Traduit par François Ponther . 3 fois je me suis trouvé en contact avec des chameaux. J'ai visité 5 fois Marrakech. J'ai lu 4 livres de Canetti, .ce juif roumain ou bulgare que je lis. J'aime beaucoup cet auteur. 1954 date de son voyage la 1ère fois qu'elle j'y suis allé est en 1982.
Les uns à côté des autres. Les souks, la place DJema El Fna . Je connais. Je me souviens c'était avant. Je préfère le souk d'Essaouira , plus petit, je crois. Mais tout aussi beau avec Francine, puis Veronique . El jadida ce port portugais. Cette réserve d'eau d'Orson Welles. Tire de son film Desdemone de Shakespeare. Stratford upon Avon est loin. Tamanssourt.
Un enseignant à la retraite, grand lecteur et amateur de livres, a mis sa bibliothèque en vente avant de partir s'installer en Asie. C'est donc avec passion et une joie non dissimulée que j'ai acheté plus de 200 livres, à un prix défiant toute concurrence. C'est l'occasion de découvrir des auteurs que je ne connais pas et de relire les autres. C'est dans ce fonds que j'ai extirpé le journal de voyage de Canetti. Premier livre que je lis de cet auteur. Connaissant aussi un peu Marrakech, je me suis souvent retrouvé dans ces très courts récits. Écrit dans les années 50, la ville ne semble pas vraiment différente de ce qu'elle est maintenant. La place Djemaa el Fna est restée la même et la description des souks et des mendiants correspondent à mon expérience. J'aime lorsqu'il se penche sur la maltraitance des ânes ou l'indifférence à l'encontre des enfants des rues. J'aime également lorsqu'il décrit son agacement, face à l'insistance d'un individu pour lui servir de guide.
Les européens ne sont pas non plus en reste, restaurateur, patronne de bar, ses amis anglais... Tout ce petit monde fait aussi partie de son voyage. En résumé, c'est un récit de voyage qui se lit agréablement.
Bien mieux qu'un guide et à moindre coût, Elias Canetti saura vous faire découvrir Marrakech dans ce que la ville ocre offre de manière intemporelle : son esprit et ses hauts lieux. Pour ce qui est des restaurants et autres curiosités commerciales, il faudra bien entendu se référer à d'autres productions.
Le propos est peut être un peu fort mais tout à fait révélateur tant ce récit de voyage d'un peu plus de cent pages, se révèle être des plus actuels. Il a pourtant été écrit dans les années 1950, en pleine Guerre Froide à une époque ou le Maroc vivait encore sous l'autorité du Protectorat. Les choses ont beaucoup changé depuis et pourtant l'écrit reste valable.
Il est ici question de l'esprit de la ville avec les chameaux (comment ne pas se révolter), les souks (tout cela semble encore d'actualité malgré l'invasion des mobylettes), la pauvreté. Certains passages laisseront la place au mythe et au surnaturel. Si ces passages sont les meilleurs, ceux consacrés à Elie Dahan le sont beaucoup moins. le talent de l'auteur nous permet littéralement de vivre et de comprendre son exaspération.
Ce court récit offre à la fois le compte rendu d'un certain nombre de rencontres ou de visites faites sur place ainsi que de réflexions personnelles. Celles-ci ne sont pas toujours en faveur des nos compatriotes ou des populations locales, bien que l'auteur ne s'attaque pas directement à un individu ou à un État.
Le style est fluide, agréable, plaisant. Comme il s'agit d'une traduction, l'on ne peut que louer et apprécier la qualité du travail de traduction qui est ici particulièrement soignée. L'édition au format poche qui nous est proposée manque peut-être de quelques outils, ne serait-ce que d'un plan pour mieux se projeter sur place.
Ce récit est court, bien écrit, saisi l'essentiel et se révèle être un accompagnement idéal pour les vacances. Une lecture tout à fait indispensable pour celles et ceux qui désirent se rendre sur place.
Les voix de Marrakech. Prise de sons. Captation d'un présent. Il fallait le talent d'Elias Canetti pour saisir et retranscrire ce qui, en 1954, se vivait au choeur même de la grande cité. Protectorats, sultanat, présence américaine, populations berbère, juive, arabe, présence européenne.
Maisons silencieuses, femme derrière une grille, conteurs et écrivains publics, souks, bases américaines, mendiants aux portes des grands hôtels, maisons clauses, terrorisme, tensions politiques, grondements invisibles.
Les voix invisibles de Marrakech, ...des voix fières et magnifiques et parfois si terribles.
Les regards et les silences de Marrakech, ses murs, ses cours, ses places et ses marchés. Ses ombres et ses lumières, et surtout tous ses enfants.
Deux ans après le voyage de Canetti , la France et l'Espagne reconnaissaient la fin de leur protectorat instauré sur le sultanat du Maroc en 1912.
Le souverain, imposé par la France en 1927, convertit son titre de sultan en celui de roi sous le nom de Mohammed V. Son fils Hassan II lui succédera, jusqu'à ce qu'à ce que son fils Mohamed VI monte à son tour sur le trône.
Les voix de Marrakech est sous-titré JOURNAL D'UN VOYAGE. J'ai lu plusieurs fois La langue sauvée. Ce récit de voyage de Canetti
Les premières rencontres sont celles des chameaux, cris angoissés d'un méhari enragé qu'on conduit à l'abattoir, arrivée d'une caravane de 700 bêtes, à la tombée de la nuit, sous les murailles de la ville, conduite par des hommes "bleus" .
