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sur 1732 notes
Un livre qui suscite beaucoup de commentaires élogieux mais j'en suis sortie très déçue. le sujet était pourtant riche, c'est en quelque sorte une enquête historique sur la naissance du christianisme. L'action se passe entre les années 30 à 80 après JC.
Les héros sont essentiellement Paul et saint Luc.
Luc qui était Macédonien, qui n'a pas connu le Christ et qui était, selon les termes employés par l'auteur lui-même, le seul goy de la bande des quatre évangélistes.
On voit donc Paul frappé par une vision du Christ sur le chemin de Damas; ensuite on le voit aller à Jérusalem en compagnie de Luc, Luc qui "brode" ensuite beaucoup à partir des récits qu'il a reccueillis.
Un contexte philosophique intéressant aussi puisque Emmanuel Carrère nous montre qu'à cette époque, deux visions de la vie s'opposaient: la vision "d'Ulysse" (que Luc Ferry a si bien décrite) selon laquelle notre vie sur Terre est le bien le plus précieux et la vision chrétienne selon laquelle ce qui compte c'est le monde qui se situe au-delà de la mort.
Les données historiques sur Rome, les politiques des différents empereurs romains Tibère, Néron, Vespasien, Domitien, Titus.. sont très intéressantes mais auraient pu être approfondies davantage.
Bref je suis restée sur ma faim..
Je me suis perdue dans le labyrinthe des digressions avec la désagréable impression que le sujet traité servait surtout à mettre en valeur la vie de l'auteur et ses différentes productions.
De plus les parallèles que Carrère effectue entre la politique de l'époque et notre contexte international actuel m'ont semblé souvent mal venus: le sac de Jérusalem est comparé à l'écrasement de la Tchétchénie... sans compter les digressions sur des sujets qui n'ont a priori rien à voir.. cinq pages sur la pornographie sur Internet, quand même...
Bref, frustration et déception...
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Dernière page de ce livre refermée, le premier pour moi d'Emmanuel Carrère. Au moment de livrer ma critique, je mesure le fait que je vais sûrement réitérer un avis partagé par bon nombre de lecteurs avant moi : L'érudition, le sérieux du travail de recherche qui sous-tendent tout l'ouvrage, ce côté autobiographique entre confession et provocation, l'honnêteté intellectuelle de l'auteur..., sa mise en avant de son vécu de chrétien qu'il assume comme une étape de sa vie qui l'a construit et mené à ce qu'il est aujourd'hui, à ce « Royaume » également que je tenais encore à l'instant dans mes mains.
Si je ne devais pas redire toutes ces choses, je ne dirais que cela : Je ne me suis pas ennuyée une seconde à la lecture de cet ouvrage. J'ai appris beaucoup de choses sans sentir le poids de l'érudition d'un auteur qui se mettrait dans la peau du professeur sensé nous faire la leçon. J'ai aimé avoir cette impression qu'Emmanuel Carrère me livre ses recherches, ses tâtonnements, ses doutes comme si j'assistais au développement de ce récit, à sa genèse. Il m'informe, comme en aparté, de ce qui est convenu et admis dans les milieux autorisés à le faire et de ce qui ne l'est pas car tout droit sorti de son imagination. L'imagination pour habiller l'ignorance des évènements, des sentiments, car la fiction est plus belle et souvent pas moins vraie que la réalité, parce qu'il aime à penser que les choses se soient déroulées ainsi.

Certes le royaume est un phénomène littéraire (ce n'est pas moi qui le dit et personnellement c'est une étiquette qui me fait plus fuir que rappliquer) mais je l'ai lu avant tout comme une oeuvre singulière, celle d'une conscience athée emprunte d'une si belle spiritualité.
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Résumons : c'est l'histoire d'un guérisseur rural qui pratique des exorcismes et qu'on prend pour un sorcier. Il parle avec le diable, dans le désert. Sa famille voudrait le faire enfermer. Il s'entoure d'une bande de bras cassés qu'il terrifie par des prédictions aussi sinistres qu'énigmatiques et qui prennent tous la fuite quand il est arrêté. Son aventure qui a durée moins de trois ans, se termine par un procès à la sauvette et une exécution sordide, dans le découragement, l'abandon et l'effroi. » Deux mille ans plus tard on en parle encore.

