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Vincent Capt (Directeur de publication)Sarah Lombardi (Directeur de publication)Jérôme Meizoz (Directeur de publication)
EAN : 9782889011384
216 pages
Editions Antipodes (04/12/2017)
3.17/5   3 notes
Résumé :
Cette conception de l'art, nommée comme telle en 1945 par le peintre Jean Dubuffet, renvoie à un complexe d'oeuvres et de discours sur l'art situés hors des circuits institutionnels conçus par la culture lettrée et académicienne.
Que dire aujourd'hui de l'Art Brut pour ce qui est de ses créateurs, de ses modalités d'exposition, de son positionnement dans le champ de l'art ?
Le présent ouvrage apporte à ces trois questions autant de réponses que de nouv... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
"L'Art Brut est un apex, une vue algébrique de l'esprit, un pôle vers lequel on tend..."
(J. Dubuffet)

"Vincent... !", s'est fâchée un jour Mme Capt.
"Encore un mot sur l'Art Brut, et tu vas te coucher sans dîner ! Et si vraiment tu as besoin d'en parler, fais-le avec tes amis, mais épargne-moi tes spéculations !"
Et voilà comment a vu le jour ce livre : "L'Art Brut, Actualités et enjeux critiques", qui regroupe les observations de plusieurs spécialistes sur l'évolution de ce courant artistique.
Mais d'abord - l'Art Brut est-il vraiment un "courant artistique" ? Oui et non...

Le sujet m'intéresse, et avant de me lancer dans cette laborieuse lecture, je pensais en savoir l'essentiel. L'appellation nous vient de Jean Dubuffet, qui (en 1945) commence à s'intéresser à la production des autodidactes, des marginaux et des mentalement dérangés qui créent pour leur propre plaisir, souvent poussés par un certain "besoin". Création hors système officiel et académique, à partir du matériel récupéré ou peu coûteux.
Ce n'est pas de "l'art naïf" à l'inspiration folklorique, ni "l'art ethnique" qui est en quelque sorte l'art officiel de telle ou telle ethnie, mais une création spontanée, originale et absolument libre de toutes les contraintes imposées par le diktat de "l'art culturel".
Mais voilà..
Depuis 1945 l'Art Brut (qui existe depuis toujours et qui est jusque là passé inaperçu) a fait son bout de chemin, et le récent engouement qu'il provoque nécessite d'éclaircir et de justifier sa position dans le monde de l'art actuel, et notamment sur le marché (ne tournons pas autour du pot !)
L'introduction de V. Capt, exercice verbal de haute voltige, m'a fait, hélas, réévaluer mes connaissances on ne peut plus brutes sur le sujet, en me laissant seule avec Socrate et son "je sais que je ne sais rien".

L'esprit à l'état brut, j'ai donc abordé le premier chapitre, "Axiologie d'une artification", qui se pose la question essentielle : à quel moment une oeuvre "brute" devient-elle une oeuvre "d'art", exposable et vendable ? Est-ce vraiment de l'Art ? Oui et non...
Peut-on le sortir de son contexte "marginal", sans en altérer la nature ? Oui et non...
Un artiste "brut", désire t-il lui même être connu ? Oui et non...
L'Art Brut peut-il être confondu avec l'Art Contemporain ? Oui et non... etc., etc.
Voilà le problème actuel de l'Art Brut, qui, sorti des hôpitaux psychiatriques et des ateliers miteux des autodidactes est subitement devenu un "produit" difficilement qualifiable, car une fois officiellement présenté au public et soumis aux critères, il va perdre une partie de son essence et de sa "brutalité". On va créer de nouvelles appellations : "Outsider art", "Art singulier", pour le différencier des autres formes qui ne désignent, après tout, qu'une seule et même chose.

