bien plus loin que ce qui pourrait ressembler à première vue à une forme de romantisme de jeunesse. Et les pas de ce jeune homme nous entraînent au plus profond de nos émotions.
Nous sommes tout d'abord invité à apprécier la beauté dans la description des paysages que nous livre le regard de l'auteur. Nous entrons dans ce livre par Tipasa, puis il y a Djemila et aussi Alger, c'est-à-dire l'Algérie de sa naissance, enfin nous voguons en terre toscane, à Florence ; tous ces lieux que nous décrits Albert Camus incarnent une forme de beauté du monde. Et j'ai été tout de suite séduit par ces très belles descriptions. Dans ses premiers mots, Camus convoque le soleil. La beauté que nous décrit Camus est en effet éclairée par un soleil brûlant. Noces est un livre incandescent. Et là, camus nous dit oui à la vie, d'emblée...
Mais, ne nous trompons pas, la beauté du monde ne suffit pas pour comprendre celui-ci, et encore moins pour y adhérer. La beauté du monde vient aussi de sa dureté. le monde est beau d'un côté et moins beau de l'autre. Mais il faut tout prendre, nous dit Camus. Et il le dit, page après page, phrase après phrase. Ainsi, aimer la vie c'est aussi prendre ce que le monde a de plus obscur, prendre tout cela avec... C'est donc un oui à la vie et aussi une forme de consentement à prendre la vie comme elle vient, belle et triste à la fois, sensuelle et âpre...
Ce soleil de Noces est donc violent aussi. Il préfigure déjà ce que sera le soleil de l'Etranger, le soleil camusien, doux comme une caresse et en même temps tranchant comme la lame d'un couteau. Ce soleil qui peut parfois déclencher l'envie de commettre un meurtre. Ou du moins, en faire une forme de motif...
Ainsi, toutes les émotions sont concentrées dans ce texte : la joie, le désir, la tristesse, la douleur... Ce sont des émotions fortes, de celles qu'on peut avoir lorsqu'on a vingt-trois ans, ou bien dix-sept ans... Cette fulgurance me rappelle Rimbaud, Mozart, Alain-Fournier, Raymond Radiguet...
Noces, c'est un texte qui vénère le monde, entrer dans Tipasa c'est entrer dans un rapport de corps à corps avec l'intimité du monde. Camus nous invite à une attention au monde et pour cela il nous propose de nous détacher de soi pour entrer plus facilement dans ce monde, quel que soit ce monde, ce qui nous attend dans ce monde. Noces, c'est un texte immédiat. C'est une communion intime dans la contemplation et le silence du monde. C'est un rapport de corps à corps... Cela me fait penser à une forme d'extase, presque religieuse. Même si Camus était profondément laïc...
Ce texte nous dit la démesure, la peur de mourir, l'éternité, le coeur de ceux que nous aimons. Quelque part, Noces nous dit aussi que la sagesse est dans les commencements. Qu'importe ce qui viendra après...
Il ne faut pas détacher Noces, de l'Été, le texte qui suit et qui fut écrit bien plus tard. Les deux textes forment un tout presqu'indissociable.
Chaque phrase qui se délie sous la vague de Tipasa est une pépite d'or et de lumière, qui vient continuer de brûler sur le sable chaud de Djemila. Je vous en livre deux qui ont immortalisé ce texte et qui m'ont aidé à mieux y entrer. Je les adore. « Étreindre un corps de femme, c'est aussi retenir contre soi cette joie étrange qui descend du ciel vers la mer. » Noces, ce sont des noces païennes. C'est le mariage à la fois mystique et libertin du ciel et de la mer. Camus nous dit simplement qu'aimer quelqu'un, c'est forcément étroitement lié à l'amour de la vie. L'un nourrit l'autre... Et puis celle-ci, sans doute la plus belle, j'ai mis du temps à la comprendre, je l'ai retournée dans tous les sens, je vais vous en livrer ma version personnelle : « le monde est beau, et hors de lui, point de salut ». Je pense qu'il faut savoir se saisir de ce que nous avons sous la main, dans l'instant présent, dans cette joie immédiate lorsqu'elle vient.
Forcément, j'emporte ce livre et sa lumière minérale sur mon île déserte.
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