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EAN : 9782021496826
160 pages
Seuil (11/03/2022)
3.91/5   16 notes
Résumé :
Des événements qui, il y a peu, relevaient de l’improbable, de scénarios du pire, ou de la dystopie, sont désormais notre quotidien. La science-fiction est devenue notre réalité. Nous vivons dans un chaos qui s’intensifie même si, ici ou là, fleurissent sur les ruines du capitalisme des utopies concrètes, localistes et réalisables, des cabanes et des refuges. Mais ces utopies ne sont-elles pas souvent concédées, dans les marges, par ceux-là mêmes qui promettent la c... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (10) Voir plus Ajouter une critique
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Un livre que j'aurais vraiment voulu aimer. Je suis même d'accord avec le propos et crois qu'il est important de le répéter. L'utopie a sa place comme genre littéraire à part entière, elle est même nécessaire à la possibilité de penser un monde meilleur. Beaucoup d'autrices (principalement) s'y adonnent avec talent, et ses intrigues sont fortement plus intéressantes que ce que beaucoup imaginent. Utopie n'implique pas l'absence d'histoire, de drame, de tensions, etc.

J'ajouterais même que l'utopie est à l'avant-garde en ce qui concerne les efforts pour déboulonner les ressorts usés de la narration traditionnelle occidentale. Aux poubelles le Héros aux milles visages et autre fast-food littéraire peu nourrissant.

Mais voilà, ce livre tombe pile dans les travers de ces essais typiques franco-français qui me tombent royalement sur les nerfs.

Le premier de ces travers étant de dire des choses simples de la façon la plus compliquée possible. J'invite les intellectuels français à lire des essais et articles scientifiques en sciences humaines et sociales publiés n'importe où dans le monde, en dehors de l'Hexagone. L'objectif est habituellement le contraire : rendre digeste des idées complexes. Nul besoin de les obscurcir volontairement pour paraître intelligent.

Le second est de se prendre pour un poète. On peut dire clairement que l'utopie était d'abord un genre qui imaginait un lieu différent (meilleur) que le nôtre. Puis, que c'est devenu un genre plus propice à imaginer un futur différent (meilleur). Je ne vois pas l'intérêt d'expliquer cela en se lançant dans une longue métaphore alambiquée sur les "sourcils en broussaille de l'utopie". (Ce n'est même pas une blague.)

M'enfin. Les français en raffole, paraît-il. Alors, si c'est votre truc, ne vous privez pas.
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Utopie radicale est un un essai de 160 pages qui se penche sur l'évolution des imaginaires. Son autrice, Alice Carabédian, est docteure en philosophie politique. Sa thèse s'est penchée sur Ian Banks et son cycle de la Culture. Elle montre que la science-fiction permet de saisir, de comprendre notre monde avant de le changer. La science-fiction permet d'ouvrir des perspectives pour comprendre et modifier notre monde, même dans des imaginaires très éloignés de notre réalité.

L'utopie - non lieu et bon lieu en grec - cache de nombreuses réalités. C'est un terme forgé par Thomas More il y a plus de 500 ans . L'autrice essaye de redonner à ce terme une force en utilisant l'imaginaire. L'utopie peut être forte tout en restant dans la fiction. Par la narration, la science-fiction donne à l'utopie sa force. Or, il est plus difficile de trouver aujourd'hui des textes montrant des types d'utopie.

En effet, elle parle également beaucoup de sa soeur jumelle, la dystopie. Cette dernière est pregnante dans les imaginaires, d'autant plus qu'elle a rejoint notre réalité. La science-fiction est politique et dépeint plus facilement des mondes mauvais, pires que le nôtre. Les univers dystopiques semblent plus attirants. On y rencontre des personnages en révolte auxquels on peut plus facilement d'identifier, comme dans 1984 ou le Meilleur des Mondes. Or, Alice Carabedian veut montrer que les imaginaires présentant des utopies peuvent être tout aussi attractifs, à l'image des mondes imaginés par Ursula le Guin ou Ian Banks. L'utopie peut montrer d'autres mondes éloignés de la dystopie concoctée depuis des décennies par l'ultra-libéralisme thatchérien et reaganien et par leur rejeton immonde qui gouverne actuellement la France.

