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Note moyenne : /5 (sur 0 notes)
Résumé :
Réalisation : Arlette Dave
Traduction : René Durand
Lecture par Jean Topart et présenté par Françoise Campo-Timal
« Retour aux sources » est une nouvelle extraite du recueil intitulé « Guerre du Temps et autres nouvelles », paru en 1979 chez Gallimard, écrit en 1956, traduit par René L. F. Durand, traducteur spécialiste de la littérature latino-américaine. Le recueil comprend, entre autres, des textes célèbres de Carpentier, tels que : Office de... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Retour aux sources est la nouvelle la plus fameuse d'Alejo Carpentier, le créateur du réalisme magique latino-américain. Elle a été écrite en 1944 et publiée en 1963 à la Havane. Dans cette nouvelle, le temps s'inverse littéralement.

Une grande maison coloniale est en démolition au premier chapitre. Un vieux « nègre » s'assoit dans le jardin sous une statue de Ceres délabrée et frappe le sol avec un bâton.
La maison se reconstruit, et Don Martial, Marquis de Capellanas, l'aristocrate mourant qui la possédait autrefois voit sa vie repartir à rebours : sa maladie disparaît, il récupère, se rétracte de la longue confession faite au prêtre sur son lit de mort. Sa maîtresse se lève, s'habille et quitte sa maison. Martial est déprimé par la vente de la maison. Il prend une maîtresse suite au décès de sa femme. La maison et son contenu rajeunissent. Etc etc. Sa vie est refondue, rembobinée comme un film rejoué à l'envers en 12 fuseaux , jusqu'à sa naissance, une époque où « il ne savait pas son nom », puis au-delà, jusqu'à une époque où « tout retourne à son état premier».
A la fin les ouvriers chargés de la démolition reviennent constater que la maison a disparu.

Il y a mille et une choses à découvrir dans cette nouvelle.
Alejo Carpentier était un musicien et un musicologue réputé. Son récit est construit savamment selon la récurrence ou forme rétrograde c'est-à dire lue de la dernière note à la première, avec des coups de tonnerre et des motifs répétés : la statue de Ceres (déesse de la fertilité et de l'agriculture), l'horloge, le miroir.
Les descriptions de la maison, des meubles qui s'agrandissent, des objets aux différents stade de la vie de Martial sont formidables : précises, foisonnantes, sensorielles, luxuriantes à mesure que la terre originelle reprend ses droits (voir citations).
La magie est déclenchée par le vieux « nègre » qui provoque la régression. Il est une sorte d'intercesseur entre le temps chronologique et le temps à rebours cyclique. Il réapparaîtra plus tard avec Melchor le cocher noir de la propriété et « mage » comme son nom l'indique, qui apprend tant de choses au jeune Martial en cachette du père détesté.
Suite à sa longue confession, on pense que Martial est un homme sans scrupules, on se demande s'il n'a pas tué la marquise mais à mesure qu'on déroule le film à rebours on révise notre jugement. Il devient en effet de plus en plus sympathique. Martial se dépouille de ses attributs colonialistes, des convenances, des tabous, il retrouve sa liberté, son innocence, sa vie est plus agréable, plus ludique, il devient plus joyeux, plus sauvage, plus animal et finit au-delà de sa naissance par fusionner avec la semence nourricière.
Retour aux sources figure dans l'excellente anthologie Histoires étranges et fantastiques d'Amérique latine, dans le recueil Guerre du Temps et autres nouvelles (folio) et je vous recommande chaudement l'écoute du podcast gratuit.
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Citations et extraits (2) Ajouter une citation
Les oiseaux revinrent à l'œuf en un tourbillon de plumes. Les poissons se figèrent en frai, déposant une neige d'écailles au fond du bassin. Les palmiers plièrent leurs feuilles, disparurent sous terre comme des éventails refermés. Les troncs absorbaient leurs feuilles et le sol tirait à lui tout ce qui lui avait appartenu. Le tonnerre retentissait dans les vérandas. Des poils poussaient sur le daim des gants. Les couvertures de laine se détissaient, arrondissant la toison de moutons éloignés. Les armoires, les secrétaires, les lits, les crucifix, les tables, les persiennes s'envolèrent dans la nuit, cherchant leurs anciennes racines au pied des forêts. Tout ce qui était cloué s'effondrait. Un brigantin, ancré on ne savait où, emporta en hâte vers l'Italie les marbres du dallage et de la fontaine. Les panoplies, les ferrures, les clés, les casseroles de cuivre, les mors des chevaux fondaient, grossissant un fleuve de métal que des galeries sans toit canalisaient vers la terre. Tout se métamorphosait, retournait à son état premier. La terre redevint terre, laissant un désert à la place de la maison.
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Lorsque les meubles grandirent un peu plus et que Martial sut mieux que personne ce qu'il y avait sous les lits, armoires et secrétaires, il cacha à tous un grand secret : la vie n'avait aucun charme hors la présence du cocher Melchor. Ni Dieu, ni son père, ni l'évêque doré des processions de Fête-Dieu n'étaient aussi importantes que Melchor.

Melchor venait de très loin. Il était petit-fils de princes vaincus. Il y avait dans son royaume des éléphants, des hippopotames, des tigres et des girafes. Là-bas les hommes ne travaillaient pas dans des pièces sombres, pleines de dossiers, comme don Abundio. Ils ne subsistaient que parce qu'ils étaient plus rusés que les animaux. L'un d'eux avait tiré le grand crocodile du lac bleu, en l'embrochant avec une pique dissimulée dans les corps étroitement serrés de douze oies rôties. Melchor savait des chansons faciles à apprendre, parce que les paroles n'avaient pas de sens et revenaient souvent. Il volait la nuit, par la porte des palefreniers, et une fois, il avait lapidé les gardes civils avant de disparaître dans les ténèbres de la rue de l'amertume.

Les jours de pluie, ses bottes étaient mises à sécher près du fourneau de la cuisine. Martial aurait voulu avoir des pieds capables de les chausser. La droite s'appelait Calambin. La gauche Calamban. Cet homme qui pour maîtriser les chevaux sauvages se contentait de leur fourrer deux doigts dans les naseaux ; ce maître d'élégance, cet aigle de l'étrier, qui exhibait de grands chapeaux hauts de forme, savait aussi apprécier la fraîcheur d'un dallage de marbre en été et cachait sous les meubles un fruit ou un gâteau raflé sur les plateaux destinés au Grand Salon. Martial et Melchor avaient en commun une secrète provision de dragées et d'amandes, qu'ils appelaient le uri, uri, ura, avec des éclats de rire entendus. Tous deux avaient exploré la maison de haut en bas et étaient les seuls à savoir qu'il existait sous les écuries un petit sous-sol plein de flacons hollandais et que, dans un grenier inutilisé, au-dessus des chambres de bonnes, douze papillons poussiéreux achevaient de perdre leurs aile dans un coffret de verre brisé.
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