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EAN : SIE324676_500
L'Age d'Homme (30/11/-1)
4.22/5   16 notes
Résumé :
"Madame Mère est morte, je l'avais oubliée depuis assez de temps, sa fin la restitue à ma mémoire, ne fût-ce que pour quelques heures, méditons là-dessus, avant qu'elle retombe dans les oubliettes. Je me demande si je l'aime et je suis forcé de répondre : Non, je lui reproche de m'avoir châtré, c'est vraiment peu de chose, mais enfin... elle m'a légué son tempérament et c'est plus grave, car elle souffrait d'alcalose et d'allergies, j'en souffre encore bien plus qu'... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Le couple formé par Ignatius Reilly et sa môman dans la Conjuration des imbéciles de J. K. Toole est d'une savoureuse drôlerie. Imaginez maintenant que môman vienne à passer l'arme à gauche et qu'Ignatius, la quarantaine révolue, s'empare de ses éternels cahiers d'écoliers pour consigner ses états d'âme : nous obtiendrions Post-Mortem d'Albert Caraco. Franchement pas drôle.


Ce livre n'a rien à voir avec la fiction. Albert Caraco est revenu de tout, et surtout de l'imagination. Irrévérencieux dès la première phrase, il s'empare d'un de ces moments d'inattention qui fait revenir la mémoire à la surface pour témoigner de la fin de sa mère :
« Madame Mère est morte, je l'avais oubliée depuis assez de temps, sa fin la restitue à ma mémoire, ne fût-ce que pour quelques heures, méditons là-dessus, avant qu'elle retombe dans les oubliettes ».


Il ne suffit pas de connaître les éléments biographiques de la vie d'un écrivain pour prévoir le contenu de ses textes. Comme il le dit lui-même, Albert Caraco n'a jamais connu aucun autre événement dans sa vie que sa mère : « Sa victoire est totale et je n'ai de chair qu'autant qu'il en faut pour me sentir esprit ». Il y avait peut-être bien le père aussi, mais que valait-il derrière l'incarnation totale, diffuse et écrasante de cette mère sans concession ? Elle semble avoir été l'image de son fils, sans idéologie ni philosophie, se payant seulement le luxe de la frivolité et de la mondanité. Elle a été le mentor d'Albert Caraco, mais l'a-t-elle seulement voulu ? Elle lui a enseigné le détachement affectif en le gavant d'affection, elle lui a enseigné le mépris des femmes en adoptant les comportements féminins les plus mesquins, elle lui a transmis le goût de la destruction et l'a aidé à se débarrasser des illusions bourgeoises pour l'encourager à proclamer « Heureux les chastes ! heureux les stériles ! ». La mère aurait pu être parfaite si elle ne s'était pas cassée la gueule en fin de course. Finalement, « […] ce ne fut qu'une pauvre femme, ses belles qualités se démentirent et j'en souffre, sa volonté de vivre et son espoir de guérison lui firent manquer son trépas ». Si Madame Mère a toujours réussi à chasser les hypocrisies de la vie, elle a manqué de chasser celles de la mort. Albert Caraco ne se laissera pas faire : les pleurnicheries bourgeoises sur nos morts aimés doivent cesser. le meilleur hommage que l'on puisse rendre à l'existence ? « Seigneur ! épargnez-nous de ressembler aux larves ! » Madame Mère ne bénéficiera pas de la gloire posthume qui ensevelit les bons comme les dégoûtants. Sa mort sera même, au contraire, l'occasion de juger enfin objectivement la vie et l'oeuvre d'une femme à peine au-dessus de la moyenne, tout juste bonne à se détacher suffisamment des hypocrisies pour libérer son fils des exigences de la vie banale.


Si Albert Caraco ne devait verser qu'une larme en signe esthétique de tristesse, il le ferait pour condamner la supercherie médicale dans le cortège des médecins tartuffes et il se trancherait la gorge pour avoir participé à la mascarade :
« Nous nous montrâmes hypocrites, nous nous jouâmes de ses peurs et de ses espérances, ce fut la comédie la plus horrible, nos moeurs nous l'imposaient et nous n'osâmes les heurter de front, je le déplore, cet assassinat spirituel et j'eusse préféré l'euthanasie, j'aurais voulu que l'on ne trompât la malade et qu'elle mourût de son gré dans les commencements de l'agonie, je n'ai que ce remords. Pauvre Madame Mère, victime de la charité, qui ne la sauva de la déchéance, nous l'assommâmes de médicaments auxquels sa tête ne put résister, elle vécut, hélas ! de quelle vie, auprès de quoi l'assassinat physique est une grâce ».