L'idéologie capitaliste a besoin d'être contrecarré et combattu, et que mieux que la science-fiction pour réfléchir à de nouvelles alternatives. L'essai d'Alice Carabédian nous montre que le combat n'est pas perdu d'avance, malgré le discours ambiant développé même par des oeuvres pourtant intéressantes au premier regard comme Interstellar. On y trouve le récit d'un monde où on a détruit la Terre et où on recherche une planète B pour y faire les même erreurs. A aucun moment n'est dénoncé les causes de cette destruction. On a l'image d'une humanité prédatrice comme les aliens d'Independance day. le rêve des étoiles peut être envisagé d'une autre façon comme Becky Chambers dans Apprendre, si par bonheur. Pour l'autrice, l'utopie permet une rencontre avec l'autre, sans volonté de détruire et de coloniser. Elle prend comme modèle le film Premier contact. On peut également citer L'espace d'un an, également de Becky Chambers qui montre non un monde utopique, mais un vaisseau où différentes races d'aliens se côtoient pour un même objectif pacifique dans une ambiance foutraque.

On est dans une société où la réalité rejoint la fiction. le post-apocalyptique devient crédible. Certains lecteurs cherchent dans la science-fiction des moyens de survivre à notre monde. Or, les grands récits de science-fiction proposent des univers nous permettant d'agir dans notre vie quotidienne. On peut déplorer qu'il y ait un conformisme pour montrer des mondes à la Mad max. Or, on peut inventer d'autres univers. L'autrice permet de faire un pas de côté et de réfléchir sur le devenir de l'humanité et sur l'essence de la science-fiction, c'est-à-dire faire politique. Pour elle, on peut sortir des imaginaires montrant des avenirs où la loi du plus fort est la norme. La science-fiction doit permettre d'imaginer d'autres avenirs. Ainsi, pour l'autrice, Ian Banks permet d'aller loin dans l'imagination car à partir d'un genre stéréotypé, le space- opera, il image un univers engagé politiquement. Et en plus, son cycle est emprunt d'humour. Pour elle, le cycle de la Culture est l'exemple même de l'utopie radicale.

Pour Alice Carabédian, se dire aujourd'hui utopiste est railler. Vouloir changer le monde est devenu radical. Pour elle, il y a un besoin urgent de produire des imaginaires proposant autre chose que des dystopies, des visions apocalyptiques... Ces dernières produisent chez les lecteurs des angoisses.

Un bémol, j'aurais aimé avoir plus de références notamment littéraires et d'analyses justement cinématographiques. Il existe aujourd'hui un courant littéraire qui recherche à proposer des utopies radicales. Il aurait été bon de les citer plus explicitement.


Un autre ouvrage de référence: Dans les imaginaires du futur : entre fins du monde, IA, virus et exploration spatiale, d'Ariel Kyrou, Éditions ActuSF, 2020
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L'une des plus belles et urgentes réponses possibles à la question : « Pourquoi lire de la science-fiction aujourd'hui ? »


Sur le blog Charybde 27 : https://charybde2.wordpress.com/2022/05/18/note-de-lecture-utopie-radicale-par-dela-limaginaire-des-cabanes-et-des-ruines-alice-carabedian/

Dans ce bref essai particulièrement riche et enlevé publié au Seuil en mars 2022, Alice Carabédian, chercheuse associée au Laboratoire du Changement Social et Politique de l'université Paris 7, autrice d'une impressionnante thèse de philosophie politique en 2016 (« le devenir autre de l'utopie : représentations d'un imaginaire politique conflictuel dans le cycle de la Culture de Iain M. Banks »), nous propose une remarquable lecture de l'état politique présent et – souhaitons-le – à venir de l'articulation entre science-fiction et orientations de nos sociétés.

En nous rappelant rapidement comme Fredric Jameson (et comme Thomas Bouchet à sa manière, également) les ferments les plus dynamiques du concept multi-centenaire, souvent galvaudé et combattu par les pouvoirs dominants du « c'est très bien comme ça – pour nous », d'utopie, elle constate un assourdissant déficit contemporain dans ce domaine, déficit comblé tant bien que mal, du côté des imaginaires, par deux productions principales :

– une profusion dystopique qui a eu son heure de nécessité mais qui a désormais dépassé depuis un certain temps sa cote d'alerte (ou plutôt de lanceur d'alerte) – les grands avertissements romanesques des années 1970-1980, chez John Brunner, J.G. Ballard ou Norman Spinrad, pour n'en citer que trois parmi tant d'autres, n'ayant guère contribué à infléchir alors la course à l'abîme du capitalisme productiviste, quitte à apparaître aujourd'hui comme des prophéties particulièrement inspirées – et qui sert aujourd'hui bien plutôt de carburant privilégié à un divertissement spectaculaire marchand toujours plus avide de sensations fortes et d'effets spéciaux, politiquement inoffensifs ;

– une production plus diffuse, infiniment moins soupçonnable d'avant-pensées mercantiles, et pour tout dire bien vitale aujourd'hui, que l'autrice a nommé « imaginaire des cabanes et des ruines », que Yves Citton et Jacopo Rasmi recensent et analysent remarquablement dans leur « Génération collapsonautes » de 2020 (ouvrage dont on vous parlera aussi prochainement sur ce blog), qui construisent des niches de résistance au désastre, mais manquent au fond cruellement (c'est le principal reproche, très affectueux néanmoins, qui leur est ici adressé) de souffle et d'ambition in fine.

