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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Excellent! Grand enthousiasme à la lecture de ce roman! Merci à Babelio et aux éditions Phébus de m'avoir permis de découvrir, après l'original policier"L'assassin à la pomme verte", un autre livre de Christophe Carlier.


Déjà, bravo pour le titre, qui ,en jouant sur les mots, montre bien qu'il sera question de correspondance peu bienveillante...Le corbeau qui domine l'île, sur la première de couverture, confirme cette impression de missives anonymes et angoissantes .

On pense , bien sûr, au début, à "La plume empoisonnée "d'Agatha Christie,mais le thème est traité ici de toute autre façon.

Tout d'abord, la première partie du livre présente assez classiquement en apparence les diverses réactions des habitants de cette petite île, à la suite de l'envoi des lettres anonymes.En apparence seulement, car l'auteur sait créer une atmosphère particulière, en paragraphes courts, qui multiplient les points de vue, déroutent le lecteur et le tiennent en haleine.

Et surtout, il établit un parallèle entre l'île, personnage à part entière, inquiétant, dangereux, et ses corbeaux, annonciateurs d'événements funèbres , et le Corbeau épistolaire, planant sur ce microcosme humain et prenant plaisir à le dominer, à lui faire peur.

La deuxième partie est vraiment jubilatoire ! C'est le point de vue du Corbeau que l'on nous donne.Évidemment, je ne vous révélerai rien à son propos mais il est très intéressant de comprendre ses motivations, son ressenti face aux conséquences de ses actes.

Quant à ce que l'on pourrait appeler l'épilogue, il est tout simplement délicieusement ironique et cruel...

Ce livre n'est pas à lire comme un simple roman policier, je pense d'ailleurs qu'il pourrait plaire à tous , plus particulièrement à ceux qui aiment les histoires singulières , piquantes, et bien écrites. Car j'ai laissé pour la fin ce que j'ai apprécié par-dessus tout , c'est justement le style: enlevé, riche en images, vraiment réjouissant, tour à tour poétique, cinglant, réaliste. Une mention spéciale pour les portraits si expressifs, juste en quelques mots, des différents personnages.

Alors, je vous invite à faire la connaissance à la fois de la belle plume acérée de l'auteur et de celle, plus laconique mais plus virulente du Corbeau...
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Christophe Carlier a l'art de nous surprendre.
Avec "L'Assassin à la pomme verte", c'est l'originalité du polar qui était de mise.
Pour "Ressentiments distingués", c'est dans le choix d'un sujet bien singulier et quelque peu pittoresque que l'auteur déploie son talent.

Imaginez une île de l'hémisphère nord, avec ses rafales de vent, son froid glacial de l'hiver et le renouveau d'un printemps attendu.
Imaginez une population disséminée parmi des bourgs et des villages, composée principalement d'insulaires d'âge bien avancé. Aux caractères rudes car vivant loin du continent. Dont certains ne savent plus quoi inventer pour briser la monotonie de leur existence.
Imaginez un petit café de village où les marins, les pêcheurs et les bonne gens ont l'habitude de se retrouver pour partager les nouvelles du jour.
Le décor est monté. Simple et vivant.

Et d'emblée, un corbeau surgit avec ses lettres envoyées à tout va, presque au hasard, et ses petites accusations sans grand fondement mais, ô combien perturbantes pour cette population sans histoire. Jusqu'où s'arrêtera t-il ?

L'auteur décortique la nature humaine de manière habile et franchement, on n'est pas au bout de nos surprises !

Je remercie Babelio et les éditions Phébus pour ce très très bon moment de lecture.
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Coup de coeur pour ce récit. Les habitants d'une île vont voir leur vie paisible basculer à l'arrivé d'un corbeau qui prend un malin plaisir à envoyer des lettres aux habitants. Une première partie sur la vision des personnages et une deuxième partie où le corbeau se raconte.
Un régal !
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La Feuille Volante n° 1103
RESSENTIMENTS DISTINGUES – Christophe Carlier – Phébus.

