- Oui. Mon père et moi nous intéressons aux antiquités. (Elle brandit le coffret qui contenait le faux parchemin.) Récemment, il a acheté ceci mais, sa santé ne lui permettant pas de voyager, il m’a envoyée ici quérir plus d’informations. Mes recherches m’ont conduite à vous. Je pense que ceci devrait vous intéresser.
Le gros homme émit un son méprisant.
- J’en doute.
- Je ne parlais pas du coffret, mais de son contenu.
- Moi aussi.
Emerahl planta son regard dans celui du malotru.
- On m’avait prévenue que les Penseurs étaient grossiers, irrespectueux envers les femmes et guère portés sur l’hygiène, mais je m’attendais au moins à leur trouver un esprit curieux et intelligent.
- Dans ce cas, pourquoi me faire faire une visite guidée du Sanctuaire et de la ville ?
- Parce que je sais que vous n’y découvrirez ni secrets renversants ni faiblesses décisives. Nous ne prévoyons pas de nouvelle invasion de l’Ithanie du Nord. Quand je parle d’établir une paix durable entre nos peuples, je suis sérieux.
Auraya dévisagea Nekaun.
- Je viens pourtant de découvrir une de ces faiblesses décisives dont vous niez l’existence. Vous ne comprenez pas vraiment votre peuple. Vous pouvez peut-être lire dans ses pensées, mais vous refusez d’accepter qu’il porte trop de haine en lui pour faire si facilement la paix avec son ennemi. Dans les deux camps, vous allez rencontrer une forte résistance des gens à s’allier avec ceux qui ont tué leurs proches. Ils ont soif de vengeance, et toute tentative de vengeance entraînera des représailles.
La plupart des Penseurs ne nourrissent pas les mêmes préjugés raciaux que les gens ordinaires. La connaissance est partout, dans toutes les contrées et chez les fidèles de toutes les religions. En revanche, ils regardent de haut ceux qu’ils jugent moins intelligents qu’eux. Ils adorent dire : « La connaissance et la sagesse sont partout, mais la bêtise aussi. »
- L’idée, l’interrompit Vervel, c’est que si nous gouvernions toute l’Ithanie, les Tisse-Rêves seraient libres de vivre comme ils l’entendent. Cela vaut sûrement la peine d’enfreindre quelques règles, non ?
Mirar secoua la tête.
- Il ne s’agit pas d’une règle mineure, mais du principe fondateur de notre ordre.
- Mais les Circliens ont tenté de vous tuer, rappela Genza.
Mirar soutint son regard.
- Et vous avez fait assassiner des Tisse-Rêves à Jarime pour que la faute en retombe sur les prêtres.
- Nous devons découvrir la véritable nature d'Auraya. Si elle devient immortelle, elle pourra faire une puissante alliée.
- Et si elle n'y parvient pas ?
- Elle restera tout de même une puissante sorcière, or les dieux n'apprécient pas plus les sorciers indépendants qu'ils nous apprécient, nous les immortels. Si nous n'aidons pas Auraya, ils la tueront.
La jeune femme observa les chefs religieux des deux factions. Des hommes et des femmes vêtus de blanc d'un côté et de noir de l'autre. Les pions d'un jeu dont le plateau était le monde entier.
La rancune des dieux peut durer très longtemps, Auraya. Ils n'ont pas besoin d'utiliser la magie pour te tuer: ils peuvent laisser l'âge s'en charger à leur place. Et dis-toi une chose: si j'avais pensé que ton immortalité potentielle était la seule raison pour laquelle ils risquaient de te tuer, jamais je n'aurais pris le risque de t'enseigner mon Don de guérison.