D'une manière justement parfaitement volontariste et radicale, en capitalisant et en aiguillonnant, par exemple, le travail de recensement et d'ouverture effectué notamment par Yannick Rumpala ou, davantage encore, Ariel Kyrou, Alice Garabédian nous incite avec force et ferveur à aller chercher plus loin, en mobilisant par exemple, comme elle l'ébauche pour nous dans l'ouvrage, les imaginaires à longue portée d'une Ursula K. le Guin, d'un Iain M. Banks ou d'une Becky Chambers.

Lorsque l'essayiste et militant britannique Aaron Bastani conçoit son « Communisme de luxe », il mobilise, consciemment ou inconsciemment, peu importe, l'appel à saut conceptuel se situant de manière pas si implicite (Iain M. Banks s'en était expliqué dans son commentaire d'ensemble, « A Few Notes on the Culture » en 1994) à la racine de son grand cycle romanesque « post-scarcity ». Lorsque les personnages d'Alain Damasio, de Sandrine Roudaut, de Sabrina Calvo s'agitent dans leurs apparents interstices résiduels, ils mobilisent de facto un vaste imaginaire leur permettant de voir plus loin, et de ne pas s'arrêter aux niches construites dans les ruines déjà en route. Lorsque les personnages de Stéphane Beauverger ou d'Ada Palmer persistent à questionner le réel en lui insufflant toujours un peu plus d'idéal, glissant de l'inconfort salutaire dans un confort pourtant enfin obtenu, ils manifestent cette radicalité qui sait ne jamais devoir s'arrêter.

Et c'est bien ainsi, comme le chante avec cette belle insistance Alice Carabédian, que la science-fiction à souffle long (y compris lorsqu'elle se dissimule avec brio dans un apparent « écrire petit ») est aujourd'hui plus nécessaire et salutaire que jamais, loin de l'abrutissement marchand et de la résignation, pour toutes les lectrices et lecteurs qui sont aussi actrices et acteurs de ces lendemains qui pourraient chanter un peu plus que ce qui nous semble promis.
Lien : https://charybde2.wordpress...
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« Parce que la SF est un espace de liberté inégalé. Tout y est possible, tout y est imaginable. »

Alors pourquoi a-t-on tendance à n'imaginer, à ne prédire que le pire ? Pour prévenir, dénoncer ? Sans aucun doute. Des dérives totalitaires au réchauffement climatique, il y a beaucoup à dire. Mais ne serait-il pas envisageable d'imaginer autrement ? de tendre vers un avenir plus enviable, basé sur l'entraide, la communication, l'empathie? D'allier progrès scientifiques et soucis de chacun dans sa diversité ?

« À imaginer des dystopies, il faut réfléchir à leurs conséquences dans un monde déjà abîmé. »

Et c'est ce que tente de faire Alice Carabédian dans cet essai passionnant sur l'importance d'écrire des utopies afin de penser un avenir possible plus réjouissant pour tous et pas seulement pour une petite élite transhumaniste qui aura, elle, les moyens de se protéger du reste du monde, cachée derrière des murs ou sous un dôme. La Science-fiction a ce pouvoir extraordinaire d'allier la raison et l'imaginaire, aussi, maintenant que nous avons une idée assez claire de ce qui pourrait advenir de pire, serait-il possible de proposer d'autres probables ? Comme l'ont fait hier Ursula le Guin ou Ian Banks et le tentent aujourd'hui Becky Chambers ou Denis Villeneuve dans « Premier Contact »?