Le livre n'est pas inintéressant, mais il tergiverse beaucoup et les phrases sont souvent pleines d'un pompeux rien, car toutes ces questions sont loin d'avoir une réponse claire. L'Art Brut en train de s'officialiser est devenu un peu comme ce mythique serpent Ouroboros qui dévore sa propre queue.
Mais quelques articles restent intéressants (le cas de Gaston Chaissac et les portraits de quelques autres artistes, accompagnés d'illustrations sporadiques), et on peut comprendre la perplexité des galeristes et commissaires d'exposition face à cette production hors-normes.

D'ailleurs, ces expositions originales attirent toujours un nombreux public... Est-ce que cela veut dire que l'Art Brut actuel (y compris virtuel, désormais) est en train de s'"institutionnaliser" ? La réponse est encore oui et non; et même l'un des derniers chapitres, qui s'interroge s'il vaut mieux exposer ces oeuvres dans une salle entièrement noire ou entièrement blanche reste indécis.

Je remercie donc les éditions Antipodes de m'avoir adressé ce livre lors de la dernière masse critique, en me posant la dernière question : le livre m'a t-il vraiment apporté quelque chose de plus que l'addiction à l'aspirine et la tête remplie de questions ?
Oui et non. Donc 2,5/5.
Peut-être un conseil : si vous avez envie de créer, faites ! Même un autodidacte peut devenir un artiste honnête en pratiquant, mais pas un "artiste brut". Lui, il est né tel quel, avec son étrange génie. Mais peu importe, car vous serez toujours l'un ou l'autre, et c'est ça qui est bien !
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Pour être claire dès le départ, il ne s'agit pas là d'un livre conçu pour faire découvrir l'Art Brut et présenter le concept ainsi que son histoire (oui, du coup, ça fait pas envie, dit comme ça). C'est précisé en avant-propos, on a là un ouvrage destiné à un public déjà averti, et si j'ai bien saisi, à un ouvrage qui cherche surtout à susciter des vocations, et s'adresse donc essentiellement à de futurs chercheurs. Par conséquent, si vous avez envie de lire quelque chose pour aller à la découverte de l'Art Brut, ce n'est pas le livre qu'il vous faut - il y a pour ça d'autres publications parfaitement adaptées à votre projet. Si, en revanche, vous n'êtes pas du tout chercheur, confirmé ou potentiel, mais que vous êtes amateur d'Art Brut, ou que vous vous intéressez à l'Art Brut sans être spécialiste de la question, vous pouvez y aller sans crainte. Je préfère mettre les choses au point, de peur que des lecteurs novices en Art Brut mais curieux (et c'est une bonne chose d'être curieux, contrairement à ce qu'on nous disait quand on était petits) ne s'engagent dans cette lecture et soient carrément rebutés par ce qu'ils y trouveront, car on y fait référence à des tas de choses et à des tas de gens que le lecteur est censé connaître ; il va de soi pour les auteurs que ce lecteur est déjà relativement coutumier de l'Art Brut. Songez donc au fait que le premier essai s'intitule "L'Art Brut : Axiologie d'une artification" et vous comprendrez peut-être mieux pourquoi je mets en garde le lecteur innocent et curieux qui s'aventurerait dans ce livre le sourire aux lèvres.


On a donc ici une publication de 2017, faisant suite à un colloque, composé de douze essais, plus une table ronde rapportée par écrit et un texte de Laurent Danchin, tout ça en à peu près 200 pages. Ce qui signifie que chaque essai comprend une douzaine de pages. Et douze pages, c'est court, surtout quand on a affaire à un sujet aussi brûlant que l'Art Brut, en vogue depuis quelques années au point que se développent hardiment les recherches mais aussi des galeries spécialisées et des musées, que les expositions se multiplient, ainsi que des festivals, biennales et autres trucs du genre, et qu'apparaissent de plus en plus d'artistes (on les appelle les "apparentés") se réclamant, sinon de l'Art Brut, du moins de l'art singulier, outsider, hors normes, etc. (les appellations, elles aussi, sont multiples, même si ce n'est pas une nouveauté ), tandis que, forcément, les prix des oeuvres grimpent.


