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L'été froid, c'est cet été 1992 durant lequel la guerre de la mafia a atteint son comble tragique avec les assassinats des juges Falcone puis Borsellino à Palerme. le récit commence en fait en mai et nous plonge dans les Pouilles italiennes, dans un Bari rongé par une ambiance chaotique nourrie de tirs, embuscades et enlèvements. Gianrico Carofiglio n'est pas un écrivain italien comme les autres. Il est procureur , conseiller du Comité anti-mafia au Parlement, il a été sénateur. Autant dire que son expertise est absolument irréfutable et elle transparait avec évidence dans son roman qui reconstitue de façon fidèle et précise le fonctionnement du système pénal italien ou toute l'organisation de la Mafia ( rites, hiérarchies, carrières, codes, justice interne et activité ). Mais là où le roman impressionne, c'est dans l'équilibre trouvé entre la réalité et la fiction, sans que l'un ne prenne l'ascendant au détriment de l'autre. le romanesque est très présent, baigné dans une rigueur documentaire. Et c'est passionnant. L'auteur a trouvé un rythme parfait pour construire un récit très fluide articulé autour d'une enquête pour déterminer qui a enlevé et tué le jeune fils du parrain local, Don Grimaldi. le principal suspect, Lopez Vito, est celui qui a déclenché une guerre des gangs meurtrières pour détrôner Don Grimaldi. le récit rebondit de faits d'enquête en longs extraits de l'interrogatoire de Lopez Vito, le repenti qui collabore avec la justice, avec notamment une superbe scène : lorsque la procureure, en train de l'interroger, apprend que Falcone vient d'être assassiné, qu'elle est saisie d'un trouble si fort qu'elle ne peut qu'ajourner l'interrogatoire, se voyant potentiellement elle aussi dans une tombe. Le choix des deux personnages principaux, le carabinier et le repenti, est très judicieux et apporte beaucoup de caractère. le carabinier, le maréchal Fenoglio, ne tombe pas dans le stéréotype du flic fracassé par la vie mais prend toute la lumière avec son extraordinaire dignité, son humanité et sa mélancolie. Cet homme de principes laisse la place au doute, sait regarder les choses déjà vues d'un oeil neuf, sans porter de jugement moral car il a conscience de la fragilité de l'être. le personnage du repenti est tout aussi réussi, tellement loin des clichés que cela en devient déstabilisant de le voir aussi calme et humble, sans excès ni fanfaronnade. C'est un roman finalement très cérébral. S'il ne déchaîne pas les émotions, il génère une réflexion forte sur notre capacité à voir la réalité en face, même les plus déplaisantes, sans détourner la tête. En fait, progressivement, c'est tout le roman qui bascule dans une zone grise faite d'ambiguïtés dans laquelle il devient difficile de distinguer le Bien du Mal. + Lire la suite |