Le monde entier s'interroge... et les deux auteurs de cet essai posent la question: "Où va l 'Amérique d'
Obama?" Tel est le titre du livre très synthétique et intrigant qu'offrent conjointement
Hervé de Carmoy et
Alexandre Adler. A leur façon, ils dépeignent un portrait contrasté, parfois paradoxal, des Etats-Unis - et, on s'en doute, du monde entier.
On acceptera que leur propos démarre sur un malentendu: alors qu'il conviendrait de distinguer les Etats-Unis (une grande nation) et l'Amérique (le grand continent où se trouvent les Etats-Unis), les auteurs usent indifféremment de l'un ou de l'autre vocable pour désigner la nation présidée par Barack Hussein Obama. Important? On admettra que le lecteur est assez grand pour comprendre que c'est bien du pays de l'Oncle Sam qu'il est essentiellement question ici.
Alexandre Adler signe une préface plutôt longue (une quarantaine de pages sur 189), parfois rapide sur un sujet extrêmement vaste, qu'on pourrait croire peu délimité: l'auteur de cette préface s'avère prolixe, voire touffu (les phrases et les paragraphes sont longs), en évoquant de nombreux aspects apparemment fort éloignés de Washington, en particulier lorsqu'il est question de politique internationale: atouts comparés de la Chine et du Japon, etc. Cela dit, dans un constat dépourvu de complaisance, le préfacier évoque à la fois les faiblesses et les atouts des Etats-Unis pour faire face au monde qui se dessine à présent. "Un diagnostic sévère mais optimiste", résume-t-il en bandeau; c'est exactement cela.
Ce point de vue se prolonge dans le propos tenu par
Hervé de Carmoy, ancien cadre auprès de plusieurs grandes banques. Démarrant par une approche démographique, son exposé présente
Obama comme le symbole de l'évolution, voire d'un certain aboutissement d'une société particulière, celle des Etats-Unis, profondément intégratrice, incitant l'immigration à rallier le rêve américain selon l'idée du melting pot, voire du melting top (intégrer pour le meilleur). Cela ne va pas sans défis (l'intégration problématique des Latinos venus du sud), mais pas non plus sans atouts (l'immigration asiatique, hautement qualifiée). Certes rapide (1), le tableau est ici saisissant, et n'hésite pas à faire usage d'une approche historique à l'occasion.
D'autres éléments sont passés en revue, à commencer par la question financière, de la plus haute actualité au lendemain de la crise des subprimes et, plus généralement, du crédit. L'auteur identifie des faiblesses de fond, telles que le délitement d'une certaine éthique auprès du personnel des banques - que l'auteur compare, non sans esprit, aux conquérants du Far West. La capacité d'innovation du pays est étudiée aussi, ce qui induit un diagnostic sévère de l'enseignement, en particulier de l'enseignement secondaire (qui forme certes de très bons élèves, mais connaît aussi un taux d'échec important) - comprenant la critique d'une nation qui préfère importer ses spécialistes et laisser sur le carreau ceux qu'elle forme elle-même. La question de l'armement, enfin, permet à l'auteur d'aborder quelques enjeux géostratégiques et d'analyser de façon critique l'un des plus gros postes au budget fédéral - avec les retraites et la santé.
Au final, et même si l'on regrette l'absence d'une bibliographie récapitulative en fin de volume, c'est un pays à la croisée des chemins que les deux auteurs nous présentent, en un parcours complet quoique rapide: ancienne puissance absolue et incontestée, les Etats-Unis devront sans doute composer avec les importantes nations émergentes, telles que la Chine, la Russie, le Brésil même, sans parler de l'Europe. Après l'hégémonie héritée de 1945, une nouvelle page s'ouvre. Les auteurs se veulent optimistes: malgré leurs importants handicaps (endettement colossal, infrastructures défaillantes, etc.), les Etats-Unis sont en mesure, selon eux, de relever les défis de l'avenir.
Hervé de Carmoy et
Alexandre Adler, Où va l'Amérique d'
Obama?, Paris, Presses universitaires de France, 2011.
(1) Pour en savoir plus sur la population des Etats-Unis, on se référera avec profit à l'ouvrage "Le peuple américain" de Jacquin, Royot et Whitfield (Paris, Seuil, 2000).
On relèvera aussi que cet ouvrage rappelle le tableau en demi-teinte que Nicole Bernheim a peint de la société américaine dans "Les années Reagan", (Paris, Stock, 1984).
Le site de l'un des auteurs: http://www.herve-de-carmoy.com.
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