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EAN : 9791090062337
224 pages
Editions iXe (01/06/2016)
5/5   1 notes
Résumé :
"Le Secrétaire perpétuel [Hélène Carrère d'Encausse], et les membres de l'Académie française, ont la douleur de vous faire part de la disparition de leur confrère, Assia Djebar*, chevalier de la Légion d'honneur, commandeur de l'ordre des Arts et des Lettres, décédé le 6 février 2015."
En trois siècles et demi d’existence, l’Académie a beaucoup travaillé à masculiniser le français. Porte­bannière des partisans du « genre le plus noble », ce vestige de la mona... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Suite à l'élection d'Angela Merkel au poste de chancelière en 2005, on a pu trouver dans Le Figaro (porte-parole favori de l'Académie pendant très longtemps) la phrase suivante : « Chaussé d'escarpins à talons aiguilles et vêtu d'un coquet tailleur rose, le chancelier allemand a serré la main de Jacques Chirac. » En lisant cela, on se dit que la féminisation a encore du chemin à parcourir.

L'Académie contre la langue française : le dossier « féminisation » relate la guerre menée par les Quarante de l'Académie contre la féminisation de la langue française au niveau des noms de métiers, fonctions et titres. L'idée de ce livre est née de l'affaire Sandrine Mazetier et Julien Aubert, ce dernier persistant à appeler Sandrine Mazetier « Madame le Président » en 2014.

« le présent ouvrage retrace pour partie l'histoire de cette guerre picrocholine, qui n'est d'ailleurs pas tout à fait terminée, en incitant les lecteurs et lectrices à prendre du recul pour en comprendre les origines lointaines. Il donne à voir l'énergie, la violence, la mauvaise foi et le sexisme qui ont été mis au service de ce combat. Il donne à voir, surtout, l'incompétence d'une institution qui se proclame « gardienne » de la langue française, mais dont aucun membre ne maîtrise le b-a-ba de la linguistique, et qui ne réalise même plus elle-même l'inutile Dictionnaire de l'Académie qui est officiellement sa raison d'être. »

Ce livre montre l'incompétence et le conservatisme de l'Académie. Ces membres (moyenne d'âge : 77 ans) nés de Richelieu, comme ils le répètent à l'envi, ont toujours été incapables de produire un dictionnaire correct. Leurs exemples étaient élitistes, mais surtout ils avaient toujours un train de retard sur la langue usuelle. Avec seulement huit éditions en plus de 300 ans, cela peut se comprendre…
La première femme élue fut Marguerite Yourcenar en 1980 (que l'on ne vit guère sous la coupole après son élection) et seulement sept la suivirent. Son élection fut prétexte à de véhémentes discussions. Gaxotte déclara d'ailleurs : « Si on élisait une femme, on finirait par élire aussi un nègre. ». Il n'avait pas tort : ce fut Léopold Sedar Senghor en 1983.
En 1984, la création d'une commission de terminologie relative au vocabulaire concernant les activités des femmes par Yvette Roudy fut le déclencheur de leur colère. Une des missions de cette commission : « éviter que la langue française ne soit porteuse de discriminations fondées sur le sexe. » A les écouter, c'est la Révolution, c'est l'Apocalypse et la langue française ne s'en relèvera pas.

Leurs déclarations sont la preuve d'une ignorance, d'une arrogance, d'une mauvaise foi et d'un élitisme incroyables. Pire, elles relèvent souvent d'un sexisme révoltant. J'ai été sidérée lors de ma lecture par la violence de leurs propos. On a parfois du mal à croire que cela a été dit ou écrit au XXe siècle (voire XXIe siècle puisqu'un texte de Druon date de 2005).
Evidemment, l'offense, pour eux, concerne la féminisation des noms de fonctions supérieures. Les autres importent peu : pas de problème pour dire une boulangère, une hôtesse de l'air, une secrétaire… du moment que celle-ci sert un patron, et non pas l'Etat !

« Ce sont les autres qui les dérangent : celles qui bousculent l'ordre traditionnel en parvenant aux postes prestigieux qui étaient autrefois le monopole des hommes. Pour elles, une véritable anomalie est préconisée : à poste prestigieuse, port obligatoire du nom masculin ! »

Ils rabâchent encore et encore les mêmes arguments éculés – du genre « l'ambassadrice est la femme de l'ambassadeur » ou « le masculin est non marqué à l'inverse du féminin » – et s'enfoncent de plus en plus au fil de années tandis que l'usage fait entrer la féminisation dans le langage quotidien.

