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EAN : 9782070360161
183 pages
Gallimard (27/01/1972)
4.03/5   840 notes
Résumé :
Albert Camus a écrit « Noces » en 1938, à l’âge de 26 ans; cette œuvre confirme déjà ses dons d’écrivain révélés dans un premier essai « L’Envers et l’Endroit » qui contient déjà les thèmes majeurs de son œuvre : le soleil, la solitude, l’absurde destin des hommes.

Noces est composé de quatre récits lyriques, exaltation de la nature, mais aussi impressions et méditations sur la condition humaine et la recherche du bonheur.
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Critiques, Analyses et Avis (71) Voir plus Ajouter une critique
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Cette lecture de « Noces » (1936-37) suivie de celle de « L‘été » (1939-53) est pur bonheur.

C'est un condensé d'essais dans lesquels Albert Camus prend pleinement conscience de lui-même. Une communion intime dans la contemplation du monde. Il parle de cette Algérie natale comme s'il faisait un avec cette terre qu'il arpente inlassablement, ces endroits où il aime revenir, sources inépuisables de sensations, de beauté, où rien d'autre ne compte que le moment présent. Tipasa où il déambule dans les ruines antiques, où il a une vue imprenable sur la mer étale et le ciel d'azur, où « les yeux tentent vainement de saisir autre chose que des gouttes de lumière », où le mont Chenoua semble protéger toute vie.

Djémila où souffle un vent si fort qu'il façonne le paysage et les corps à son gré, qu'il dessèche la végétation, qu'il force la distance vis-à-vis de l'humain, qu'il fait tourbillonner les pensées, de vie, de mort, de jouissance. Il inspire à Camus cette volonté à ne pas se résigner, ne pas considérer l'éternité car ce qui compte c'est la vie, la vie avec intensité, et continuer de contempler le « ciel qui dure ». Alger la blanche, en été, où le soleil omniprésent donne autant aux riches qu'aux pauvres, où la vie est facile, le jour sur la plage, le soir dans les cafés ou les cinémas de quartier.

Partout éclatent les couleurs, les odeurs, les saveurs, la richesse des paysages que des millions d'yeux avant lui ont contemplés. Ce sont des pages de lumière, de soleil, de bonheur de vivre, de bien-être. de réflexions aussi.

La deuxième partie est nettement plus philosophique, mythologique, mélancolique. La guerre a fait son oeuvre, elle a mis fin à la jeunesse de Camus, la révolte intérieure sommeille et gronde parfois mais « la première chose est de ne pas désespérer. N'écoutons pas trop ceux qui crient à la fin du monde. Les civilisations ne meurent pas si aisément et même si ce monde devait crouler, ce serait après d'autres. Il est bien vrai que nous sommes dans une époque tragique » (p. 123).

Grâce à notre Babéliote Oran qui m'a invitée à découvrir cette oeuvre de jeunesse et que je remercie infiniment, je sais que lorsque Camus est revenu en Algérie, il souffrait de tuberculose. Il ne voit plus les villes comme avant, ni les gens, ou alors avec une lucidité nouvelle, une gravité plus perceptible, une émotion toujours vive pour les Grecs et leurs dieux qui, comme Prométhée donna en même temps aux hommes le feu, la liberté, les arts et les techniques alors qu'aujourd'hui, l'art semble un obstacle et une servitude. Albert Camus développera d'ailleurs abondamment ces thèmes de la souffrance et de la liberté dans « L'Homme révolté » et dans « le Mythe de Sisyphe ».

Un des essais s'appelle « Retour à Tipasa ». Il recèle une nostalgie palpable. Les ruines sont protégées par des barbelés, c'est l'hiver et il pleut mais c'est ainsi que Camus sut avec certitude qu'il y avait au plus profond de lui un "été invincible".

Ce sont des textes vibratoires où la magie de la nature algérienne le dispute à la grisaille des villes d'Europe, où le plaisir des sens donne à ces Noces une poésie et une vitalité qui ouvrent toutes les formes de l'esprit.

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Parler de la beauté de l'écriture chez Camus et de son amour de la vie est un truisme.
Je ne me lasse pas de lire et de relire selon les moments et les endroits où je suis, des passages des essais qu'il a écrits sur les lieux de son enfance en Algérie et où il a vécu des instants inoubliables.
En faire une analyse exhaustive serait pour moi déflorer la poésie qui s'en dégage. Un florilège de citations évoquera mieux que je ne le ferais l'intensité et la profondeur de son écriture.
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Noces nous raconte les noces de l’homme avec la nature.