Les voix humaines sont souvent celles des mendiants, aveugles, seuls ou en groupe, que Canetti écoute sans comprendre l'arabe
"Je ne voulais rien perdre de la puissance exotique des cris. je voulais être touché par les voix telles qu'elles sont par elles même et n'en rien affaiblir par un savoir artificiel et insuffisant."
Sensibilité de voyageurs, loin du clinquant pour touristes...Le Journal de voyage ne s'attarde jamais sur les curiosités dont se délectent les vacanciers.
maisons silencieuses et terrasses désertes, sous les sommets enneigés de l'Atlas, Canetti ne pourra pénétrer dans l'intimité de ces murs aveugles, une image furtive, une femme derrière une grille, quelques enfants....la ville garde jalousement ses secrets.
Les conteurs et les écrivains publics ne sont pas oubliés. Pouvoir des mots prononcés, pouvoir des mots écrits...
J'attendais Canetti dans le Mellah. Natif de Roustchouk en Bulgarie, séfarade ayant encore gardé les traditions espagnoles, j'imaginais sa rencontre avec les Juifs du Mellah. 1954, le Mellah est encore habité par ses Juifs. Quand je l'a visité en 2001 pour la première fois, il était déjà vidé de sa substance. Magasins de soieries, marchés de légumes, école encore plus misérables, Canetti remarque la diversité des visages qu'il scrute. Avec humour, il remarque même un Juif lui rappelant Goebbels, parmi les Juifs de Rembrandt, ou les Berbères portant la calotte juive... Il découvre une fontaine, des artisans.... Ce n'est qu'à la seconde visite qu'il s'enhardit à entrer dans une cour. le prétexte? la présence d'enfants lui suggère une école. On l'invite : "- le voilà invité par toute la famille Dahan. Invitations chaleureuses, mais pas dénuées d'intérêt : les chômeurs de la familles espèrent obtenir une recommandation de ce Juif anglais riche auprès du commandant américain de la base militaire. Un emploi de plongeur, ou de tailleur conviendrait très bien. Canetti nous fait rencontrer les membres de cette famille dont le père, figure impressionnante....
Dans le Maroc de 1954, les Américains ont encore des bases militaires, le souvenir de la Seconde Guerre mondiale est encore présent, le Glaoui est une figure importante. ....Le tourisme n'a pas encore envahi les souks. Époque révolue.
Ce journal de voyage, d'une grande sensibilité , est aussi empreint d'une réflexion sur les mots, leur musique, ce qui ne m'étonne pas de la part de l'auteur de la Langue sauvée.
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"Les portes étaient encore ouvertes et les enfants étaient plantés dehors, pleins d'espoir et de patience.Ils sentaient qu'ils ne seraient pas chassés pendant qu'il racontait son histoire. Lui, qui avait commencé son récit avec un tel mépris à leur encontre, venait en un court instant de se rendre infiniment plus méprisable qu'eux. Qu'il les eût calomniés ou qu'il eût dit la vérité à leur sujet, il était maintenant enfoncé plus qu'eux. Je souhaitai qu'il existât un genre de punition qui l'obligeât à demander leur intercession." La calomnie, Les voix de Marrakech, extrait 1954.
Lorsque je revenais de mes promenades nocturnes à travers les ruelles de la ville, j'avais l'habitude de revenir par la place Djemaa el Fna. Il était étrange de la traverser lorsqu'elle était quasiment vide. Il n'y avait plus d'acrobates, ni de danseurs, ni de charmeurs de serpent, ni de mangeurs de feu.
“E-li-as Ca-net-ti ?” répéta le père d’un ton interrogateur et hésitant. Il répéta plusieurs fois mon nom pour lui-même en en séparant nettement les syllabes. Dans sa bouche mon nom prenait de l’importance, devenait plus beau. Il ne me regardait pas, mais au contraire, fixait son regard devant lui comme si le nom avait été plus réel que moi et comme s’il avait mérité d’être appris.
Je l’écoutais, surpris et touché. Dans sa mélopée, mon nom me semblait appartenir à une langue particulière, inconnue de moi. Il le soupesa généreusement quatre ou cinq fois et je croyais entendre le cliquetis des poids. Je ne ressentais aucune inquiétude, il n’était pas un juge. Je savais qu’il découvrirait le sens et le poids de mon nom et lorsqu’il l’eut fait, il me dévisagea de ses yeux rieurs.
Il était là, debout, comme s’il avait voulu me dire : le nom est bon.
Pour se familiariser avec une ville exotique, on a besoin d'un endroit clos sur lequel exercer un certain droit et où se retrouver seul lorsque le trouble des voix nouvelles et incompréhensibles devient trop grand.
Les cimetières dans d’autres parties du monde, sont organisés pour assurer la bonne conscience des vivants. On y trouve beaucoup de vie, des plantes et des oiseaux, de sorte que le visiteur, seul vivant parmi tant de morts, se sent ragaillardi et fortifié. Il lit sur les pierres tombales les noms des gens auxquels il a survécu. Sans qu’il en convienne, cela lui fait un peu imaginer qu’il a vaincu chacun d’eux en combat singulier. Certes, il est attristé par tant de gens qui ne sont plus, mais en compensation, il se sent lui-même invincible. Où, ailleurs, pourrait-il se trouver dans une telle situation ? Sur quel champ de bataille du monde resterait-il l’unique survivant ? Il est là, debout, au milieu de tous les gisants. Cependant, les arbres et les pierres tombales aussi sont debout. Plantés là ou dressés, ils l’entourent comme un héritage destiné à lui plaire. Mais dans ce cimetière des juifs, il n’y avait rien.
Stendhal a écrit "La Chartreuse de ..." ?