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Critiques filtrées sur 1 étoiles  
Aymeric Caron aborde dans ce livre une question qui est brûlante et d'actualité : l'antispécisme, dont la définition est vaguement exposée en quatrième de couverture, et milite en faveur de la reconnaissance de droits aux " êtres vivants sensibles ".

En soi, le projet me parle, je veux dire, l'idée de considérer l'homme comme une espèce comme une autre, ni plus ni moins intéressante, ni plus ni moins noble qu'une autre, qu'il s'agisse d'un lombric ou d'un pissenlit. Là dessus, rien à dire, l'écologiste et éthologiste de longue date que je suis s'y retrouve.

Mais par ailleurs, on connaît ses positions sur la consommation de viande et le véganisme, ce qui n'est donc pas totalement dénué d'arrières pensées, je trouve, et suscite alors mes premiers doutes quant à l'honnêteté intellectuelle.

J'aurais évidemment mille objections à faire aux arguments de cet homme, non pas pour renier le fait d'attribuer une meilleure considération à tous les êtres vivants (je ne distingue pas, moi, sensibles et non sensibles, j'y reviendrai) mais plutôt parce que ce " projet " de donner des " droits ", au sens légal du terme, est à la fois irréalisable et tout aussi discriminant pour les espèces que ce qu'il prétend combattre. Pour illustrer ceci, je vais me contenter de dix simples constats (il y aurait matière à développer, bien entendu, et à en présenter beaucoup d'autres).

1er constat : l'être humain, en tant qu'hétérotrophe, est incapable de se nourrir d'autre chose que d'êtres vivants (animaux, végétaux, champignons). C'est un fait. La nourriture exclusivement minérale, ça marche moyennement pour nous autres. Donc, que l'on soit carnivore invétéré, végétarien, végétalien, végane ou autre, on mange, quoi qu'il arrive, de l'être vivant à longueur de journée. Il y aurait donc des êtres vivants de basse lignée, bons à être mangés, et d'autres êtres vivants, dits " sensibles " qu'il serait scandaleux de consommer. Il faudrait qu'on m'explique la nuance.

2ème constat : où placer la limite entre " êtres vivants sensibles " et " être vivants NON sensibles ". C'est une absurdité car, par définition, tous les êtres vivants sont sensibles. D'une sensibilité qui peut certes être différente de la nôtre mais sensibles tout de même. La tique est un être vivant incroyablement sensible, doué d'une aptitude à repérer un homéotherme absolument stupéfiante. Un pied de lierre est lui aussi incroyablement sensible, à l'humidité, à la lumière, à la verticalité, etc. Donc, dire arbitrairement que telle espèce est sensible et que telle autre ne l'est pas est, au mieux, malhonnête, et plus certainement totalement erroné et stupide.

3ème constat : puisque les poux, morpions, tiques et autre ténias sont des êtres sensibles, ils ont le droit de vivre sur (ou dans) les corps humains, et en particulier sur celui d'Aymeric Caron. De quel droit, lui, un simple représentant d'une espèce vivante aurait-il le droit de tuer d'autres animaux qui ne font qu'exercer leur droit à la vie ? De même, d'un point de vue juridique, est-il moral de tolérer qu'il refuse l'accès de son logement aux blattes, araignées et autre souris ou rats ? Ce sont des animaux sensibles après tout, non ?

4ème constat : l'une des plus grandes causes de diminution de la biodiversité ANIMALE est la déforestation (notamment au niveau des forêts équatoriales, mais pas seulement) ayant pour but la mise en culture pour des productions VÉGÉTALES destinées à l'homme (huile de palme notamment en Indonésie, thé en Inde mais c'est loin d'être les seuls cas : la liste est infinie).

5ème constat : on sait que de nombreuses espèces de végétaux comme l'acacia ont une forme de " perception de la douleur " lorsque leurs corps (en l'occurence des feuilles et des tiges) est consommé par des animaux qui se traduit par la production de molécules de stress et qui peut même se transmettre à des congénères (des acacias voisins) qui eux n'ont pas été consommés. Donc pour des êtres vivants non sensibles, je trouve que les végétaux sont étonnamment sensibles et même, n'ayons pas peur des mots, sociaux.