Au départ l'exergue, dont il ne faut jamais négliger la lecture, surtout dans un roman de Christophe Carlier nous donne le ton « Il y a des dos, dans la rue qui appellent le couteau… Pourquoi ?... ». Et il y a aussi ce titre en forme de jeu de mots et de formule de politesse clôturant une lettre formelle. Un corbeau qui habite une île perdue en mer, y sème la panique par l'envoi de cartes postales anonymes qui accusent, invectivent. Ainsi s'installe dans ce microcosme une véritable psychose entre ceux qui reçoivent des lettres, ceux qui craignent d'en recevoir, ceux qui s'en écrivent eux-mêmes pour ne pas être en reste… Et que dire de ceux qui disparaissent sans explications ! Quant à Gabriel, le facteur rhumatisant, il a du mal à bien faire son métier, partagé entre son devoir de distribuer le courrier et ses états d'âme puisque, malgré lui, il entretient cette anxiété et devient l'auxiliaire de la Camarde après un suicide inévitable. C'est bizarre toutes ces lettres à une période où les gens ne s'écrivent plus et chacun, après avoir mené sa propre enquête, s'en remet à la maréchaussée qu'incarne Gwenegan pour qui tout le monde est coupable mais que cette affaire laisse sans voix dans un village où chacun se connaît, s'épie mais garde le silence, jugeant, condamnant, détruisant la vie d'autrui, drapé dans sa bonne conscience et sa tartuferie. Pourtant l'Ordre Public motivant une enquête n'est pas vraiment menacé, les cartes ne bousculant que les consciences, les soupçons ne suffisent pas et les preuves manquent. Il y a le café où fleurissent les fantasmes les plus fous, où chaque buveur se transforme en philosophe et y va de son adage de comptoir avec sa voix empâtée par l'alcool. L'ennui que distille d'ordinaire une île pourrait parfaitement expliquer un tel comportement qu'on attribue à une femme seule, aigrie, qui n'a jamais connu d'homme pour exorciser sa méchanceté. A moins que, là comme ailleurs, l'espèce humaine ne retrouve ses vieux démons surtout dans une île où tout est différent, ne réveille la médisance, la jalousie, la vengeance, la peur ancestrale et diabolique de la mort et des revenants qui sommeille dans l'inconscient de chacun et contre quoi la religion, ses rituels et ses croyances ne peut rien.
J'ai retrouvé avec plaisir le style délicat et poétique de l'auteur, ses phrases festonnées, dentelées, percutantes, délicieusement jubilatoires que j'avais aimés dans « Singulier » (la Feuille Volante n° 1083)et « L'assassin à la pomme verte »(la Feuille Volante n°1058), son sens du suspens entretenu par une présentation en courts paragraphes qui composent ce roman comme un tableau pointilliste dont chaque personne serait une touche de couleur plus ou moins vive, ses aphorismes pertinents, son regard posé sur l'espèce humaine désireuse de porter préjudice à son prochain pour son propre bénéfice ou son simple plaisir. Ce n'est pas un simple roman policier mais une véritable étude, rédigée comme le journal intime d'un témoin invisible de ce spectacle à huis-clos à qui rien n'échappe de toutes ces tranches de vie, des relations adultères ni des tentatives sentimentales avortées, qui met en évidence la solitude des individus mais aussi la jalousie, la délation, les secrets, l'orgueil, la suffisance, le sentiment de puissance, la vanité, l'hypocrisie... et cette volonté de nuire du corbeau que ne rachète pas la volonté d'apaisement d'une bienveillante corneille ou d'un redresseur de tort, fut-il manipulateur, comme deux faces d'un Janus bizarrement humain.
Les choses ne vont pas toujours comme on le souhaiterait même s'il est facile de faire prévaloir les apparences sur la réalité et ainsi vivre à nouveau en paix, comme si rien ne s'était passé et que la vie reprenait son cours, ordinaire et banal !