Oui, Ignatius Reilly n'était pas seulement drôle, il était tragique et le rire qu'il provoquait en nous était le rire pataphysicien de René Daumal, ce rire qui « secoue les membres » et qui nous apprend que « toute existence définie est un scandale ». Avec Post-Mortem, Madame Mère peut traverser tranquillement le Styx parce que son fils l'a libérée de ses plus grossières approximations. Puissions-nous à notre tour nous imprégner de cet envoi aux morts pour faire éclater le scandale de l'existence.
Lien : http://colimasson.blogspot.f..
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Sorte de Journal de deuil certes étonnant, mais dont la puissance dramatique est tuée dans l'oeuf par une écriture prétentieuse et amphigourique. N'est pas Cioran qui veut.
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Citations et extraits (37) Voir plus Ajouter une citation
Les promenades de Paris les voilà devenues pour moi lieux de pèlerinage. Madame Mère il n'est endroit où je ne la retrouve et mon ravissement s'allie à la tristesse, la Ville me parait une forêt de signes, ce que j'avais perdu tout me le remémore et me le rend par une espèce de miracle incessamment renouvelé, telle façade que je n'avais jamais vue s'impose à mon regard et sollicite mon ressouvenir, je croyais oublier Madame Mère et sa présence est plus réelle que jamais, la morte est plus vivante que du temps qu'elle vivait. Quelle surprise! quel enrichissement! et quelle révélation pour un sceptique!
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Je savais bien que, morte, Madame Mère, revivrait en moi, moi qui jugeais son agonie interminable à partir de ce mois de Mai, moi qui formais des vœux pour qu'elle expirât au plus vite, avant l'horrible déchéance précédant la fin, quand elle ne se levait plus et souffrait de languir couchée. Alors je n'osais pas la regarder, de peur que cette image ne se substituât à mille autres, je maudissais notre morale qui nous oblige à révérer ce qu'il vaudrait mieux abréger. L'aimable femme méritait de mourir doucement et non de se défaire au milieu de ses médecins impuissants et glacés...
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L'homme se passe de la femme, la femme non, la femme pend à l'homme et l'homme s'imagine à tort qu'il la poursuit, alors qu'elle l'appelle. Les couvents d'hommes valent mieux infiniment que les couvents de femmes, les hommes n'ont besoin d'amour, la chair ne les tourmente pas avec la même force, l'homme ne souffre pas d'être homme, mais de manquer d'argent ou de puissance, la femme souffre d'être femme et puis de n'être pas aimée. Les beaux dehors, les ris, les jeux, les bagatelles et les grâces, l'écume de la mer profonde et sous l'écume un monde noir où nous ne sommes plus à nous, mais à l'espèce.
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Je n'en veux pas aux médecins, ce sont de pauvres hommes à l'égal de leurs malades et qui se rendent insensibles par devoir, mais j'aurais souhaité parfois que leur profession ne fût ouverte qu'à des saints en espérance et que la vue de nos souffrances ne les endurcît au point d'en arriver à les accroître. Le plus étrange est qu'ils prêtaient à rire, au moment où l'on eût pleuré de bonne grâce : ils représentaient au chevet de la mourante non pas la vie, mais le néant du monde en proie à sa grimace, ils ne savaient pas même consoler celle qu'ils ne pouvaient guérir.
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Les êtres nobles aiment rarement la vie, ils lui préfèrent les raisons de vivre, et ceux qui se contentent de la vie sont toujours des ignobles. La vie qu'a-t-elle de si désirable, lorsqu'elle n'est sublime ? Les joies du corps, ce n'est pas sans étonnement qu'on voit les plus laids et les plus malsains les goûter avec un surcroît de rage et s'y ruer avec une fureur que les abus n'épuisent, les nations vaincues abondent en vilains de l'espèce insatiable, ces bêtes se rattraperont la nuit des servitudes que la journée leur impose. Seigneur ! épargnez-nous de ressembler aux larves !
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Vidéo de Albert Caraco
*INTRODUCTION* : _« […] le mal ? le bien ? fracas de mots, simplicité barbare et faux mystère : on passera de l'un à l'autre selon la mesure et la convenance, selon les temps, les lieux, les idées, les moyens, le but et les lauriers que l'on moissonne, le dernier point décide quelquefois du reste […] »_ (« Prologue dans les limbes », _in_ Albert Caraco, _Huit essais sur le mal,_ Neuchâtel (Suisse), la Baconnière, 1963, p. 13.)
*RÉFÉRENCE BIBLIOGRAPHIQUE* : « I : de l'Homme », _in_ Albert Caraco, _Huit essais sur le mal,_ Neuchâtel (Suisse), la Baconnière, 1963, pp. 22-23.
#Pessimisme #Pensée #Philosophie
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