Le but de ce livre, c'est d'aborder des questions qui se posent actuellement dans le monde de l'Art Brut, et notamment celles de la "légitimité" de l'Art Brut, mais aussi de son utilité critique vis-à-vis de l'art. Je rappelle que, en effet, Jean Dubuffet, l'inventeur en 1945 de la notion d'Art Brut, était un rien ulcéré par ce qu'il appelait l'art académique (ce qui désignait à peu près l'art dans son entier, du moment qu'il était estampillé comme tel), et qu'il recherchait dans l'Art Brut un art contestataire (à prendre dans un sens très large), qui ne répondait pas aux critères, selon lui très étriqués et très bourgeois, de l'art. D'où sa définition de l'Art Brut, un art des reclus, des solitaires, des gens rejetés par la société et "indemnes de culture artistique" (dernier point sur lequel il me semble qu'il est revenu en partie au fil des années). Or, depuis Dubuffet et sa définition de l'Art Brut en 1945, sans oublier sa donation à la Ville de Lausanne en 1975, il s'est passé pas mal de choses et, comme il est rappelé dans la table ronde en fin d'ouvrage, on peut considérer que trois générations de chercheurs, mais aussi d'amateurs et de collectionneurs, ont fleuri.


Je vais donc m'attaquer, c'est bien le mot, à cette question des douze pages en moyenne par essai. C'est à mon sens le gros problème de l'ouvrage. le tout premier est signé Nathalie Heinich, sociologue à qui les autres auteurs du livre font beaucoup référence. Elle a travaillé sur l'art et sa réception, et sur le "passage à l'art", c'est-à-dire sur ce processus qui transforme un artefact ou tout un type de créations humaines en objet(s) d'art ; l'exemple typique, c'est la peinture : il nous semble aller de soi qu'une huile accrochée au Louvre est forcément de l'art, alors qu'il n'en allait pas forcément ainsi à l'époque de la réalisation de l'oeuvre. L'Art Brut a donc connu le processus appelé par Heinich "artification" : des productions considérées sans valeur, souvent données, abandonnées, voire carrément jetées soit par leurs créateurs eux-mêmes, soit par d'autres, ont acquis au fil du temps, selon certains critères (la fameuse "axiologie"), le statut d'oeuvre d'art. le sujet de l'artification de l'Art Brut est en soi tout à fait passionnant. le problème ici est que Nathalie Heinich passe pas mal de temps à expliquer sa méthode, quitte même à nous prendre un peu pour des idiots ; car oui, nous savons déjà que l'objet d'une étude scientifique doit être de préférence abordé et traité sans préjugés, on est quand même pas bêtes à ce point. Mais il semblerait que Heinich ait des comptes à régler avec Bourdieu, ce qui nous fait perdre du temps. Donc, en fin de compte, quand l'essai commence à devenir vraiment intéressant... eh ben, oh, zut, c'est terminé ! du coup, ça finit par ressembler à de la publicité de Heinich pour Heinich, d'autant qu'elle s'auto-cite énormément. C'est frustrant, et c'est en gros la marque de quasiment tout l'ouvrage.


Je passe vite fait sur l'essai de Pascal Roman concernant les processus psychiques de la création, qui, s'il tente tout de même de nous expliquer vite fait telle et telle notion, a finalement produit un texte destiné uniquement à des titulaires d'un doctorat en psychologie ; Gérard Dessons, dont j'avais juré ne plus lire une seule ligne après une mauvaise expérience, prend lui, pour ainsi dire, le contre-pied de son livre sur Maeterlinck : il est très compréhensible, mais enfonce des portes ouvertes avec beaucoup d'entrain. Car oui, on sait que les artistes dits "bruts" ont été longtemps sous-estimés, malmenés, ostracisés, marginalisés, instrumentalisés, etc., etc. Ce qui ne rend pas la conclusion de l'essai de Dessons logique, à savoir que, sous prétexte que les biographies d'artistes bruts ont été surexploitées pour la présentation de leur oeuvres, le discours sur l'Art Brut relèverait de l'analyse littéraire. On exploite dans beaucoup de domaines artistiques (et également hors du champ des arts) les biographies d'auteurs pour l'analyse des oeuvres, à tort ou à raison. Donc je ne vois pas bien ce qu'apporte l'essai de notre stylisticien.