© Hervé GAUTIER – Janvier 2017. [http://hervegautier.e-monsite.com ]
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Christophe Carlier Ressentiments distingués Phébus
( 174 pages – 16€)

Christophe Carlier, distingué par le Prix du premier roman pour L'assassin à la pomme verte renoue avec le suspense.
La citation de Mirbeau qui ouvre le récit a de quoi vous glacer et suffit à donner le ton : «  Il y a des dos, dans la rue, qui appellent le couteau ».
Voici le lecteur confiné sur une île peu accueillante par sa configuration : «  Récifs, falaises ». Une île encore plus hostile quand la saison des pluies s'installe, que le vent hurle, «  se plaint », que «  les flots sont plus violents ». Une île anonyme, à elle seule, «  un personnage unique, minéral, envoûtant », «  un caillou », « un rocher ravitaillé par les corbeaux ». Qu'elles soient grecques ou bretonnes : «  Même beauté, même déchaînement les soirs d'orage », «  même étouffement ».

On sent la scission entre l' insulaire, au «  caractère trempé » et les nouveaux installés. Comme leur mentalité diffère ! Les gens de la terre ferme dont le gendarme, peut-on compter sur eux ?
Que peuvent faire les habitants dans ce huis clos sinon s'y ennuyer, traquer un fait divers, épier ses voisins ? Les lieux publics deviennent leur camp de base.

Au café, un écrivain peut collecter des brèves de comptoir comme Jean-Marie Gourio Pour Christophe Carlier, c'est un poste d'observation qu'il affectionne. (1)
C'est donc au café La Marine que se côtoient toutes les strates qui composent la population de l'île et que circulent toutes les rumeurs.
La dernière en date est l'existence d'un corbeau , semant le désordre,qui envoie une pluie de cartes anonymes. Les phrases sont d'abord «  acidulées, ensuite plus acérées, assassines, «  pleines de fiel ». A chaque nouvelle victime,la sidération. Et chacun de deviser, de suspecter un tel ou une telle. Mille interrogations taraudent les habitants. On jase, on conjecture. On vaticine. Puis une pause.

De nouveau «  des messages brefs, cinglants, calligraphiés » , «  de plus en plus hostiles »,véhiculant des accusations. Il serait temps que la gendarmerie s'empare de ces cartes, les décrypte. Ce travail d'analyse incombe à Gwenegan. Il scrute les clients du café qu'il croise. A l'affût de leurs tressaillements, il tente de débusquer leur part sombre, de dresser un portrait robot. La psychose gagne les habitants, ils se sentent cernés « par le vieil ennemi invisible et maléfique.Le couvre-feu s'instaure «  naturellement ». La tension atteint son paroxysme,l'auteur employant un champ sémantique autour de la mort : glas, crime, assassin, oiseau de malheur. «  La malédiction est en marche ».

Le voile sur ces mystères successifs se lève dans la deuxième partie du roman,tout s'éclaire alors. Quelle jubilation pour le corbeau de jouir d'une telle «  emprise » sur l'île ! le narrateur radiographie les pensées et actions du volatile.
Des drames surviennent. On continue à s'interroger devant cette tempête dévastatrice.
Pour l'un d'eux, doit-on tisser une corrélation entre la carte du corbeau reçue par Mateo et la décision de celui-ci? le « vilain oiseau » avait-t-il conscience de l'impact que pouvaient générer ses phrases sur un être fragile ? Surtout quand «  elle était incisive comme un rase-légumes ». Sa plume n' est-elle pas «  plus efficace qu'un parapluie bulgare » ? Quant à Gabriel, le facteur, ne risque-t-il pas d'être accusé d' « auxiliaire de la mort » ?

La force romanesque de Christophe Carlier est multiple :
c'est d 'avoir planté un décor qui au fil des pages devient oppressant avec ces corbeaux dans les champs, voletant, «  plus arrogants qu'à l'ordinaire » qui font écho au corbeau «  humain » qui « affûte son bec ».

C'est d'avoir multiplié les envois de cartes, ce qui génère une montée en puissance de l 'effroi parmi les insulaires. Leur stupeur va crescendo face à ce corbeau infatigable.