Cet ouvrage s'attelle à démonter les arguments fallacieux utilisés par les habits verts. Pour ce faire, de nombreuse notes de bas de page soulignent leurs erreurs, apportent des précisions, etc.
Il y a beaucoup d'humour dans ces commentaires sur les textes d'Académicien-nes. Yannick Chevalier disait, lors d'une rencontre à la librairie Violette & Co, que cela avait été « assez amusant à faire ». de mon côté, je vous confirme que c'est très amusant à lire.
Toutefois, l'humour n'empêche pas le sérieux : auteur et autrices savent de quoi ils parlent. Ils sont sociolinguistes, maître et maîtresses de conférence, écrivain-es, historiennes… : ce sont donc des personnes parfaitement compétentes pour discuter de la langue, de sa construction ou de son histoire, à l'inverse de l'Académie française qui ne compte pas de linguistes ou de grammairiens dans ses rangs.

Ce livre est organisé en chapitres qui filent la métaphore religieuse. Nous commençons bien évidemment par une présentation du Saint-Siège avant de découvrir les offenses et leurs douze points de doctrines. Suivent les bulles (les déclarations officielles) et les exégèses (différents articles écrits par des Académiciens). Ensuite, quatre suppliques (cris de désespoir adressés à Jacques Chirac, président de la République, René Monory, président du Sénat, Lionel Jospin, Premier ministre, et Ségolène Royal, ministre déléguée à l'enseignement scolaire – cette dernière supplique étant parfaitement méprisante) et le chapelet des perles clôturent le livre.

Nous avons hérité d'une langue masculinisée, souvent allant contre toute logique, et ce livre (comme le précédent ouvrage d'Eliane Viennot, Non, le masculin ne l'emporte pas sur le féminin !, que je vous conseille fortement également) est important. On prend conscience de certains usages bien ancrés dans nos têtes qui perpétuent cette masculinisation abusive de la langue française et on peut petit à petit se corriger pour adopter une langue non sexiste.
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Faire entendre – donc comprendre – que les femmes existent


« En juin 1984, l'Académie française déclarait la guerre aux partisanes et partisans de la « féminisation des noms de métiers, de titres et de fonctions ». »

Une fois de plus, pour certain-e-s, le masque ou le grimage masculin serait « non-marqué » et devrait exprimer la neutralité ou l'universel. Il aurait la capacité à représenter les deux sexes, et serait donc extensif, alors que le féminin serait marqué, particulier ou intensif…

« le présent ouvrage retrace pour partie l'histoire de cette guerre picrocholine, qui n'est d'ailleurs pas tout à fait terminée, en incitant les lecteurs et lectrices à prendre du recul pour en comprendre les origines lointaines. Il donne à voir l'énergie, la violence, la mauvaise foi et le sexisme qui ont été mis au service de ce combat. Il donne à voir, surtout, l'incompétence d'une institution qui se proclame « gardienne » de la langue française, mais dont aucun membre ne maîtrise le b-a, ba de la linguistique, et qui ne réalise même plus elle-même l'inutile Dictionnaire de l'Académie qui est officiellement sa raison d'être. »

Les mécréant-e-s (ainsi se nomment les autrices et auteur) reviennent sur l'histoire de cette compagnie « le Saint Siège » dont les traits constitutifs sont bien « son homosocialité » et « son activisme en faveur de la masculinisation de la langue française ».

De Malherbe à Richelieu, de Richelieu à la Révolution, de Napoléon à nos jours, une longue tradition « de masculinisme et de misogynie », la construction de « règles sûres » pour la langue française, la mise en ordre masculin…

Confusion entre objets inanimés et êtres humains, mots, vocabulaire et règles de grammaire, invariabilité du participe présent, disparition du pronom attribut (« vous êtes peut-être satisfait, moi, je ne la suis pas »), effacement de mots, guerre à l'accord de proximité (« Les hommes et les femmes sont belles », « Toutes sortaient des les couteaux et les dagues qu'elles avaient affûtées », « Joyeuses, des clameurs et des cris montaient de la foule », ou comme Racine « Mais le fer, le bandeau, la flamme est toute prête »)…

Les autrices et l'auteur parlent, entre autres, de déclarations péremptoires, infondées, réactionnaires et sexistes, de « teneur spécifiquement antiféministe », d'une institution incompétente, d'absence de savoir sur la langue, de légitimation du sexisme, de partisans du « genre le plus noble » … et analysent en détail, avec souvent grande ironie, les productions de ces secrétaires perpétuel-le-s ou non (le perpétuel étant déjà incompatible avec les exigences démocratiques !).

