L'empereur blanc L'empereur blanc L'empereur blanc L'empereur blanc L'empereur blanc L'empereur blanc L'empereur blanc L'empereur blanc L'empereur blanc L'empereur blanc L'empereur blanc L'empereur blanc L'empereur blanc L'empereur blanc L'empereur blanc L'empereur blanc L'empereur blanc L'empereur blanc L'empereur blanc L'empereur blanc L'empereur blanc L'empereur blanc L'empereur blanc
Ce sont les seuls mots, obsédants, que semble capable d'écrire d'écrire Anton Desmond, auteur de thrillers adulé par le public.
Ce qui ne fait que confirmer les doutes de son confrère Steven Dawson, qui le soupçonne depuis longtemps d'avoir recours à un nègre pour rédiger ses derniers chefs d'oeuvre, écrits avec un talent qu'il n'a jamais eu.
Ah mais pardon, on ne dit plus nègre pour désigner un écrivain restant dans l'ombre d'un auteur renommé, mais ghost writer.
On ne dit plus les
dix petits nègres depuis que le roman d'
Agatha Christie a été renommé à la demande d'un de ses descendants mais
Ils étaient dix.
Les pâtisseries têtes de nègre commencent à disparaître dans certaines régions au profit des têtes au chocolat ou merveilleux.
Alors évidemment il s'agit d'une insulte quand il désigne un homme de couleur, il s'agit d'un mot incontestablement raciste, mais de là à le bannir progressivement de notre langue ?
J'avoue que j'étais sceptique. Et en me plongeant dans L'empereur blanc je ne me suis pas retrouvé confronté à de la simple discrimination ( si je peux m'exprimer ainsi ) mais à une vague de haine absolue, une soif de sang, un extrémisme voué à l'épuration ethnique rappelant des années plus tard celle d'un certain Hitler.
Le premier janvier 1863
Abraham Lincoln a aboli l'esclavage.
A la même date naissait le Ku Klux Klan dont les membres allaient prôner la supériorité blanche et qui, revêtus courageusement d'une capuche, allaient semer la mort et le chaos chez la population afro-américaine et leurs sympathisants. Ces nobles au sang pur voyaient d'un regard destructeur toute union mixte et aucun enfant métisse ne devait en réchapper, fussent-ils le fruit de leur propre viol.
Tout ça pour une couleur de peau.
"Suis-je responsable d'être mal né ?"
"Je suis l'ennemi de la suprématie blanche, incarnée par des hordes de fous encapuchonnés."
En 1965, dans l'Arkensas, Billy Ellison et son épouse Myra mourront brûlés vifs dans leur demeure de Crescent House.
Pour une couleur de peau jugée sale, non seulement les Afro-américains ne pouvaient pas fréquenter de nombreux établissement ni uriner dans les mêmes toilettes que les blancs, mais ils étaient persécutés pour empêcher leur intégration et mis à mort sans autre crime que d'être noirs.
Alors non, il ne faut pas rayer le mot nègre du dictionnaire parce qu'il renvoie à ces évènements honteux encore d'actualité. Mais quel que soit le contexte il rappelle à tout un peuple qui a souffert sans la moindre raison justifiable qu'ils ont été esclaves, qu'ils ont été écartés et même exécutés sans le moindre début de légitimité.
Dès lors, je conçois bien mieux la raison pour laquelle je mangerai désormais des merveilleux au chocolat et non des têtes de nègre.
De nos jours, la lugubre maison de Crescent House appartient à Anton Desmond, qui va inviter quatre de ses confrères écrivains à le rejoindre pour un week-end de folie. Enfin au départ ça devait être une séance d'écriture dans un cadre volontairement anxiogène et donc idéal pour ces auteurs de thrillers, de romans noirs ou policiers.
"Une terre nourricière qui alimenterait leur talent."
D'une part parce que les circonstances exactes de la mort du couple Ellison, au-delà de la barbarie de leurs bourreaux, sont encore aujourd'hui le fruit de nombreuses légendes et suppositions.
D'autre part parce que l'architecture même de la maison fait froid dans le dos.
"Crescent House était l'archétype de la maison hanté."
"Les murs froids, écaillés par endroits, classaient Crescent House au rang de demeure hybride. Un croisement entre le luxe et le délabrement."
Vous ferez ainsi connaissance du gros Dan, de la romantique Rachel, de la sensible Sue et de l'inquiétant Steven, armé et alcoolique.
Et bien évidemment leur week-end ne va pas se passer tout à fait comme prévu.
C'est toujours très difficile de coller une étiquette aux romans d'
Armelle Carbonel. Tout comme l'ancien son nouvel éditeur, Mazarine, lui a collé celle de "thriller" alors que, même si certains chapitres nous amènent à tourner les pages très rapidement, il s'agit davantage d'un roman d'ambiance macabre, avec des clichés totalement assumés.
"Le fracas du tonnerre jetait un froid supplémentaire sur cette nuit d'angoisse."
De vieilles rancoeurs sont mises à jour, des secrets, le tout dans une ambiance glaciale pouvant rappeler
Shining de
Stephen King.
Le lecteur est confronté à des phénomènes inexplicables, l'auteure jouant avec nous. Comment expliquer certains évènements autrement que par le paranormal ?