Tipassa c’est la joie de vivre, la plénitude, la communion avec la nature, le soleil et la mer.

Djémila, c’est le désert, le vent qui modèle le paysage, qui fouette les corps, dépouille, dessèche. C’est un endroit pour apprendre à se détacher de soi-même, être le vent, devenir ce qu’on est à l’origine, se délivrer de l’humain. Les ruines de la ville sont comme la mort de l’homme. Tout passe, tout se pétrifie. Seuls des éléments comme la mer et le soleil continuent leur chemin, indifférents, sans regard pour l’homme. L’éternité est ce qui dure après la mort de l’homme. Les ruines sont percées de fleurs, la vie continue.

L’été à Alger nous conte les bonheurs faciles des Algérois. Ils vivent dans le présent, sans passé et sans illusions.
Plaisirs sans remèdes et joies sans espoirs. Les habitants d’Alger sont clairvoyants, lucides. Splendeur et misère, richesse sensuelle et dénuement, lucidité et indifférence, beauté et désespoir, marchent ensemble.

Le bonheur rend la vie absurde. Plus un homme est heureux, plus il souffre, car un jour, il devra quitter cette vie. Mais sa vie sera plus grande s’il consent à cette mort sans tricher, sans s’en remettre aux mythes consolateurs, aux illusions de l’éternité. Il fera de sa mort une mort consciente.

Trouver l’équilibre entre tristesse et beauté, misère et amour, désespoir et beauté, ombre et lumière. Ne pas se réfugier dans l’espoir, le fanatisme, qui conduisent tout droit au malheur, à la résignation. « Car l’espoir, au contraire de ce qu’on croit, équivaut à la résignation. Et vivre, c’est ne pas se résigner. »

Les grecs ont désespéré de la beauté du monde ; la beauté du monde les oppressait. Mais leur malheur était doré, tragique, tandis que notre monde désespère de la laideur. La pensée grecque n’a pas dépassé les limites, elle a créé un équilibre entre ombres et lumières, elle a reconnu son ignorance.
Pour vivre heureux, acceptons nos limites, notre ignorance, préservons la beauté du monde, reconnaissons sa suprématie, sa permanence.

« J’ai toujours eu l’impression de vivre en haute mer, menacé, au cœur d’un bonheur royal. »
Acceptons ce bonheur royal et vivons le pleinement au présent.