6ème constat : les éponges et les coraux, qui sont des animaux comme tous les antispécistes le savent, sont-ils plus ou moins animaux que des plantes carnivores ? Plus ou moins sensibles ?

7ème constat : que donner à manger à nos animaux de compagnie carnivores ? J'ai essayé la salade avec les chats : ils adorent ça.

8ème constat : toute l'activité humaine a des conséquences importantes sur les vies animale, végétale et fongique. Exemples : la construction d'une route ou d'un bâtiment, par exemple, détruit toute la microfaune du sol, toute la menue flore qui vivaient dans cette zone. L'endiguement des rivières et des fleuves afin d'éviter leur débordement pendant la période hivernale pour permettre une vie commode à des petits citadins comme Aymeric Caron augmente dans des proportions considérables le débit (ou la vitesse du courant) de ces rivières en période de crue, détruisant du même coup toute une faune des berges qui y vit normalement fixée (ex : les plécoptères) et l'absence de cette faune des berges fait disparaître à son tour les espèces prédatrices qui s'en nourrissaient. Donc, c'est l'homme dans son entier et dans ses modes de vie qui représente un problème, si l'on y réfléchit. Quel est le programme d'Aymeric Caron pour venir à bout de ce problème ?

9ème constat : les aménagements réalisés sur les fleuves pour produire, par exemple, une énergie propre rend ces mêmes fleuves impropres à la vie pour des espèces animales ayant des droits, comme les saumons. Donc, si je résume la situation, à cause de vos sales petits besoins en électricité, très cher Aymeric Caron, des saumons innocents sont tués, anéantis, décimés, occis. Honte à vous !

10ème constat : la pomme bio que vous venez de consommer, cher Aymeric Caron, n'est pas une pomme naturelle. En effet, elle n'a peut-être pas reçu de produit " chimique " mais elle a tout de même reçu quelque chose, sans quoi elle aurait un petit habitant à l'intérieur, n'est-ce pas ? Car bio, ne signifie pas " sans rien pour tuer les bestioles ". En effet, il est autorisé d'utiliser des produits non transformés, comme le cuivre, qui avec l'eau, a un effet insecticide " naturel ". Quand je pense à tous ces êtres vivants sensibles qui n'ont pas vu le jour à cause de vous, Aymeric Caron, je me dis que vraiment leurs droits ne sont pas du tout respectés...

Bon aller, comme je suis bien lunée, je vais même en donner un petit onzième rien que pour monsieur Aymeric Caron. En sa qualité de végane, il considère que consommer, mettons, du lait de vache ou du fromage est absolument contraire aux bonnes mœurs auxquelles il s'astreint. Dans sa cuisine, par exemple, pour remplacer le lait de vache, il utilise, mettons, du lait de coco. Super, me direz-vous. Eh bien, peut-être pas tant que cela si l'on y réfléchit.

Le lait de vache, qu'est-ce que c'est ? Une sécrétion. Le recueil de cette sécrétion n'entraîne pas nécessairement une fin atroce pour l'animal qui l'a produite. On peut imaginer qu'il meure de sa belle mort. Tandis que le lait de coco, c'est quoi ? C'est le sacrifice d'une graine, d'un embryon d'être vivant, qui, de par ce bris de la partie boisée de la noix de coco ne pourra jamais donner l'être vivant en réduction qu'il était. C'est comme de sacrifier un œuf fécondé en fait, alors qu'une sécrétion de vache, en soi, ça ne tue personne. Donc, tout végane qu'il est, l'ami Caron, il n'a pas les mains si propres que ça d'un point de vue rigoureusement biologique et surtout, d'un point de vue antispéciste.