Car oui, une société est diversité et la curiosité, l'échange, le dialogue sont peut-être encore et toujours à cultiver pour tendre vers des possibles, non pas naïfs, mais plus constructifs et apaisés pour tous. Même si, en ce moment, ce n'est pas gagné…

Coup de ❤️ !
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Un chouette essai littéraire qui réaffirme la puissance et les potentialité des imaginaires de science-fiction.
L'autrice met le doigt sur quelque chose qui me met mal à l'aise dans les productions en SF dystopique ces dernières années, et que je n'arrivais pas à formuler. Elle interroge la violence exacerbée de séries comme Black Mirror, The Handmaid's Tale et Squid Game par exemple. Ces productions dépeignent des futurs où certaines tendances technologiques et/ou politiques actuelles seraient arrivées à leur extrême, mais elles nous laissent selon Carabédian dans une position passive et impuissante, sans rappeler ou mettre au jour les conditions qui ont rendu possible de telles évolutions (colonisation, capitalisme, désastres écologiques, etc.). Face à ces fictions dénuées d'espoir, l'autrice invite à se pencher sur les oeuvres d'auteur·ices comme Ursula le Guin, Iain M. Banks ou Becky Chambers qui elles, sont porteuses de messages d'émancipation et ouvrent des perspectives réellement créatrices et encourageantes.
On trouve dans cet essai des échos et prolongements aux pensées de Donna Haraway, Isabelle Stengers et Anna Tsing, trio essentiel pour envisager l'avenir avec optimisme et créativité, même (et surtout) depuis des temps troublés. Les oeuvres que Carabédian appelle ici sont de celles que je brûle d'envie de découvrir, et j'espère tout coeur voir des artistes se saisir de cette possibilité d'envisager le futur.
J'ai trouvé que la réflexion n'était pas toujours facile à suivre, mais les exemples et leur analyse rendent le tout plus accessible. Je serais curieuse de connaître les autres travaux d'Alice Carabédian et en attendant, ma PAL vient d'augmenter de quelques titres !
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critiques presse (2)
Liberation
06 septembre 2022
Utopie radicale est à la fois critique d’une science-fiction obsédée par des récits apocalyptiques, et en même temps reconnaissant aux dystopies critiques de montrer les brèches du système.
Lire la critique sur le site : Liberation
LeMonde
24 août 2022
Dans un essai énergique et militant, Utopie radicale, celle-ci écarte la fantasy, vouée à des univers ou des actions impossibles, au profit de la science-fiction, attachée à ce qui pourrait advenir, selon une logique scientifique d’extrapolation.
Lire la critique sur le site : LeMonde
Citations et extraits (7) Voir plus Ajouter une citation
L'utopie parce qu’elle est profondément politique – contrairement aux totalitarismes qui veulent effacer la condition de pluralité et détruire tout ce qu’il y a de commun – et parce qu’elle est ouverture (spatiale, temporelle…) doit se penser du côté du contact.
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Tout ce qui est possible a d’abord été impossible : que la Terre soit ronde et tourne autour du Soleil ; que l’homme ne soit pas le centre du monde ni que le moi soit maître en sa demeure ; que les rois ne soient pas de droit divin ; que l’humain descende du singe ; qu’à partir d’une bactérie se soit développée la vie dont on doit peut-être l’apparition à une pluie de météorites s’étant posées sur notre rond rocher avec grand fracas il y a environ quatre milliards d’années, trimballant gaiement dans leurs valises extraterrestres acides aminés, bases nucléiques et sucres.
Qu’en allant manifester des mains soient arrachées, des yeux crevés, des personnes racisées tuées lors de contrôles policiers ; qu’il soit interdit de filmer les forces de l’ordre alors qu’elles sont lâchées dans les villes comme des hordes de loups enragés ; que des citoyens et citoyennes soient noté.e.s sur leurs façons d’emprunter les passages piétons ; qu’en regardant un écran publicitaire dans le métro, son regard soit capté par une caméra qui permette la reconnaissance faciale ; qu’une femme meure tous les deux jours sous les coups de son conjoint en France en 2020 ; qu’on enchaîne les « black Friday » et les « dry January » ; que l’ex-président de la première puissance mondiale twitte que son « bouton nucléaire […] est plus gros et plus puissant » que celui du président nord-coréen ; qu’en mangeant du quinoa ou des avocats on participe à la déforestation ou à l’appauvrissement des pays producteurs ; qu’un gouvernement confie la défense de la biodiversité aux lobbys des chasseurs et que l’impôt sur la fortune ait disparu, que les frontières se ferment, que les camps se multiplient aussi vite que les milices privées ; que les états d’urgence durent ; qu’en réponse aux désastres climatiques présents et à venir on nous propose des trottinettes électriques, du tout numérique, des villes intelligentes, des voitures