J'ai lu ce livre alors que j'entamais un long travail sur la mémoire, en particulier au travers des journaux "intimes".
Le hasard a voulu qu'en plus, au moment de commencer ma lecture, je découvre mes propres carnets de jeunesse complètement effacés par accident. Alors, oui, bon, évidemment, mon sentiment de reconnaissance dans le récit était complètement faussé, mais les différentes phases par lesquelles passe l'auteur m'ont, de toute évidence, semblé bien familières.
Si à un moment on hésite quant à la meilleure façon de garder nos souvenirs, notre mémoire et, finalement, ce qui nous constitue, il peut sembler difficile de se se débarrasser de tous ces "petits papiers" qui nous encombrent, mais servent de support à notre personnalité. Finalement, laisser derrière soi ses souvenirs matériels pour mieux considérer (et entraîner) ce que nous gardons dans la tête pourrait s'avérer utile. Douloureux, certes, mais utile.
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Au fil des pages, une forme s'invente, où la diariste met en scène en un très beau jeu de miroirs le rôle conféré d'ordinaire à l'écriture quotidienne.
Lire la critique sur le site : LeMonde
Rédigé là même où elle fut dépouillée, son récit fiévreux s'apparente à un travail de deuil, mais annonce une renaissance. Commencé dans la souffrance, la colère et la dépression, il se termine par la victoire de l'imagination sur la réalité, du jour sur la nuit. Son irrépressible désir d'écriture, personne ne pourra le lui voler.
Lire la critique sur le site : Bibliobs
Dimanche 13 mars 2011
Etre la même et une autre : c'est ce qui arrive lorsqu'un deuil nous frappe. C'est bien soi, et pourtant quelque chose de fondamental a changé, au point que parfois dans un éclair on n'y croit pas, on se dit ce n'est pas possible, à cause de la permanence du soi contrastant avec l'énormité du changement que constitue la perte de l'autre. Dans les ruptures amoureuses pareillement. (p. 15)
les journaux contiennent toute ma vie: or j'ai une mémoire si incertaine, si lacunaire, que cette perte m'apparait comme une grande catastrophe.
Que peut-il y avoir dans la tête du jeune homme qui force les serrures et y découvre cette chair du temps, Des souvenirs se dit-il ?"
Ce que je fais peut-être aussi en écrivant ces pages : comprendre comment le temps nous traverse. Comprendre en quoi nous sommes fait de la chair du temps, c’est-à-dire de mémoire ».
9 août- En songeant à ceux qui pourraient lire mes journaux un jour- au cas où ils ne seraient pas détruits-, j'ai réalisé qu'il y avait une forme de fausseté dans le journal. Parce qu'il sert souvent d'exutoire à la détresse, il est le réceptacle privilégié des moments difficiles; lesquels ne sont pas forcément représentatifs de notre existence. (p. 19)
Un journal qui a perdu la mémoire ?
L'horreur , dans la perte d'un journal, ressemble à celle qui nous étreint lors de la disparition d'un être : une absolue singularité s'évanouit, irremplaçable. Ce qui s'est envolé, c'est ce que je fus, dans le détail du fil du temps, dans l'évolution d'une conscience. (p. 14)
Je peux donc à présent répondre à une question posée à l'orée de ce livre, celle des œuvres comme consolation. Non. Les œuvres, en nous donnant l'occasion de ressaisir le monde, nous permettent d'y exercer une forme de liberté.
Une conversation présentée par Raphael Zagury-Orly
Avec
Isabelle Alfandary, auteure et professeure
Belinda Cannone, auteure
Serge Hefez, psychiatre
Le «un» n'est jamais le chiffre de la vie. Certes, il y a les organismes unicellulaires, bactéries, levures, plancton et autre protozoaires… Mais eux aussi on besoin de quelque chose d'autre, d'un milieu.. A la base de toute molécule organique, outre la durée temporelle et les sources d'énergie, se trouvent des multiplicités, des altérités, des combinaisons d'éléments, carbone, oxygène, hydrogène, eau, azote, dioxyde de carbone, diazote… Bien sûr, cela fait la vie sur Terre, la vie des vivants, mais ne dit rien sur la façon dont les êtres humains, eux, choisissent de la porter, cette vie, c'est-à-dire d'exister. de là aussi l'unicité est exclue: on vient au monde «plein des autres», le monde ne vient à l'enfant que par les autres, et il n'y tient que si d'autres d'abord le tiennent et tiennent à lui. Né d'une union qu'il n'a pas choisie, il lui appartiendra ensuite de s'unir volontairement à qui il voudra, par affinité, par intérêt même, par amitié, par amour, et de constituer des couples, des clans, des groupes, des familles, des communautés, des sociétés… Il se peut dès lors que des personnes, pour supporter le faix de la vie, choisissent de la porter à deux, de faire de leur cohabitation une convivance, et de leur existence une coexistence, le plus souvent solidifiée par le ciment de l'amour. La «vie à deux» devient dès lors une vie rêvée que les partages quotidiens rendent réelle. Mais est-ce si sûr? Combien coûte le sacrifice du «un», de la libre et insouciante existence solitaire, qui n'a de comptes à rendre à personne? Combien coûte le sacrifice du trois, ou du quatre, d'union plurielles où la diversité fait loi, où les plaisirs varient et s'égaient de ne point devoir s'abreuver à une seule source? Est-il possible qu'une «vie à deux», soudée par le plus bel amour, résiste aux soudaines envies d'autonomie, demeure imperméable aux petites disputes, aux grosses scènes de ménage, aux soupçons, aux jalousies, aux perfidies, aux humeurs insupportables, aux messages indus sur le portables, aux désirs d'être seule(e), de partir seul(e), de dormir seul(e)? On ne sait pas. On ne sait pas si la «vie à deux» est le paradis de l'amour ou l'enfer de la liberté.
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