C'est d' avoir distillé un rebondissement en ressuscitant , par une lettre, la noyée Carole! Et cette main retrouvée par les pêcheurs qui draine tous les curieux au port !

C'est d'avoir ajouté «  une corneille » en pendant du corbeau qui, à son tour, est plongé dans les hypothèses ! Qui donc est en train de l'imiter ? L'aurait-il identifié ?

La saveur des descriptions réside dans l'attention aux détails : Gislaine, aux «  yeux clairs bordés de cils roux », les métaphores et les comparaisons : «  l'horizon ressemble à un trait de fusain, épais, régulier ».La poésie s'invite avec les vagues qui se défont «  dans un ourlet de blancheur » ou «  l'horizon ressemble à un trait de fusain, à une rature géante ».

Comme l'épeire dans sa toile captive,le talent de Christophe Carlier est de tenir en haleine son lecteur qui se pose aussi ces multiples interrogations qui jalonnent le récit, l'enquête stagnant. L'auteur n'est pas seulement un portraitiste hors pair, il excelle dans l'art du suspense. le mot phare de cette «  histoire époustouflante» est mystère. le narrateur déroule un imbroglio de vies, dont certaines vont être prêtes à basculer.Il distille à petite dose : ironie, bassesse, rancoeur et met au jour les non-dits, les liaisons clandestines. Il confie au hasard le choix de ses cibles.

L'écrivain glisse ses réflexions sur maints sujets. Il déplore le déclin de l' orthographe.On devine, en filigrane, une certaine nostalgie face à la disparition des échanges épistolaires au profit des mails. L'écriture n'est-elle pas une projection de notre personnalité ? le volatile a «  donné à sa correspondance le tombé impeccable d'une nappe damassée, à ses phrases l'éclat des couteaux en argent ».

Au fil des romans, un style se confirme : une succession de courts paragraphes, une unité de lieu et d'action, une galerie de personnages dont l'auteur entrelace les destins.Une plume ciselée mais acérée qui égratigne.
Le monde du dessinateur Sempé n'est pas loin. (2)

Christophe Carlier signe un roman «  HHH »:haletant, hallucinant,horrible pour l'épilogue. Impossible au lecteur, pressé de débusquer le corbeau, de lâcher ce récit original qui a séduit aussi Amélie Nothomb.

(1) : le roman précédent Singuliers
(2) : Christophe Carlier admirateur de Sempé lui rend hommage dans
Happé par Sempé.
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Je tiens à dire un grand merci à Babelio et aux éditions Phébus pour le partenariat de ce titre dans le cadre de la Masse Critique.

Cette lecture m'aura été bien différentes de toutes mes autres. Pour la toute première fois je me suis muni d'un carnet et d'un stylo tel un Sherlock Holmes. Alors je vous préviens d'entrée, finalement il m'aura pas servi du tout. J'ai voulu écrire tous les personnages qu'on rencontre, rose pour les filles et bleu pour les garçons (oui je sais c'est cliché mais ça fait jolie :) ) dans l'ordre d'apparition de la lecture avec à côté de leurs prénoms leurs rôles respectifs. Mais j'ai pas pu faire une enquête comme je le pensais et je vais vous le dire après.

Il serait peut-être temps que je vous raconte en deux mots le pitch de ce livre. Vous connaissez le célèbre roman "Le cercle littéraire des amateurs d'épluchures de patates" ? Si oui, vous retrouverez cette bonne atmosphère d'une petite civilisation vivant sur une île avec un auteur qui nous mets plein de jolies descriptions qui sentent bon l'air marin. Dans ce livre les gens communiquent entre eux que par lettres. Dans Ressentiments distingués ce n'est qu'une personne qui écrit des lettres aux habitants de l'île. Avec aucune signature. Cette personne est mystérieuse. Elle est donc le corbeau. Pourquoi écrire des lettres anonymes ? Parce ce ne sont pas des écris toit mignons. Ce sont des reproches. En seulement quelques mots. le corbeau connaît très bien chaque personnes puisqu'il les côtoient tous les jours depuis des années sur ce bout de cailloux.