L'empereur blanc est aussi un roman policier puisqu'il propose dans un second temps un crime abominable ayant eu lieu à Shannon Hills, communauté voisine de Crescent House. Une famille au grand complet, les parents et leurs trois enfants, ont été retrouvés assassinés, mutilés, les mains clouées sur la table. Une semaine après...
L'officier Dudley sera en charge de l'enquête.
Et c'est aussi un roman qui accorde une belle part de psychologie à tous ses personnages, très travaillés.
On sent qu'
Armelle Carbonel a pris énormément de plaisir à écrire ce livre. Un plaisir qui s'avère communicatif.
D'abord, Sue, c'est elle. du moins une version fantasmée de l'auteure qui s'imagine prise au piège dans cette demeure hantée dans une mise en abîme qui prête à sourire.
"L'auteure controversée de True Loft, Mortelle Audition et Les Sinistres s'attelait désormais à un tout autre registre." le pas à franchir pour penser à
Criminal Loft,
Majestic Murder et
Sinestra est minuscule.
Et si vous avez encore un doute, cet autre passage devrait vous l'ôter :
"Selon elle, Sue Liddle écrivait des romans d'ambiance qui divisait son lectorat et lui valait le surnom de "Sorceress"."
Sachant qu'
Armelle Carbonel est surnommée la nécromancienne, sans même parler de l'atmosphère de ses écrits, le clin d'oeil à elle même et à ses lecteurs n'est-il pas évident ?
Ensuite elle n'hésite pas à s'intégrer elle même en tant qu'auteure, telle un deus ex machina.
"Dans un roman policier - le genre de fiction que Mary affectionnait -, l'auteur aurait sans doute disséminé des indices un peu partout à l'intention du lecteur, et Dudley regrettait qu'il n'en soit pas ainsi dans la vie réelle."
"Même le plus audacieux des auteurs de polars ne se risquerait pas à pousser le vice aussi loin..."
Or, comme vous pouvez le deviner, les indices sont nombreux quand on sait les interpréter et par ce procédé elle va d'ailleurs amener un final aussi magistral qu'inattendu ( et perfide ! ) à un roman difficile à conclure de façon satisfaisante.
Quand un roman est bien construit, rien n'est jamais là par hasard.
Ni même à se moquer de ce qu'elle écrit ou de la situation grotesque dans laquelle elle met ses personnages.
"On se croirait plongés dans un slasher ! Tu sais, le genre de fiction de seconde zone qui ne remporterait assurément l'adhésion d'aucun lecteur !"
Vous me l'aviez demandé en 2019 au salon de Noeux les mines : Allais-je lire votre prochain roman ?
En effet j'appartiens aux lecteurs qui vous suivent depuis quelques années désormais, sans pour autant avoir totalement adhéré à votre bibliographie.
Je fais partie de tous ces chroniqueurs que vous estimez ou égratignez d'ailleurs au passage dans l'Empereur blanc, rappelant l'importance des blogs et des réseaux sociaux pour accueillir favorablement un livre ou le détruire de façon gratuite et blessante.
"Les chroniques dithyrambiques, assassines, complaisantes, intelligentes, chaque intervenant défendant son point de vue comme une vérité absolue."
Et oui, j'allais le lire.
Je me suis souvent perdu dans vos précédentes oeuvres, labyrinthiques et complexes pour moi, avec cette frontière floue entre réalité et surnaturel. Ce qui ne m'a jamais empêché de leur trouver un grand potentiel.
Le manque de fluidité ne rendait pas votre plume moins talentueuse, certaines phrases étaient si bien écrites qu'elles paraissaient magiques.
Mais vous aviez ce carcan du huis-clos, dont vous avez réussi à sortir ici après une première partie partie purement Carbonel. Les deux sont différentes autant qu'elles se complètent ce qui confirme que vous avez le talent pour faire évoluer vos personnages en extérieur avec autant de succès, voire plus encore.
Indide, Outside. Tout est résumé.
Comme je cherche toujours la petite bête je vais quand même vous faire part de mes minuscules réserves.
D'abord, on devine trop tôt la solution de l'énigme principale. Heureusement, ce n'était pas la seule et d'autres mystères et rebondissements ont maintenu tout mon intérêt.
Ensuite, ce que votre plume a gagné en fluidité, elle l'a perdu en beauté. Enfin elle se démarque moins de celle de vos confrères qu'auparavant même s'il demeure quelques phrases sublimes.
Mais L'empereur blanc est un roman qui, sans désorienter votre public, touchera un plus grand nombre de lecteurs.
Il m'a rappelé l'horreur de
Toutes blessent, la dernière tue de
Karine Giébel, avec une approche totalement différente.
Bref, c'est bien construit, les sujets abordés sont forts et traités avec beaucoup d'intelligence, le mélange des genres rend quant à lui votre roman totalement incomparable.
Et on sent que vous avez su lâcher prise, en particulier dans le second degré. On ne peut pas parler d'humour, plutôt d'ironie très noire et de nombreux clins d'oeil, ce qui allège l'horreur de l'atmosphère et des références historiques macabres.
Et oui, je lirai encore le prochain. Et celui d'après !