Noces est un livre qui fourmille d’idées philosophiques et poétiques. C’est un voyage qui nous emmène loin, qui nous oblige à faire des détours, à revenir sur nos pas, à suspendre le temps, le temps de saisir un détail qui nous a échappé, de savourer une idée, avant qu’elle ne disparaisse sous nos semelles. On y rencontre une idée du bonheur, de l’harmonie, de la beauté, de la tristesse, du désert, du dénuement. C’est un voyage qu’il faudra refaire, parcourir à nouveaux ses sentiers, soulever les galets, gratter dans le sable, regarder ce que la vague a laissé sur le rivage…
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Albert Camus avait vingt-trois ans lorsqu'il écrivit ce magnifique recueil de nouvelles, Noces, un texte brûlant et sensuel comme le soleil qu'il dépeint avec merveille. C'est un des premiers ouvrages écrits par Albert Camus. C'est un texte fondateur de son oeuvre, si j'ai bien compris ce qui est écrit ici ou là et je veux bien le croire.
Ce n'est pas par ce livre que je suis entré dans la lecture de Camus. Je dois vous avouer d'ailleurs que ce texte m'a longtemps résisté. Un peu comme une porte qui coince, alors que derrière il y a des choses à voir et je le savais... Vous renoncez, vous repartez, vous revenez sur vos pas... J'y suis entré tardivement, il y a peu d'années. Et brusquement ce texte m'a ébloui et je l'ai trouvé sublime. Comment comprendre cela ? On tâtonne comme dans un labyrinthe et soudain, une clef, une porte, vous entrez dans un jardin, vous voyez de la lumière, le ciel et la mer en même temps comme faisant l'amour... Vous êtes ébloui, vous êtes presque gêné, vous avez envie de refermer la porte et puis cependant vous restez et vous entrez à votre tour dans cette lumière chaude et troublante, parce que c'est beau...
Je vais donc vous en parler un peu ce soir pour dire ma découverte de ce texte, ce que j'ai ressenti et compris. Ici le mot de critique est inapproprié au regard de la force de ce livre. Je vous livre ici simplement une émotion, une rencontre, une sensation personnelle...
Ce texte est la déambulation d'un jeune homme dans la nature. On pourrait s'arrêter là, mais voilà, ce texte léger et dense va bien plus loin que ce qui pourrait ressembler à première vue à une forme de romantisme de jeunesse. Et les pas de ce jeune homme nous entraînent au plus profond de nos émotions.
Nous sommes tout d'abord invité à apprécier la beauté dans la description des paysages que nous livre le regard de l'auteur. Nous entrons dans ce livre par Tipasa, puis il y a Djemila et aussi Alger, c'est-à-dire l'Algérie de sa naissance, enfin nous voguons en terre toscane, à Florence ; tous ces lieux que nous décrits Albert Camus incarnent une forme de beauté du monde. Et j'ai été tout de suite séduit par ces très belles descriptions. Dans ses premiers mots, Camus convoque le soleil. La beauté que nous décrit Camus est en effet éclairée par un soleil brûlant. Noces est un livre incandescent. Et là, camus nous dit oui à la vie, d'emblée...
Mais, ne nous trompons pas, la beauté du monde ne suffit pas pour comprendre celui-ci, et encore moins pour y adhérer. La beauté du monde vient aussi de sa dureté. le monde est beau d'un côté et moins beau de l'autre. Mais il faut tout prendre, nous dit Camus. Et il le dit, page après page, phrase après phrase. Ainsi, aimer la vie c'est aussi prendre ce que le monde a de plus obscur, prendre tout cela avec... C'est donc un oui à la vie et aussi une forme de consentement à prendre la vie comme elle vient, belle et triste à la fois, sensuelle et âpre...
Ce soleil de Noces est donc violent aussi. Il préfigure déjà ce que sera le soleil de l'Etranger, le soleil camusien, doux comme une caresse et en même temps tranchant comme la lame d'un couteau. Ce soleil qui peut parfois déclencher l'envie de commettre un meurtre. Ou du moins, en faire une forme de motif...
Ainsi, toutes les émotions sont concentrées dans ce texte : la joie, le désir, la tristesse, la douleur... Ce sont des émotions fortes, de celles qu'on peut avoir lorsqu'on a vingt-trois ans, ou bien dix-sept ans... Cette fulgurance me rappelle Rimbaud, Mozart, Alain-Fournier, Raymond Radiguet...
Noces, c'est un texte qui vénère le monde, entrer dans Tipasa c'est entrer dans un rapport de corps à corps avec l'intimité du monde. Camus nous invite à une attention au monde et pour cela il nous propose de nous détacher de soi pour entrer plus facilement dans ce monde, quel que soit ce monde, ce qui nous attend dans ce monde. Noces, c'est un texte immédiat. C'est une communion intime dans la contemplation et le silence du monde. C'est un rapport de corps à corps... Cela me fait penser à une forme d'extase, presque religieuse. Même si Camus était profondément laïc...
Ce texte nous dit la démesure, la peur de mourir, l'éternité, le coeur de ceux que nous aimons. Quelque part, Noces nous dit aussi que la sagesse est dans les commencements. Qu'importe ce qui viendra après...
Il ne faut pas détacher Noces, de l'Été, le texte qui suit et qui fut écrit bien plus tard. Les deux textes forment un tout presqu'indissociable.
Chaque phrase qui se délie sous la vague de Tipasa est une pépite d'or et de lumière, qui vient continuer de brûler sur le sable chaud de Djemila. Je vous en livre deux qui ont immortalisé ce texte et qui m'ont aidé à mieux y entrer. Je les adore. « Étreindre un corps de femme, c'est aussi retenir contre soi cette joie étrange qui descend du ciel vers la mer. » Noces, ce sont des noces païennes. C'est le mariage à la fois mystique et libertin du ciel et de la mer. Camus nous dit simplement qu'aimer quelqu'un, c'est forcément étroitement lié à l'amour de la vie. L'un nourrit l'autre... Et puis celle-ci, sans doute la plus belle, j'ai mis du temps à la comprendre, je l'ai retournée dans tous les sens, je vais vous en livrer ma version personnelle : « le monde est beau, et hors de lui, point de salut ». Je pense qu'il faut savoir se saisir de ce que nous avons sous la main, dans l'instant présent, dans cette joie immédiate lorsqu'elle vient.
Forcément, j'emporte ce livre et sa lumière minérale sur mon île déserte.
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Symphonie éclatante solaire
Unité de la terre et de la mer
La jeunesse au coeur du temps
le corps exultant dans le vent
Les senteurs aromatiques
La lumière hypnotique
Et tout un été à jamais
L'Algérie magnifiée