Voilà donc, selon moi, un magnifique exemple de faux bon raisonnement. Que l'homme ait des choses à questionner, à se reprocher et à améliorer, c'est absolument indéniable, notamment du côté de l'élevage industriel (même si le remplacer par des productions végétales industrielles est tout aussi dommageable pour la planète et sa biodiversité). Mais que sur un tour moral on essaie de montrer du doigt " ceux qui ne respecteraient pas " les espèces en croyant dur comme fer que eux, les bien-pensants, les respectent, là je m'insurge complètement. Car aussi, si je lis bien " l'intention " qu'il y a derrière ce salmigondis, c'est, un de ces jours, de pouvoir faire un procès à un petit pépère, pourquoi pas un paysan, parce qu'il aura trucidé son coq dans des conditions " inhumaines ". Car qui dit " droit " dit " procès " et qui dit procès dit " faire casquer " ceux qui seront, une fois encore, les plus vulnérables et les moins aptes à se payer des avocats compétents. (Dans le mot " droit ", il y a malheureusement beaucoup de travers.)

Alors que ce même pépère, avec son hygiène de vie, aura peut-être certes trucidé son coq comme les derniers des Viking l'aurait fait, mais parallèlement aura peut-être contribué à supprimer moins d'animaux et de végétaux, toutes choses considérées, qu'un Aymeric Caron aux ongles bien propres et à la morale irréprochable, de par sa simple activité médiatique ou auctoriale.

Est-il plus " humain " de laisser une plante crever de soif dans son pot et s'éteindre péniblement pendant qu'on est parti en vacances que de manger un œuf sur le plat ? Est-il plus " humain " d'éclater la gueule à une femelle moustique en train de vous piquer, c'est-à-dire en train de lutter pour sa survie et pour s'assurer une descendance, que de manger un steak ? D'un point de vue antispéciste, je n'en suis pas certaine, vraiment pas.

Et tout le problème est là. Si l'on vient greffer du droit et du juridique là-dessus, ça risque de devenir compliqué et surtout, seules seront concernées les espèces " proches " de l'homme (mammifères et oiseaux essentiellement). Je n'ai jamais vu personne s'insurger contre l'assassinat des couleuvres et des vipères dans les prés fauchés pour la récolte du foin, par exemple. Donc, cela ne fait que révéler une nouvelle fois une vision anthropocentrique (l'homme et les espèces auxquelles il peut s'identifier). Le sort tragique des murènes, des encornets rouges, des scolopendres et des coléoptères longicornes n'émeut guère les populations.

Dans ce livre, l'auteur évoque les conditions industrielles d'élevage et d'abattage des animaux domestiques et les compare à des " camps de concentration ". Il prétend également que l'homme est la seule espèce à infliger un tel traitement aux autres " alors que ça n'est pas nécessaire ". (Donc ici, il met tout le monde dans le même panier et plus seulement l'élevage et l'abattage industriels, tous les petits producteurs respectueux également). Attention, je ne suis pas en train de prétendre qu'il faut absolument maintenir l'élevage industriel, je pense même tout le contraire. Mais je relève plusieurs problèmes :

1°) Lorsque certains s'arrogent le droit de décider pour les autres ce qui est nécessaire ou pas, cela n'est pas de la démocratie. L'extermination de la forêt équatoriale et de la biodiversité qui s'y trouve dans le but de récolter de l'huile de palme est-elle nécessaire ? La construction de nouvelles routes et les terrains grignotés par l'urbanisation et donc voués à une mort écologique certaine sont-ils nécessaires ? L'exploitation de mines de terres rares en République Démocratique du Congo avec son coût humain catastrophique dans le but de fabriquer des smartphones est-elle nécessaire ?

2°) Ensuite, l'image volontairement choquante du " camp de concentration " a pour but de rallier des personnes sensibles et qui n'ont pas spécialement réfléchi à la question. Toutefois, si vous considérez un champ de colza, par exemple. N'est-ce pas, au sens propre un " camp de concentration " d'une espèce vivante ? Mais là, ça ne vous fait rien. Pourtant, d'un point de vue écologique, c'est une pure catastrophe. Moi je dis, et cette fois-ci d'un point de vue antispéciste, c'est deux poids, deux mesures.