Pas de sang, pas de violences physiques ni de meurtres. Seulement des mots sur du papier. Cette seule personne réussie à mettre le désordre dans cette petite communauté avec comme moyen du papier et un stylo. Ça se passe aujourd'hui mais là aussi pas d'Internet, pas de mails, pas de SMS et encore moins de smartphones. A aucun moment on parle de ces choses qui sont partout dans notre vie. On communique comme avant et après tout c'est la plus belle des façons d'écrire à une personne.

Ce livre est très court, moins de 200 pages et les paragraphes sont toujours bien espacés ce qui accentue encore plus la rapidité de lecture. Et c'est sur ce point que mon "enquête" n'aura servi à rien. Je me suis dis qu'en notant chaque personnages sur une feuille, je vais pouvoir m'établir ma petite enquête (à défaut d'être comme le corbeau) pour savoir qui pourrait être le plus le ou la coupable mais le livre ne nous laisse pas le temps ni la possibilité de se faire des idées. Pour une fois que je voulais faire quelque chose d'un peu plus complexe, c'est raté alors je vous déconseille de faire comme moi :-D

La plume de l'auteur est jolie. C'est de la belle littérature française !
On apprends à connaître les habitants, plus ou moins vite fait. Certains ont peur de recevoir des accusations et les mettre à mal. D'autres cachent qu'ils ont aussi reçus un courrier du corbeau. La vie n'est pas rose pour tout le monde. Tout le monde à ses petits secrets plus ou moins beaux. Alors la tension monte d'un cran. Est-ce que c'est le voisin ou la voisine qui fait ça ? Un proche de l'île ? Que de questions !

La deuxième partie de l'histoire on découvre qui est ce fameux oiseau de malheurs. Et la fin arrive vite fait bien fait. Je la trouve parfaite mais je ne peux rien vous dire de plus au risque de tout vous dire mais je la trouve bien réfléchie. Je trouve même qu'il y a pas mieux comme conclusion.

Toi, oui toi internaute, si tu es encore en train de lire ma critique, je te conseille ce livre. Je le dis franchement car sans l'offre de la Masse Critique je pense pas que j'aurai un jour découvert ce livre sur internet ou en librairies car je ne vais pas dans ce genre de rayons habituellement. Alors je profite pour vous dire que si vous êtes comme moi à ne pas avoir l'habitude de lire des ouvrages comme lui, mettez celui-ci dans un coin de votre tête ou dans votre liste d'envie. Il vaut le coup d'oeil :)

Lien : http://litteratureenfolie.bl..
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Christophe Carlier revient, quelques années après l'Assassin à la pomme verte, un premier roman formidable, avec une nouvelle fois un étrange thriller, entre suspense et poésie.

L'intrigue s'installe sur une petite île, d'où les insulaires observent, méfiant, le reste du pays, le "continent" où tout est si différent. Un huis clos cerné d'océan, tout le monde se connaît, s'évalue et s'épie dans une certaine langueur, faite d'habitudes et d'hivers froids. Puis vint le corbeau, qui sème des cartes postales brèves, délicieusement acerbes, révélant à chacun ce qu'il sait déjà.

"Ressentiments distingués" est l'histoire d'une île, mais pas seulement : c'est l'histoire quotidienne de chaque petit village, de chaque quartier, de chaque famille finalement. Tous ces lieux dont l'étroitesse et l'ancienneté n'offrent que l'illusion du secret, l'attachement jaloux et la douceur de convenance. La galerie de personnages est immense en si peu de pages, car Christophe Carlier sait dire tant en si peu de mots. Quelques phrases suffisent à faire sentir au lecteur les embruns, toucher du doigt les falaises et plonger dans l'enquête : qui est le corbeau ? mais surtout : pourquoi ?

