Lucien est un peu simplet, il est balayeur au square, souvent le souffre-douleur des enfants, et aussi des adultes qui, lorsqu'il passe devant le bistrot, s'amusent à le charrier, à la limite du harcèlement. Mais son métier, il l'aime. Paul, un des enfants du quartier, découvre qu'il fait danser les feuilles mortes avec son balai, il décide alors de devenir son ami. La première partie de l'histoire est chargée de tendresse et de poésie, c'est presque trop naïf.
Puis soudain, cette poésie disparaît pour laisser place au drame social, au fait divers sordide, à la noirceur.
Le graphisme, en noir et blanc, est tout d'abord léger et sensible, un trait fin, la plume semble effleurer la feuille, à la manière de
Sempé, puis le noir devient plus lourd, l'épaisseur d'un pinceau pèse sur le papier, le contraste entre le noir et le balnc participe au rythme et à l'ambiance du récit, c'est superbe.
J'ai beaucoup aimé la première partie, indépendamment, la seconde aussi, mais le contraste entre la poésie naïve de la première avec le sordide glauque de la seconde est cependant un peu trop brutal, sans doute trop prononcé dans la noirceur, avec une accumulation d'éléments de roman noir, violence, sports de combats clandestins, tripots clandestins, j'ai trouvé cette surenchère trop tapageuse, atténuant la sensibilité qu'exigeait la relation entre Paul et
Lucien. Paul est bien trop effacé dans la seconde partie, au dépend de personnages plus caricaturaux.
C'est une très belle bande dessinée, j'ai adoré le graphisme, l'histoire aussi est touchante, mais le contraste entre la poésie naïve et la noirceur sordide manque singulièrement de nuances.