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Critique de LaBiblidOnee


Peut-on se définir par un objet ? C'est une question intéressante pour des citoyens d'une société de consommation, qui entassent toujours plus d'objets inutiles en en achetant de nouveaux, persuadés que ceux-ci les représenteront mieux que les précédents, vous ne trouvez pas ? Entasser, c'est précisément ce qui se produit chez ces ferrailleurs anglais du 19ème siècle : Leur royaume est une décharge à ciel ouvert, leur métier, de génération en génération : trier. Leur demeure : un château fait de bout de bâtisses londoniennes récupérées, déplacées et réassemblées en patchwork.


Les objets et ce qu'ils représentent pour l'Homme, aussi bien que notre manie de les thésauriser, sont des sujets qui semblent tenir à coeur à cet auteur : Dans son premier roman l'Observatoire, il explorait déjà cette thématique, ainsi que celle de la solitude et du rapport à l'autre. Au fond, les objets peuvent-ils combler cette solitude ? Est-ce le rôle que nous leur prêtons, ou l'un des rôles, ajouté à la représentation, comme un totem ? Un nouveau sac à main qui représente mieux mes goûts actuels, de nouvelles fringues qui me mettent plus en valeur, des tas de livres que je n'aurais jamais le temps de lire, et tout ce petit monde qui vient habiter mon univers, masquer ma solitude, occuper mon espace vital et mes pensées… Privilégier les objets aux humains est un mal contagieux, de nos jours. On ne devrait jamais laisser les objets prendre le dessus sur nous… Au final, ils seront peut-être tout ce qu'il reste de nous, mais même eux peuvent se briser et disparaître.


Si je devais chercher au fond de mon coeur l'objet qui parle le plus de moi, ce serait je crois une luciole, que le père noël avait accroché au sapin quand j'étais toute petite et qui m'a suivie toutes ces années : machouillée, recollée, perdue, retrouvée, mais jamais oubliée, comme les souvenirs qui s'y accrochent. Et puis cette lumière qui vous tient compagnie et vous éclaire aux moments les plus sombres : quel symbole ! Si elle pouvait parler, elle raconterait certainement quelques secrets. Elle nous dévoilerait peut-être son petit nom, elle aussi, si nous pouvions l'entendre. Ce qui est impossible n'est-ce pas, parce les objets, ça ne parle pas… Si ? Ah, vous aussi vous les entendez chuchoter à leur passage, murmurer à vos oreilles qui possèdent encore la conscience pure des enfants ! Vous me rassurez, je croyais que j'étais folle.


Vous êtes donc comme Clod Ferrayor : A lui aussi les objets lui parlent. Particulièrement les objets de naissance. Vous savez, cet objet qu'un proche vous offre à votre venue au monde, et qui vous suivra toute votre vie, vous représentera aux yeux des autres : un arrosoir, une pince à épiler, un napperon, une poignée de porte, un robinet, ou encore une bonde universelle… La bonde de Clod s'appelle James Henry. Mais Clod connaît aussi les noms de tous les objets de naissance des gens qui l'entourent, puisqu'ils les entend se nommer à tout bout de champ. Un don rare et perturbant, qui sera mis à contribution lorsque Alice Higgs, la poignée de porte de la tante Rosamund, disparaîtra : Il est indispensable de la retrouver rapidement car, sans son objet de naissance, un Ferrayor n'est plus rien et dépérit ! C'est la règle : on ne se sépare jamais de son objet de naissance. Pourquoi ? A vous de le découvrir ! Des objets comme des talismans, à qui l'on pourrait aller jusqu'à prêter une âme… Alors quand des objets et des personnes commencent à disparaître dans le château, c'est le début d'une chasse au trésor géante… et dangereuse !


Dès les premières pages, on se laisse prendre au piège de cette ambiance steampunk très réussie, et de cet univers original et inventif à souhait à la Alice au pays des merveilles. Les pages se tournent toutes seules, au rythme des portraits de chaque personnages qui nous sont physiquement dessinés au crayon, avant de nous être mentalement brossés par les mots. L'histoire nous est racontée tour à tour par Clod Ferrayor puis par Lucy Pennant, la nouvelle servante un peu rebelle qui refuse de perdre son identité en se fondant dans la masse des domestiques et, pour ça, cherche un objet à s'approprier et auquel se rattacher - quitte à le voler, ce qui la mettra en fâcheuse posture. J'ai été émerveillée ou plutôt admirative de cet univers original. Mon bémol, c'est peut-être qu'à vouloir instaurer la solitude et le formatage, j'ai lu l'histoire à petite distance de mes personnages au début, avant de m'y attacher au fil des pages. Ajoutez à cela un enfermement total du début à la fin dans une demeure gémissante croulant sous des tonnes étouffantes d'objets divers et bruyants : Autant vous dire que les claustrophobes peineront peut-être à avancer dans cette histoire, tant l'enfermement de ce huis clos se resserre de plus en plus jusqu'à la fin : on est enfermés dans ce château, par tradition mais aussi à cause d'une tempête d'objets, qui nous ensevelissent de plus en plus jusqu'à ne plus pouvoir ouvrir les fenêtres ni bientôt respirer… ! Etant moi-même condamnée à l'enfermement en ce moment, j'avais hâte de sortir de cette maison de fous ! Aussi, je ne sais pas si je poursuivrai avec les deux tomes suivants mais j'ai apprécié la découverte (merci Yaena !).


Et vous, chers babélionautes, quel est cet objet de naissance qui vous caractérise, et que j'entends déjà murmurer à mon oreille...? Approchez, là, encore plus près, que je saisisse son petit nom…
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