3°) Enfin, je signale que le prix du panier alimentaire représente certainement peu pour Aymeric Caron mais c'est très loin d'être le cas pour toutes les familles en France et je ne vous parle même pas du monde. Donc la suppression radicale d'une production à bas coût (quel que soit le type d'aliment) entraînerait un appauvrissement et une fragilisation encore plus grande des couches de la population qui sont déjà les plus vulnérables. (Je connais des tas de familles qui aimeraient manger " bio " mais qui ne le peuvent pas. Là encore, monsieur Caron n'en dit rien, or c'est un problème à considérer, ce me semble.)

Je suis la première (et je l'ai fustigé de nombreuses fois dans mes critiques) à condamner le mode de production industriel des denrées alimentaires. C'est le mot " industriel " qui pose problème selon moi, tant pour l'élevage que pour l'abattage des animaux. L'élevage à la chaîne, l'abattage à la chaîne : c'est ça la plaie. Mais il existe aussi des éleveurs et des bouchers nobles qui ne font pas ça comme ça et les mettre sciemment dans le même panier que les industriels, je trouve ça fondamentalement injuste et malhonnête.

Le fait que des gens mangent des animaux qui sans l'homme n'auraient pas vu le jour ne me choque pas plus que le fait qu'ils mangent du blé, par exemple, une plante qui, sans l'intervention de l'homme, serait présente dans sa forme sauvage à très peu d'endroits du monde et sous effectif anecdotique.

Je vous rappelle que l'auroch, par exemple, est une espèce éteinte et qu'elle ne vit, sous forme de vaches, que par l'action humaine. Sans cela, il y a beau temps que, par les simples perturbations de l'environnement occasionnées par l'homme, cette espèce aurait disparu quoi qu'il arrive.

D'un point de vue écologique, l'exploitation que l'homme effectue des espèces animales d'élevage est une symbiose : l'homme favorise la nourriture et la reproduction de ces espèces moyennant quoi il prélève son tribut. Ce n'est pas extraordinairement différent de l'exploitation des pucerons par les fourmis qu'elles maintiennent, elles aussi dans des sortes de " camps de concentration ". Et ce n'est qu'un exemple. Donc quand Aymeric Caron parle de " seule espèce ", il se trompe : les fourmis aussi pourraient s'y prendre autrement pour vivre que d'exploiter les pucerons.

Or, comme les pucerons et consort sont des petites espèces peu sexy, personne ne s'en émeut. Par contre, un lion qui bouffe une gazelle, là ça fait un pincement au cœur parce qu'une gazelle c'est " mignon " tandis qu'un lion qui bouffe un oryctérope ou une fouine qui dévore une couvée de passereaux, en général, le monde s'en fiche complètement. Mais je suis désolée, d'un point de vue antispéciste, il n'y a pas de " mignon " qui vaille : l'oryctérope a autant de valeur que la gazelle, le moustique anophèle autant que le panda géant. Donc réfléchissez bien à ce que veux vraiment dire le mot " antispéciste " et à l'utilisation qu'en fait sciemment monsieur Aymeric C.

Mais bon, je vais m'arrêter là car je ne suis qu'une brave bête abêtie et je ne sais pas si j'entre dans la catégorie des espèces sensibles. D'ailleurs, tout ceci n'est que mon avis, c'est-à-dire, pas grand-chose.
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L'antispécisme, cette idéologie qui abolit la consomation de viande en stipulant que les animaux sont nos égaux, qui eux peuvent manger selon leur besoin.
Mais si nous sommes des animaux, ou au même niveau, alors pourquoi interdirait on à l'homme de faire comme les autres animaux, cad de manger selon ses besoins?
En plus d'être fasciste, abolition, intolérance envers quiconque ne partageant pas cette idéologie, d'ailleurs Caron est pour l'interdiction et les sanctions. Bah c'est totalement incohérent intellectuellement.

Quand on sait que l'antispécisme est une invention de Peter Singer, le même qui trouve horrible que l'homme mange pour se nourrir, mais défend la Zoophilie si l'animal est consentant of course....

Des illuminés new age, qui n'ont que le mot abolition pour tout ce qui ne correspond pas à leur idéologie.
Une lecture horrible, mais salutaire pour qui veut connaitre le visage du futur fascisme qui nous pend au nez, après les dérives des religions
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