Ce qui m'a fait bondir (mais je n'étais malheureusement pas au bout de mes peines), c'est l'essai sur l'Art Brut, les nouvelles technologies et YouTube. Là, il m'a paru clair que Charlotte Laubard ne savait pas très bien de quoi elle parlait. Elle a choisi comme sujet les création de madcatlady, dont elle dit un peu vite qu'elle est un véritable phénomène sur les réseaux sociaux (le nombre de vidéos vues ne va pas vraiment en ce sens, il n'y a qu'à faire un petite comparaison, au hasard, avec les vidéos de Tev - Ici Japon... sans parler des vidéos montrant des chats, hein). Ces créations, clairement non revendiquées comme de l'art par leur auteure, relèvent de la vidéo utilisant des logiciels courants de modélisation 3D facilement utilisables. Tout est bon pour nous faire passer madcatlady, dont on ne sait rien, pour une artiste tellement obsédée par son art qu'elle passe des dizaines d'heures sur chaque vidéo. Seulement les vidéos en question, qui je le redis, sont réalisées à partir de logiciels faciles à utiliser, font pour la plupart une ou deux minutes... Donc il faudrait vraiment ne pas être doué du tout pour en arriver à passer dix heures ou plus sur des vidéos de deux minutes ! Et tout est bon pour affirmer que les vidéos de madcatlady sont, il n'y a pas à tergiverser, de l'Art Brut. Là aussi, c'est tout sauf convaincant. Voilà qui m'a méchamment rappelé Mathilde Manchon, qu'ActuSF avait payée pour écrire un essai sur les lieux chez Lovecraft dans un ouvrage collectif, qui connaissait très mal Lovecraft et avait commis un texte terriblement creux et mauvais. Stop ! Il faut arrêter d'engager des étudiants en Master qui manquent de culture et d'expérience pour leur faire écrire des essais qui n'ont pas d'intérêt pour la publication, c'est pas leur rendre service et c'est pas sympa pour le lecteur. Mais il faut aussi arrêter de payer des universitaires qui n'ont rien à dire (ceci pour faire la balance avec Gérard Dessons).


Si l'essai sur une galerie d'art britannique issue d'un atelier d'art-thérapie en hôpital psychiatrique révèle également un manque d'expérience de Myriam Perrot, on voit tout de même qu'elle est bien renseignée sur son sujet ; mais comme la grande majorité des autres essais dans cet ouvrage, ça ne va pas assez loin, on est toujours frustré. Je ne vais pas tout décortiquer et je range donc à part trois essais beaucoup plus aboutis que les autres à mes yeux : ceux de Céline Delavaux, de Baptiste Brun et de Déborah Couette, tous trois membres du CrAB si je ne m'abuse. Celui de Céline Delavaux tend à démontrer que l'Art Brut, loin de n'être qu'une appellation ou un label, est bien un concept et reste donc tout à fait pertinent comme outil critique sur l'art, tout comme l'art contemporain, hypothèse qu'elle mène en bonne connaisseuse de Dubuffet qu'elle est. Celui de Baptiste Brun aborde la question de l'Art Brut en dehors de l'Occident. C'est un fait que Dubuffet ne présentait pratiquement que des artistes européens, voire nord-américains, via sa collection, ce qui lui a valu d'être accusé de post-colonialisme, entre autres. L'essai montre comme il était compliqué pour Dubuffet de définir ce qui relevait ou pas de son concept d'Art Brut parmi des oeuvres de cultures qu'il connaissait mal, mais aussi comment on a pu élargir au fil du temps l'Art Brut à d'autres artistes que ceux d'abord repérés, en toute logique, en Europe, et ce que ça implique. Enfin, mon essai préféré, par Déborah Couette, concerne l'histoire de la scénographie de l'Art Brut. Où l'on voit que Michel Thévoz s'est pas mal contredit sur le sujet, et que si mettre en scène l'Art Brut selon une scénographie savamment pensée n'était pas une préoccupation de Dubuffet, c'est devenu un enjeu qui n'est pas sans conséquences sur la façon d'appréhender les oeuvres et les artistes "bruts". Si c'est ce texte de Déborah Couette qui m'a le plus intéressée, c'est qu'il permet, au-delà de l'Art Brut, de réfléchir à la question de la scénographie des expositions et des musées en général.