Un long poème en prose vibrant, sensuel, une ode à la vie qui fourmille et s'obstine , à la nature simple et grandiose, à l'homme, à ses failles, ses interrogations .Un texte sublime, puissant, pulsation secrète de l'être. Des noces éblouissantes ...


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Des millions d'yeux, je le savais, ont contemplé ce paysage, et pour moi il était comme le premier sourire du ciel. Il me mettait hors de moi au sens profond du terme, il m'assurait que sans mon amour et ce beau cri de pierre, tout était inutile. [...] Et ce monde m'annihile, il me porte jusqu'au bout, il me nie sans colère. Dans ce soir qui tombait sur la campagne florentine, je m'acheminai vers une sagesse où tout était déjà conquis, si des larmes ne m'étaient venues aux yeux, et si le gros sanglot de poésie qui m'emplissait ne m'avait fait oublier la vérité du monde.

C'est sur ce balancement qu'il faudrait s'arrêter, singulier instant où la spiritualité répudie la morale, où le bonheur naît de l'absence d'espoir, où l'esprit trouve sa raison dans le corps. S'il est vrai que toute vérité porte en elle son amertume, il est aussi vrai que toute négation contient une floraison de « oui ». Et ce chant d'amour sans espoir qui naît de la contemplation peut aussi figurer la plus efficace des règles d'action : au sortir du tombeau, le Christ ressuscitant de Piero della Francesca n'a pas un regard d'homme. Rien d'heureux n'est peint sur son visage - mais seulement une grandeur farouche et sans âme, que je ne puis m'empêcher de prendre pour une résolution à vivre. Car le sage comme l'idiot exprime peu. Ce retour me ravit. Mais cette leçon, la dois-je à l'Italie, ou l'ai-je tirée de mon coeur ? C'est là-bas, sans doute, qu'elle m'est apparue, mais c'est que l'Italie, comme d'autres lieux privilégiés, m'offrait le spectacle d'une beauté où meurent quand même les hommes [...] On comprend rarement que ce n'est jamais par désespoir qu'un homme abandonne ce qui faisait sa vie. Les coups de tête et les désespoirs mènent vers d'autres vies et marquent seulement un attachement frémissant aux leçons de la terre. Mais il peut arriver qu'à un certain degré de lucidité, un homme se sente le cœur fermé et, sans révolte ni revendication, tourne le dos à ce qu'il prenait jusqu'ici pour sa vie, je veux dire son agitation. Si Rimbaud finit en Abyssinie sans avoir écrit une seule ligne, ce n'est pas par goût de l'aventure, ni renoncement d'écrivain. C'est « parce que c'est
comme ça » et qu'à une certaine pointe de la conscience, on finit par admettre ce que nous nous efforçons tous de ne pas comprendre, selon notre vocation. On sent bien qu'il s'agit ici d'entreprendre la géographie d'un certain désert. Mais ce désert singulier n'est sensible qu'à ceux capables d'y vivre sans jamais tromper leur soif. C'est alors, et alors seulement, qu'il se peuple des eaux vives du bonheur. À portée de ma main, au jardin Boboli, pendaient d'énormes kakis dorés dont la chair éclatée laissait passer un sirop épais. De cette colline légère à ces fruits juteux, de la fraternité secrète qui m'accordait au monde à la faim qui me poussait vers la chair orangée au-dessus de ma main, je saisissais le balancement qui mène certains hommes de l'ascèse à la jouissance et du dépouillement à la profusion dans la volupté. J'admirais, j'admire ce lien qui, au monde, unit l'homme, ce double reflet dans lequel mon cœur peut intervenir et dicter son bonheur jusqu'à une limite précise où le monde peut alors l'achever ou le détruire. Florence ! Un des seuls lieux d'Europe où j'ai compris qu'au cœur de ma révolte dormait un consentement. Dans son ciel mêlé de larmes et de soleil, j'apprenais à consentir à la terre et à brûler dans la flamme sombre de ses fêtes. J'éprouvais... mais quel mot ? quelle démesure ? comment consacrer l'accord de l'amour et de la révolte ?
