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Citations sur Le français est à nous ! (13)

Qu'est-ce qu'une faute ?

... souvent, on ne sait pas que :
Le français standard n'a aucune existence empirique, c'est une idéologie qui ne se maintient que parce qu'elle est partagée par un grand nombre de gens.
Ce qui est considéré comme correct ou incorrect se renégocie sans cesse selon un grand nombre de critères en concurrence ; de nombreuses tournures naguère fautives sont considérées comme correctes aujourd'hui, et vice versa.
L'orthographe française n'est pas toujours fondée sur des critères logiques ou étymologiques. Bien souvent, elle est surtout un outil de distinction sociale.
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L'anglais pourrait-il menacer le français ? De fait, l'anglais se développe comme langue internationale et langue des échanges scientifiques, comme ce fut le cas jadis pour le latin. Il est devenu ce qu'on appelle, à la suite de Jean-Louis Calvet, une 'langue hypercentrale', avec un statut international tout à fait particulier. Or ni le latin médiéval ni le latin scientifique des siècles dits classiques n'ont remplacé aucune des langues de culture européenne. Le plurilinguisme ne menace pas la diversité linguistique. La seule pratique qui pourrait représenter une réelle menace, ce serait l'abandon de l'usage du français dans un domaine entier de la vie en société. Par exemple, l'abandon de toute création musicale ou cinématographique en français serait incomparablement plus nocif pour la vitalité du français que l'adoption de 3000 néologismes à base d'anglais. Ainsi, le soutien public à la création en langue française est incomparablement plus utile à la vitalité du français que les croisades de l'Académie pour remplacer 'podcast' par 'balladodiffusion'.
(p. 59)
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Pour résumer le match entre 'au coiffeur' et 'chez le coiffeur', on peut retenir qu'il s'agit d'une opposition entre une logique linguistique et une logique sociale. Sans ce processus de stigmatisation sociale, on aurait pu simplement garder 'chez' pour désigner, en accord avec l'étymologie, des endroits où quelqu'un habite et dire ainsi 'Je vais chez moi, chez une amie' et 'je vais au coiffeur, au Carrefour, à Leclerc, à la SNCF'. Dire 'chez le coiffeur' n'apporte aucun apport de sens par rapport 'au coiffeur', au contraire. Est-ce bien raisonnable de maintenir cette hiérarchie entre les deux tournures alors qu'elle n'a rien à voir avec la grammaire ?
(p. 55)
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Pour rédiger leur premier dictionnaire, les académiciens, au lieu d'observer leurs contemporains, se sont surtout observés entre eux ! Les linguistes de nos jours s'efforcent de constituer des échantillons plus représentatifs en sélectionnant pour leurs observations des millions de mots provenant de divers médias francophones, de la littérature, du cinéma ou de la musique, des écrits professionnels, des échanges publics ou parfois privés sur les réseaux sociaux, etc. On ne considère plus que le seul français digne d'être étudié est le français écrit littéraire.
(p. 17-18)
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Une faute que tout le monde adopte cesse d’être une faute.

Il convient de souligner que ce que nous considérons comme faute est très relatif. Le linguiste Henri Frei a proposé dès les années 1920 une Grammaire des fautes, en partant du constat qu’un grand nombre de mots, d’expressions ou de constructions se sont imposées dans la langue à la suite d’une coexistence en concurrence avec des variantes, et que, dans de nombreux cas, c’est la variante considérée comme erronée qui a fini par s’imposer comme correcte.
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Des bases humaines communes se retrouvent également dans les langues du monde : toutes disposent d'outils pour distinguer 'moi' et 'toi', pour produire des prédications (c'est à dire associer une information de type verbal à un sujet), toutes fonctionnent avec plus de consonnes que de voyelles distinctes, etc.
(p. 42)
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La notion de "niveaux de langue" ou de "registres" a commencé à se répondre dans les années 1950. Elles est, de nos jours, bien intégrée dans les manuels scolaires : nous avons appris qu'il y avait trois niveaux de langue : familier, courant et soutenu. Or cette tripartition, a priori évidente, pose problème dès qu'on l'observe de plus près...
En effet, les énoncés que nous produisons sont souvent hétérogènes et peuvent mêler des caractéristiques attribuées au registre familier - par exemple le fait d'omettre le "ne" de la négation et de n'employer que le "pas" - et des caractéristiques attribuées au registre soutenu - par exemple un vocabulaire précis, technique, littéraire, archaïque... Un énoncé comme " Je vois pas pourquoi tu t'emportes de cette manière " est à la fois familier et soutenu.
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Geofroy Tory de Bourges dans Champ fleury (1529) et Jean (John) Palsgrave dans L’Esclarcissement de la langue françoise (1530) tempêtent déjà contre la dégradation et la décadence du français envahi par des latinismes et italianismes prétentieux, et par des mots venus du jargon du bas peuple et adoptés par les gens de la Cour… Geofroy Tory s’élève contre le danger des « inventeurs et forgeurs de mots » qui pervertissent et corrompent le français et appelle déjà (en 1529…) à purifier la langue pour la sauver ! Contre ces corrupteurs, il appelle à prendre comme modèles les auteurs incontournables qui ont su donner au français un style de « grande majesté » : Chrestien de Troyes, Jehan-li-Nevelois, Hugon Mery, Arnoul Graban… Si ses références peuvent aujourd’hui sembler bien désuètes, l’idéologie puriste appliquée à la langue française n’a pas pris une ride et se retrouve dans les discours conservateurs actuels. Ce qui a radicalement changé, c’est le public visé : Geofroy Tory et John Palsgrave s’adressaient à une minuscule élite et n’avaient cure de l’ensemble des gens qui parlaient français ; les discours conservateurs actuels ont progressé au moins sur ce point : leur élitisme est rarement explicite. Et pourtant, de fait, l’élitisme reste un moteur qui alimente beaucoup de discours sur la langue : il s’agit toujours de se distinguer des autres, de celles et ceux qui parlent et écrivent mal. Mais quel but poursuit-on exactement en attirant l’attention sur les fautes ? S’agit-il vraiment de diffuser des connaissances… ou de s’assurer de rester entre soi en repoussant les souillures venues de l’extérieur ?
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Le 20 novembre 2018, le ministre de l’Éducation nationale, Jean-Michel Blanquer, auteur de grandes tribunes sur l’importance du passé simple, dans lesquelles il regrettait le « manque d’ambition de l’école primaire sur la conjugaison » (Le Parisien, 15 avril 2018), s’est révélé incapable, lors d’une dictée surprise, de conjuguer le verbe « courir » à la première et à la troisième personne du passé simple. Une belle illustration de la différence entre discours sur la langue et pratique de la langue, et même entre pratique personnelle de la langue et l’idée que l’on s’en fait.
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Pourquoi a-t‑on peur de faire des fautes ?

Les discours normatifs entretiennent un sentiment général d’insécurité linguistique, en construisant des discours autour de la notion centrale de faute, mot qui implique une connotation morale. La faute est l’alpha et l’oméga des discours normatifs, sans que la notion de faute soit définie ou mise en perspective historique : on fait des fautes sans le savoir, les fautes sont un fléau, nous n’accordons jamais assez d’importance aux fautes, et améliorer sa maîtrise du français revient à faire moins de fautes… Ces discours sont si répandus qu’on en arrive souvent à se laisser convaincre que le français est de toute façon une langue difficile et à se consoler avec le cliché selon lequel sa beauté viendrait en grande partie des difficultés de sa grammaire ou de son orthographe.
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