Les analyses détaillées sont présentées dans des chapitres justement nommés : Les offenses, Les points de doctrine, Les bulles, Les exégèses, Les suppliques et se terminent sur le chapelet de perles…

Des êtres humains injustement nommés « immortels » (cerbères de la langue), doctement sexistes, sempiternellement réactionnaires, ignorant-e-s toute forme de contextualisation, d'historicisation et d'analyses du langage et de ses fonctions sociales, Jean Dutourd, Alain Peyrefitte, Georges Dumézil, Jean Guitton, Jean-François Revel, Marc Fumaroli, Maurice Druon, Helène Carrère d'Encausse, Hector Biancotti, des prises de positions et des argumentaires qui ne manqueront pas de faire grincer les dents et lever les poings…

Comme l'écrivent les autrices et l'auteur « En réalité, la lutte pour une langue exprimant l'égale légitimité des femmes et des hommes à exercer tous les métiers est, depuis les années 1980, l'un des signes les plus patents d'une meilleure compréhension des mécanismes de la domination ». En effet, modifier la grammaire ou le vocabulaire pour rendre visible les femmes et favoriser l'égalité des femmes n'est ni illégitime ni arbitraire… C'est une décision politique que de faire du masculin le générique, la perpétuer ou non est aussi une décision politique. Les langues évoluent comme toutes les pratiques sociales. La tradition, toujours réinventée, masque des choix effectués ou imposés et entend figer ce qui ne peut être qu'en mouvement.

Puis, comme une fenêtre vers les possibles, les dépassements, lire l'ouvrage de Katy Barasc, Michèle Causse : requiem pour il et elle, paru chez la même éditrice.
Lien : https://entreleslignesentrel..
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Citations et extraits (8) Voir plus Ajouter une citation
«À la différence du genre non marqué, le genre marqué, appliqué aux êtres animés, institue entre les sexes une ségrégation», stipule l’Académie. Traduisons : les êtres désignés par des noms féminins sont dévalorisés. Ce serait donc le cas de l’immense majorité des femmes : actrices, boulangères, commerçantes, institutrices, paysannes… dont les académiciens n’ont que faire. Ce sont les autres qui les dérangent : celles qui bousculent l’ordre traditionnel en parvenant aux postes prestigieux qui étaient autrefois le monopole des hommes. Pour elles, ils préconisent une véritable anomalie : à poste prestigieux, port obligatoire du nom masculin ! «On devrait recommander que, dans tous les cas non consacrés par l’usage, les termes du genre dit féminin – en français, genre discriminatoire au premier chef – soient évités ; et que, chaque fois que le choix reste ouvert, on préfère pour les dénominations professionnelles le genre non marqué.»
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Au vrai, le ridicule est une notion très subjective, qui dépend du degré d’acceptation ou de condamnation de la société – ou des autorités qui s’expriment en son nom. Les mots jugés risibles par l’Académie sont bel et bien employés dans d’autres pays francophones, ou l’ont été en France à d’autres époques. Et il est aisé de voir pourquoi elle voudrait qu’on en rie : ils désignent des positions de pouvoir dans lesquelles les femmes doivent continuer à se sentir illégitimes, ce que la Compagnie se garde bien d’expliciter. En se contentant de les frapper de ridicule et en s’en moquant lourdement, elle fait sentir aux femmes qu’elles risquent des moqueries si elles les utilisent ; et elle fait savoir aux hommes qu’ils peuvent se moquer de celles qui en usent.
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Le présent ouvrage retrace pour partie l’histoire de cette guerre picrocholine, qui n’est d’ailleurs pas tout à fait terminée, en incitant les lecteurs et lectrices à prendre du recul pour en comprendre les origines lointaines. Il donne à voir l’énergie, la violence, la mauvaise foi et le sexisme qui ont été mis au service de ce combat. Il donne à voir, surtout, l’incompétence d’une institution qui se proclame « gardienne » de la langue française, mais dont aucun membre ne maîtrise le b-a, ba de la linguistique, et qui ne réalise même plus elle-même l’inutile Dictionnaire de l’Académie qui est officiellement sa raison d’être.
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L’Académie, cependant, n’a jamais constitué, pour ses membres comme pour les hommes qui aspiraient à y entrer, qu’un levier permettant de s’élever au-dessus du commun des auteurs : un outil de distinction sociale et intellectuelle. Avec la complicité du pouvoir, évidemment, qui aurait fermé la boutique depuis longtemps si elle n’avait servi de miroir aux alouettes aux lettrés en mal de légitimation (et de moyen commode pour remercier des fidèles ou caser des parents). Quant aux véritables linguistes, longtemps considérés comme des empêcheurs de légiférer en rond, ils ont été soigneusement écartés de la Compagnie.
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Tous ces exemples montrent à quel point, même si elle a reçu des renforts d’électrons livres parfois plus virulents et excessifs qu’elle, l’Académie française a travaillé à faire du masculin le genre grammatical devant lequel l’autre devait soit montrer sa soumission, soit disparaître purement et simplement. Elle a donc activement secondé, sur le terrain linguistique, l’entreprise menée sur le terrain philosophique et scientifique pour faire de « l’homme » (au singulier) le représentant de l’espèce humaine.
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