Encore une merveilleuse lecture, presque un conte, poétique et terrifiant, hors du temps et tellement quotidien. Je remercie sincèrement Babelio et les éditions Phébus pour cette découverte, qui ne fait que confirmer un goût désormais assuré pour cet auteur à part.
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Les habitants d'une île reçoivent des cartes postales anonymes, laconiques, cinglantes et accusatoires. Dans un premier temps les victimes n'osent pas trop en parler, par honte ou par fierté, puis les langues se délient. Ce mystérieux corbeau énerve autant qu'il fascine, puisqu'il vient bousculer le train-train quotidien des insulaires. Evidemment, dans cette île où tout le monde se connaît, on se met d'abord à accuser ceux qui sont les moins bien vus, marginaux ou de mauvaise réputation. Puis c'est le tour des personnes qui paraissent un peu trop propres sur elles. Bref, tout est bon pour trouver un coupable et s'innocenter aux yeux des autres.
Un roman qui démontre qu'une fois de plus, l'être humain est toujours avide de partager mauvais sentiments plutôt que bons, du moment que cela ne le touche pas directement et que cela peut alimenter conversations de comptoir et divertir d'un ennui qui guette. Les rumeurs vont en effet aller bon train dans le café La Marine et l'épicerie, qui deviennent les plaques tournantes de toutes les suppositions et de toutes les rumeurs. Très bon choix pour le titre en oxymore « Ressentiments distingués », c'est très chic et vraiment dans l'esprit du livre. le roman est rédigé de façon très factuelle, il n'est pas difficile d'imaginer cette île où chacun épie son voisin, éprouve quelque envie ou rancune. Cette chronique de la vie d'insulaires est très bien menée et m'a beaucoup plu.
Un grand merci aux Editions Phébus et à Babelio pour l'envoi de ce livre dans le cadre d'une Opération Masse Critique.
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Avec ce roman, on va être plongée sur une île, on ne sait rien de celle-ci, ni son nom, ni sa localisation, elle entre uniquement en opposition avec le "continent".
Là où je suis passée un peu à côté, c'est que je ne savais pas où je mettais les pieds, alors que le titre est assez révélateur quand on y pense. On va suivre une espèce de dérèglement sur l'île à cause d'un mystérieux corbeau qui envoie des lettres anonymes aux habitants. Ressentiments distingués est en effet une sorte de clin d'oeil à la formule "sentiments distingués" parfois présentes dans le langage épistolaire.

Découpé en trois parties, enfin pour moi c'est plutôt deux parties et un épilogue, mais bref. La première partie s'ouvre sur le facteur, qui, de manière parfaitement normale distribue son courrier. J'ai trouvé intéressante la vision qu'a le facteur (Gabriel) sur son métier. Comme je l'ai dit un peu plus haut, il va être question d'envoi de lettres pas forcément hyper sympa alors après avoir décrit quelques habitants de l'île, décrit leurs habitudes, l'essentiel du propos se trouve dans la rumeur, dans les ragots et les "menaces" dues à celui qu'ils ont nommé le "corbeau". La panique apparaît peu à peu, le silence s'installe et même si personne ne dit rien, tout le monde pourrait être le coupable, enfin, à quelques exceptions près.

La deuxième partie est focalisée sur le point de vue du corbeau, dont nous est dévoilée l'identité. J'ai beaucoup aimé le suivre, en apprendre plus et j'ai trouvé intelligent de ne pas faire une nouvelle fois une histoire de vengeance, parce qu'ici, je ne considère pas que cela le soit. Je ne vais pas trop m'étaler dessus parce que je ne veux pas gâcher la surprise, mais si jusque-là ça vous intéresse, foncez !

Cette lecture amène à se rendre compte à quel point les apparences sont trompeuses déjà, mais surtout que la peur peut-être attisée n'importe où, n'importe quand. le corbeau paraît parfois simplement s'amusait sans que ce soit de la méchanceté perverse. Il semble plus s'attacher à essayer de faire réfléchir ses "victimes" qu'à les faire culpabiliser ou à les blesser. Pourtant, quelques drames vont se produire sur l'île, parfois sans que le corbeau ait quelque chose à y faire, d'autres où c'est entièrement de sa faute - je pense aux événements de la fin de la deuxième partie.

