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Critique de karineln


Les raisons pour lesquelles un roman vous enrobe sont tout à la fois indéfinissables et précises. Isabelle Carré, dans ce premier, nous raconte sa famille, son enfance, comment elle s'est construite dans un bric-à-brac familial d'âmes en peine, en lutte pour survivre, au combat pour la liberté d'être et la sauvegarde des rêves, des plus objectivables aux plus fous…
La fantaisie, si elle ne protège pas des dénis, des malentendus et des blessures, si elle ne sécurise pas toujours les enfants et camoufle grossièrement la détresse, exulte aussi des qualités humaines et créatrices en frayant un chemin aux possibles. Dans un flou de couleurs vives, un bazar joyeux et inventif, au milieu de repères familiaux éclatés et opposés, Isabelle Carré nous démontre dans ces lignes comment les carences et les renoncements étouffent, aliènent mais agitent aussi tout au long de l'existence pour expulser la pulsion vivante laquelle peut réussir à se faire entendre dans l'exaltation sensible des rêveurs.
Cette lecture n'a pas été un choc….Non ce fut plus doux, plus discret, si ténu que je n'ai pas vu venir l'étau qui se resserre autour de la gorge et du coeur, que je n'ai pas vu se coulisser les noeuds comme autant de connexions dans votre réseau interne. Ce livre a procédé à la façon d'un parfum, à la fois étranger et intime, une fragrance, une senteur envolée par le vent, laquelle console, intrigue et aussi réveille les souvenirs, les tendres et les incisifs.
En respectant le non-code du langage inconscient, en balayant le temps chronicisé et social, en déroulant un fil de soie hors des balises raisonnées mais au gré des souvenirs, des interrogations suscitées et des évidences enfin soulagées, Isabelle Carré se livre sous la forme d'un puzzle éparpillé, un rébus sans logique narrative mais où tout est à entendre comme un réel porteur de sens : un rêve. Non pas un monde rêvé, il ne s'agit pas là d'un enchantement, ni d'un beau. Elle nous charme en nous promenant dans ses réminiscences retrouvées et imaginées, elle écrit avec la langue propre au rêve, indéfinissable et précise, avec des trous, des non-réponses, des mystères au moyen d'images, de communs, de musiques, ce qu'il y a d'elle, des autres et donc de soi au détour d'une page. Je suis sortie de cette lecture comme on se réveille au petit matin d'une nuit pleine de songes, habitée, infusée : à la fois triste et moins seule, nostalgique et pleine d'espoir, touchée et amusée, irritée que mon centre ait été gratté, bousculée et reconnaissante de me sentir en vie d'avoir des rêves encore…
Ce méli-mélo de ressemblances et dissemblances entre l'auteur et moi m'a chahuté et est certainement pour beaucoup dans la réception percutante de ce premier roman. Mais c'est au-delà de la simplicité des mots, des phrases, c'est au-delà que ça se passe : dans la vérité d'un dire qui surgit dans cette écriture désarmante d'authenticité, désarmée de toute séduction, juste là, si honnêtement là pour le lecteur, à sa rencontre - « …j'écris pour qu'on me rencontre ».C'est dans l'au-delà d'une écriture épurée et légère, d'une histoire ni revendiquée ni défendue, parce que cela EST ; et parce que dans ce récit de vie, il y a passage de témoin d'une parole, d'une parole pleinement humaine, d'une singularité qui nous rappelle à soi.
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