envoyées dans l’espace et flottant dorénavant parmi des débris de satellites, tels d’immondes sacs en plastique au milieu des océans ; que, même éteint, un téléphone soit assez « intelligent » pour écouter et enregistrer les mots-clé de nos conversations, les transmettre et que, comme par une sournoise magie, des publicités ciblées apparaissent sur nos différentes applications et sites internet ; qu’une capsule temporelle, renfermant tel un précieux trésor les traces de la vie de ces temps-ci et une lettre affirmant que « lorsque la capsule sera retrouvée, cela voudra probablement dire qu’il n’y a plus de glace dans cette partie de l’Arctique », à destination des générations future et déposée, donc, dans la glace refasse surface seulement deux ans après avoir été déposée au lieu des cinquante ans estimés.
Autant de choses insensées, étranges, aberrantes, paradoxales et illogiques, en un mot impossibles, qui sont désormais possibles et, pire, qui sont advenues. Il nous suffira de prendre un thème, l’argent, le travail, la technologie, l’éducation, les arts, l’environnement, la mode, la santé, l’amour, le tourisme ou la peinture sur soie, on peut être sûr.e que notre bonne vieille réalité aura rattrapé la fiction et qu’on trouvera des mesures, des décisions, des pratiques, des nouvelles à ces propos qui nous feront nous écrier : « Mais c’est de la science-fiction ! »
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S’il convient d’inventer de nouveaux récits pour raccourcir au maximum cette période de désastres, revenir à la boue, ou « revenir » tout simplement, me semble court. Il y a un gouffre entre « rêver » et « réaliser ». Gouffre qu’il ne convient pas forcément de franchir ou de combler. Gouffre sur lequel il s’agit de vagabonder. Ou du moins, gouffre qu’il s’agit toujours de rouvrir. Même si, par bonheur ou par magie, l’utopie radicale, cette chose incongrue et impossible, venait à se réaliser, le geste « radical » de cette utopie serait justement de recréer un gouffre, une faille, un biais, de ne pas s’arrêter dans son élan et de rejouer, encore et sans cesse, cette action d’ouverture, de remise en cause, de remise en mouvement et en perspective. Bref, l’utopie radicale réalisée devrait continuer à créer des utopies radicales, à raconter des histoires et veiller à ne jamais s’ossifier, à ne jamais se transformer en point final, à ne jamais « être » mais à toujours « devenir ». Voilà comment l’utopie radicale n’est pas « la poursuite de demain » (pour reprendre le titre français de cette fausse utopie techniciste et ingénieriste à la sauce Walt Disney qu’est le film Tomorrowland). Parce que l’utopie radicale, il faut non seulement la désirer, c’est-à-dire la formuler (et déjà la voilà qui change la face du monde) et travailler à la mettre à exécution, agir utopiquement et en vue de cette utopie, parce que, malgré tout, pour elle, on doit partir en quête de sa réalisation, mais précisément pas sur le mode du mythe du progrès, sur son mode à elle, sur le mode de l’utopie radicale, juste, égalitaire, non-lieu et bon-lieu, qui travaille à rester non-lieu et bon-lieu, qui s’obsède à se maintenir dans l’utopique, dans l’extravagance et l’excentrisme. L’utopie radicale, même réalisée, consiste à créer des gouffres, à formuler rêves et désirs. Encore et encore et encore. Infiniment.
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La science-fiction peut être un territoire fertile où faire germer et pousser de telles formes inédites de lien. Justement parce qu’elle n’a pas de limites, seulement les limites de nos imaginaires et nous sommes bien loin d’en toucher les murs, tant nous sommes empêtrés et pétris de Semblable et de Même. En somme, nous avons la place et l’espace pour montrer notre pépinière à liens humains, ou posthumains ou compostistes, si l’on se sent d’une veine plus harawayienne que lévinassienne. Aller chercher au fin fond de la galaxie des entités avec lesquelles tisser ces nouvelles communautés est une façon d’agrandir notre imaginaire et donc le monde, et non pas de le détruire. S’étrangéiser toujours plus ne se fait pas contre le réel, mais c’est amener le réel à s’ouvrir et à concevoir comment ces débordements fictionnels peuvent l’enrichir.
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Quand on s'intéresse à l'utopie, on apprend très vite à gérer sa frustration. En effet, on trouve vraiment très peu (et j'insiste là-dessus) de représentations frontale d'utopies positives. Il faut donc apprendre à déceler l'utopie dans les brèches, dans les pratiques, dans les identités, dans les personnages, dans les mises en récit, dans les rencontres. Mais je dirai que la frustration est le second nom de l'utopie (mais une frustration qui pousse à agir et non une frustration incapacitante !) puisque l'utopie est affaire de désir : désir d'autrement, désir pour une vie meilleure, désir d'altérité.
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