Mais où est-ce qu'il est question du marché de l'art dans tout ça, hein ? Parce que c'est une question, tout même. Eh bien pas un essai n'y est consacré, si ce n'est plus ou moins celui de Myriam Perrot cité plus haut, à propos des liens entre art-thérapie et galerie dans un hôpital psychiatrique anglais. Mais nous avons bien une table ronde où l'on parle de la façon de présenter l'Art Brut mais aussi du statut économique des oeuvres d'Art Brut. Et là, c'est le drame ! On découvre dans toute sa laideur le cynisme de Jean-David Mermod, collectionneur, et James Brett, collectionneur et galeriste. Car l'argent (et donc le prix qu'atteignent les oeuvres "brutes") selon eux, on s'en fout, oh la la, quel sujet futile ! Facile à dire quand on est riche ; on n'a pas à se soucier de la notion d'art démocratique, du fait que les musées n'ont pas les moyens de se payer les oeuvres que d'autres collectionnent, et on peut se permettre de jouer les grands mécènes en prêtant des oeuvres tout en tenant des propos assez infects. Quant à Michel Thévoz et Sarah Lombardi, travaillant avec ces deux personnes, il leur est bien difficile de les contredire.


Cette critique est affreusement longue, j'en ai bien conscience. J'ai bien conscience aussi que l'ouvrage que je critique est destiné à ouvrir des pistes de réflexion plutôt qu'à approfondir en détail les différents sujets abordés. Il vise, je pense, à pousser les lecteurs vers d'autres livres, documents et outils de réflexion. Il n'empêche que ça n'est pas précisé dans la quatrième de couverture, et que ces textes peuvent tout autant susciter la frustration que donner l'envie d'aller plus loin. Pour le coup, il m'a donné envie de lire des essais de Nathalie Heinich et Céline Delavaux ; espérons que ça aura au moins autant d'impact, et même bien davantage, sur les autres lecteurs. Je ne tenterai pas de m'atteler à une thèse sur l'Art Brut pour autant, désolée ! Quoique je puisse changer d'avis si on me paie, futile comme je le suis, ou si on se montre très convaincant, par exemple en me disant que je vais apporter beaucoup à la recherche en me spécialisant en Art Brut, ce qui me semble plus que hautement probable.




Masse critique Non fiction
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Disons-le tout de suite : Ce livre se destine avant tout à ceux et celles ayant déjà des connaissances et un intérêt pour l'art, voire pour l'Art brut directement - sans être totalement inaccessible par les néophytes pour autant (certains passages leur sembleront peut-être soporifiques). L'art brut est un sujet pointu, et bien plus complexe que son concept le laisse entendre, ce que les auteurs démontrent avec brio, certes pas forcément de la manière la plus claire et concise possible. Mais ces spécialistes ont le mérite de faire le tour du sujet et d'apporter matière à réflexion et éléments de réponse autour des théories et questionnements de Dubuffet.
Au final, ce livre permet de mieux comprendre les enjeux de cet art (opposé par nature à l'art académique) face aux musées, au marché de l'art, aux autres formes d'Outsider art, au primitivisme, à l'art contemporain, et même à Internet.

Ma note pour un adepte des arts plastiques : 4/5
Pour un néophite : 2/5.