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C'est le grand libertinage de la nature et de la mer qui m'accapare tout entier.
Il n'est pas une vérité qui ne porte en elle son amertume.
Sur les collines qui dominent la ville, il y a des chemins parmi les lentisques et les oliviers. Et c'est vers eux qu'alors mon coeur se retourne. J'y vois monter des gerbes d'oiseaux noirs sur l'horizon vert. Dans le ciel soudain vidé de son soleil, quelque choses se détend. Tout un petit peuple de nuages rouges s'étire jusqu'à se résorber dans l'air. Presque aussitôt après, la première étoile apparaît qu'on voyait se former et se durcir dans l'épaisseur du ciel. Et puis, d'un coup, dévorante, la nuit.
Dans cette abondance et cette profusion, la vie prend la courbe des grandes passions, soudaines, exigeantes, généreuses. Elle n'est pas à construire mais à brûler.
A Florence, je montais tout en haut du jardin Boboli, jusqu'à une terrasse d'où l'on découvrait le Monte Oliveto et les hauteurs de la ville jusqu'à l'horizon. Sur chacune de ces collines, les oliviers étaient pâles comme de petites fumées et dans le brouillard léger qu'ils faisaient se détachaient les jets plus durs des cyprès, les plus proches verts et ceux du lointain noirs. Dans le ciel dont on voyait le bleu profond, de gros nuages mettaient des taches. Avec la fin de l'après-midi tombait une lumière argentée où tout devenait silence.
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En tout cas, comment se limiter à l'idée que rien n'a de sens et qu'il faille désespérer de tout. Sans aller au fond des choses, on peut remarquer au moins que, de même qu'il n'y a pas de matérialisme absolu puisque pour former seulement ce mot il faut déjà dire qu'il y a dans le monde quelque chose de plus que la matière, de même il n'y a pas de nihilisme total. Dés l'instant où l'on dit que tout est non-sens, on exprime quelque chose qui a du sens. Refuser toute signification au monde revient à supprimer tout jugement de valeur. Mais vivre et par exemple se nourrir, est en soi un jugement de valeur. On choisit de durer dés l'instant qu'on ne se laisse pas mourir, et l'on reconnaît alors une valeur, au moins relative, à la vie.
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Ce bain violent de soleil et de vent épuisait toutes mes forces de vie .
A peine en moi ce battement d'ailes qui affleure,
cette vie qui se plaint,
cette faible révolte de l'esprit.

[...]
Et jamais je n'ai senti , si avant , à la fois mon détachement de moi-même et ma présence au monde .
[...]
Car pour un homme prendre conscience de son présent, c'est ne plus rien attendre.

(Folio :p. 26 )
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Je m'étais assis sur un banc. Je regardais la campagne s'arrondir avec le jour. J'étais repu. Au-dessus de moi, un grenadier laissait pendre les boutons de ses fleurs, clos et côtelés comme de petits poings fermés qui contiendraient tout l'espoir du printemps. Il y avait du romarin derrière moi et j'en percevais seulement le parfum d'alcool. [...] J'avais au coeur une joie étrange, celle-là même qui naît d'une conscience tranquille.Il y a un sentiment que connaissent les acteurs lorsqu'ils ont conscience d'avoir bien rempli leur rôle, c'est-à-dire, au sens le plus précis, d'avoir fait coïncider leurs gestes et ceux du personnage idéal qu'ils incarnent, d'être entrés en quelque sorte dans un dessin fait à l'avance et qu'ils ont d'un coup fait vivre et battre avec leur propre coeur. C'était précisément cela que je ressentais : j'avais bien joué mon rôle. J'avais fait mon métier d'homme et d'avoir connu la joie tout un long jour ne me semblait pas une réussite exceptionnelle, mais l'accomplissement ému d'une condition qui, en certaines circonstances, nous fait un devoir d'être heureux. Nous retrouvons alors une solitude, mais cette fois dans la satisfaction.
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