Pour moi, c'est une réussite du point de vue de l'esquisse des insulaires, l'auteur nous parle de pas mal de personnes, mais seulement en quelques lignes. Il parvient de manière vraiment brillante à nous décrire ces personnages que l'on aperçoit qu'au café La Marine ou même à l'épicerie et qui, finalement, sont simplement des personnages faisant partie du décor - ou non d'ailleurs.
Cette manière de survoler les personnages a contribué à ce que je me perde dans le livre, quand l'auteur a pour la première fois abordé Tommy, je pensais que nous allions le suivre plus en profondeur, pareil pour Gwenegan qu'on ne suit pas tant que ça au final. Enfin voilà, j'ai aimé tomber dans les pièges tendus consciemment ou non pas l'auteur.


Ce livre aussi je l'ai dévoré : l'histoire m'a plu, peut-être aussi parce qu'après avoir lu un polar/thriller assez long et assez sanglant, j'ai eu besoin de lire quelque chose de plus léger, mais qui reste dans le registre de l'enquête. J'ai aimé simplement parce que c'est sans prétention, parce que l'auteur nous donne à voir une histoire bien ficelée dans une écriture toute en simplicité et efficace. À vrai dire je ne connaissais pas du tout Christophe Carlier, même pas de nom. Il est apparemment surtout connu pour son roman L'Assassin à la pomme verte qui m'a l'air d'être pas mal d'après le peu que j'en ai entendu.

Pour une découverte, ça a été une grande découverte et je ne pouvais pas rêver mieux pour démarrer cette année 2017 en beauté. Une fois encore, un très grand merci à Babelio et aux éditions Phébus.

9/10

Mon avis est en intégralité sur le blog :
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Je remercie Babélio et les éditions Phébus pour m'avoir permis de découvrir le roman de Christophe Carlier.

Gabriel est facteur. Il aime son travail, qu'il exerce depuis très longtemps sur l'île. Ses articulations commencent à le faire souffrir, mais il continue à pédaler sur son vélo pour apporter quelques nouvelles aux insulaires. Malgré lui, il devient le complice d'un auteur de cartes sinistres, un corbeau qui trouble peu à peu le quotidien et les consciences des habitants de la petite île. Les voisins se surveillent du coin de l'oeil, telle vieille dame au-dessus de tout soupçon ferait une coupable idéale, ou cet étranger du continent installé depuis peu pourrait être l'auteur des phrases tendancieuses...
Le bar La Marine est le pivot de l'île, celui où se rassemble les hommes, où se délient les langues, on conjecture, on innocente, on se méfie. Son contrepoids, féminin et plus mesquin : l'épicerie. le tout sous le vent, la pluie, les embruns.

Les insulaires s'épient, et soupçonnent même les touristes. On sourit des comportements de certains, mais c'est un sourire un peu triste, un peu figé, parce que leurs petites mesquineries ou étrangetés sont si humaines, si misérables au fond, qu'on ne peut pas se moquer d'eux. Quant à la cruauté, elle est aussi à la portée de tous. C'est un roman noir glaçant, parce que l'ennui et le désespoir sont des mobiles tragiques.

L'écriture de Christophe Carlier est magnifique, et j'ai dévoré Ressentiments distingués, qui m'a parfois fait penser à Un roi sans divertissement de Giono et aux Dix petits nègres d'Agatha Christie. Il y a beaucoup de finesse dans la façon dont l'auteur croque les habitants de l'île et partage leurs visions, leurs émotions. Cela donne un tableau claustrophobique, angoissant et glaçant, j'ai eu la sensation d'être prisonnière de l'île, suspendue à mon tour entre mer et terre, en attente de vie. J'ai terminé ma lecture le coeur serré par le dénouement, qui n'apporte aucun soulagement mais au contraire souligne la cruauté et le désespoir des petites existences mesquines.
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