« Son Mariquita chéri s’était mué en un village de veuves dans un pays d’hommes. »
Oui. Elles resteraient ici, au purgatoire. Car c’était bien là ce qu’était en vérité Maraquita. Le purgatoire. Sauf que personne ne s’en était encore rendu compte.
Un village habité par des femmes courageuses vivant en autarcie, qui travaillaient la terre du lever au coucher du soleil, et qui ne baisseraient jamais les bras, pas même dans les situations les plus épouvantables. Un village laissé à l'écart par les maladies et les tragédies, oublié par la mort.
D'autres couples révélèrent timidement leurs secrets, et quand ce fut fini, quelques femmes seules commencèrent à se faire des déclarations d'amour. L'élan était si contagieux qu'à ce moment précis certaines décidèrent qu'elles étaient simplement amoureuses des femmes assises à côté d'elles, et le leur dirent. Même les très vieilles femmes, qui n'avaient pas aimé ou n'avaient pas été aimées depuis des lustres, sentirent de nouveaux les feux de la passion dévorer leurs corps ratatinés.
Remarquable! féministe et écris par un homme. L’histoire, inspirée de faits réels, se déroule en Colombie dans les années 90 où la loi des hommes rime avec guerre, morts et pertes et quand les femmes décident de composer leur société à leur image; avec les erreurs, leurs difficultés, créativités et… le "C’est à votre tour de vous laisser parler d’amour!".
Le jour où les hommes disparurent commença comme un dimanche matin ordinaire à Mariquita : les coqs oublièrent d'annoncer l'aube, le sacristain ne se réveilla pas à temps, la cloche de l'église n'appela point les fidèles à assister à l'office des matines, et (comme chaque dimanche depuis les dix dernières années) une seule personne se montra à la messe de six heures : dona Victoria viuda de Morales, la veuve Morales. Celle-ci était habituée à cette routine, de même que le padre Rafaël. Les toutes premières fois, cela avait été gênant pour eux deux : le petit prêtre presque invisible derrière la chaire, prononçant son homélie , la veuve assise seule au premier rang, grande et bien en chair, complètement immobile, la tête couverte d'un voile noir qui lui descendait jusque sur les épaules. À la longue, ils décidèrent de se débarrasser de la cérémonie et prirent l'habitude de s'asseoir dans un coin à boire du café et à papoter.
En déambulant dans La Nouvelle-Mariquita, Angel se sentait comme un gamin dans un parc d'attractions. Il montrait chaque jardin florissant, des deux côtés de la rue, avec un enthousiasme de plus en plus grand. "Regardez, des yuccas ! s'écriait-il. Et là ! Des courges !" Il n'arrêtait pas comme si le seul oeil qui lui restait avait soudain eu la faculté d'apercevoir des choses que les autres ne pouvaient pas voir avec leurs deux yeux.
Les villageoises hochèrent la tête avec bienveillance. La demande d'Angel semblait sincère. Il méritait une seconde chance. Amparo Marin fut particulièrement sensible à la requête d'Angel, à sa voix grave, sa correction et la tristesse qui se lisait sur son visage. Comment un homme pouvait-il exprimer ses sentiments de manière aussi touchante avec si peu de mots et un seul oeil à faire briller ?