Livre découvert à l'occasion d'une opération Masse critique.
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Citations et extraits (10) Voir plus Ajouter une citation
L'oeuvre de Forestier est décrite à la manière d'une "petite industrie" marchant avec peu de moyens selon un modèle cyclique. Forestier part de peu et ne cherche pas à obtenir plus. Selon les infirmières de l'hôpital de Saint-Alban-sur-Limagnole où Forestier était interné, ce dernier avait installé "son petit atelier" dans le couloir situé à côté des cuisines de l'hôpital . Son lieu de création "se composait d'un établi rudimentaire fait d'un plateau à peine équarri et fixé sur des caisses d'emballage un guise de chevalets. Forestier était le seul gestionnaire de cet univers. Il s'était confectionné ses propres outils à partir des éléments glanés au sein de l'hôpital. "Un poinçon composé d'un gros clou emmanché par lui-même" lui servait à la décoration de ses oeuvres, et "un morceau de tranchet de cordonnier également emmanché par ses soins" lui permettait de dégrossir le bois qu'il utilisait pour ses assemblages.
Concernant "la matière première" à partir de laquelle il formait ses sculptures, celle-ci était "de provenances de plus variées", était-il écrit. Il s'approvisionnait non chez un grossiste, mais dans les "ordures de cuisine", les "balayures des ateliers de couture", ou encore dans "la cour de l'hôpital". Il n'achetait rien, il récupérait.
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Que l'on se rassure donc : tant que sera maintenue sa valeur d'opérateur critique, l'Art Brut ne pourra être restreint à un courant artistique. Ce qui fait battre depuis sa naissance le coeur de l'Art Brut, c'est l'écho pluriel d'un singulier jamais identifié préalablement, la création d'un public issu d'une altérité. L'histoire d'un Autre radical devenu un autre relatif, relationnel.
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Si les écrits de Jean Dubuffet ont encouragé le choix du noir comme couleur ad hoc, l'histoire des expositions du Foyer de l'Art Brut a contribué à en faire un dogme. À la dimension secrète et confidentielle du contexte d'émergence des œuvres, se superpose le contexte de diffusion lui-même discret et surtout souterrain dans lequel Dubuffet a mené les activités liées à l'Art Brut de 1945 à 1975, date du transfert des collections de Paris pour Lausanne. Les descriptions des premières expositions du Foyer de l'Art Brut, et leurs interprétations dont l'historiographie s'est largement fait le relais, ont fortement contribué à la construction du mythe du "noir-Lausanne".

Mythologies scénographiques : noir ou blanc ?, Déborah Couette
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Si l'on continue à travailler sur l'Art Brut, c'est parce que ce concept réclame toujours une vigilance critique qui permet de lui conserver une force active. Et c'est dans cette fragilité que je perçois le lien avec l'art contemporain, victime d'un rejet que Nathalie Heinich a soigneusement analysé.

Le "brut" à l'épreuve du "contemporain", Céline Delavaux
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Dans l’expression « artiste conceptuel », on sait que ce n’est pas l’artiste qui est conceptuel, mais son art. Tandis qu’avec l’Art Brut, il y a une ambiguïté. Au sens où, indistinctement, « l’artiste brut » est, généralement, celui qui fait des œuvres brutes (avec des déchets, des matériaux de récupération, des objets non transformés), mais, en même temps, il est lui-même « brut de décoffrage », indemne de toute culture (sinon dans la réalité, du moins dans l’état d’abord rêvé par Dubuffet). Une sorte, aussi, de déchet social, sous le regard d’un Nordau.
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Videos de Nathalie Heinich (22) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Nathalie Heinich
Il y a 5 ans, le 15 avril 2019, la cathédrale Notre-Dame de Paris prenait feu. La sidération et l'émotion dépassent alors les frontières : cet incendie est un événement mondial. Comment comprendre cette émotion partagée et l'universalité de ce trésor du patrimoine français ?
Pour en parler, Guillaume Erner reçoit : Nathalie Heinich, sociologue et directrice de recherche au CNRS (Centre national de la recherche scientifique) Mathieu Lours, historien de l'architecture et spécialiste des cathédrales et du patrimoine religieux
Visuel de la vignette : Fabien Barreau / AFP
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