Emmanuel Carrère utilise une nouvelle fois son héros de roman préféré, lui-même, pour nous raconter les débuts du christianisme. C'est en conteur, en historien, mais surtout en enquêteur méticuleux et scrupuleux qu'il marche sur les traces de Paul (celui du chemin de Damas…) et sur ceux de Luc qu'il considère comme le premier romancier. Carrère parle de lui, de sa crise de foi, il y a vingt ans il s'est cru chrétien et durant trois années, il fut un vrai bigot. Sa foi s'est envolée comme elle était venue, seule est resté la question : pourquoi deux mille ans plus tard on en parle encore ?

Sous la plume de Carrère les lettres de Paul et l'évangile de Luc deviennent de précieux documents historiques sur la vie des premières communautés chrétiennes et sur la vie quotidienne autour de la Méditerranée que Paul et Luc en bons prosélytes ont parcourue sans cesse dans le milieu du premier siècle. La vie de Paul est un péplum fait d'amitié, de trahison, de foule en délire et de Romains médusés de voir une bande de monothéiste s'entre déchirer.

Utilisant des anachronismes plutôt bienvenus, il compare le début du Christianisme à l'Union Soviétique après Lénine, le lecteur avance dans le premier siècle de notre ère en terrain presque connu.

Luc sera l'écrivain, le rapporteur peut être le plus fidèle car le moins exalté. Carrère s'écrit en train d'écrire, c'est sa marque de fabrique.

Deux mille ans plus tard, il relit les évangiles, les digère et les réécrit pour nous, et ce serait bien le diable que son récit devienne étouffe chrétien".
Lien : http://www.baz-art.org/archi..
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Emmanuel Carrère aura consacré sept ans de sa vie à l'écriture du "Royaume", un essai bien documenté qui entraîne le lecteur dans les eaux troublées et profondes du christianisme à sa source.

Sa fascination pour l'évangéliste Luc - le seul des quatre qui fut cultivé et lettré - l'incite à chausser les sandales de ce médecin hellénisé et à retracer sa possible biographie, de son cheminement avec Paul à la rédaction de son témoignage, le plus "scénarisé" et dramatique des quatre Évangiles canoniques. Aussi Emmanuel Carrère aborde-t-il Luc comme un écrivain plutôt que comme un messager, et c'est ce qui fait la diversité et la richesse du "Royaume".

En tant que catholique pratiquante, cet ouvrage avait de grandes chances de m'intéresser et tel fut le cas. Même si je regrette que l'auteur - indéniablement un grand érudit, de la "graine d'académicien" - ait parfois un peu facilement actionné les leviers de la provocation et de la complaisance, dans l'ensemble j'ai trouvé son oeuvre remarquable, et son style très avenant.

Son approche du thème est originale et reste accessible à tout lecteur. Après un démarrage assez nombriliste qui effraie quelque peu, le lecteur découvre petit à petit l'ampleur des recherches, et la structure du récit qu'Emmanuel Carrère a érigée à la manière d'un château de cartes qu'un souffle de vent peut renverser en un instant. Au-delà de la curiosité sincère qu'il confesse pour son sujet, il a entrepris avec courage d'expliquer l'inexplicable, de saisir l'impalpable et de mettre en pleine lumière le message de Jésus et sa transmission. Ce faisant, il renvoie chaque lecteur à l'examen introspectif de la part la plus secrète de son être : la spiritualité, au sens large.

"J'étais en train d'achever ce livre et j'en étais, ma foi, plutôt content. Je me disais : j'ai appris beaucoup de choses en l'écrivant, celui qui le lira en apprendra beaucoup aussi, et ces choses lui donneront à réfléchir : j'ai bien fait mon travail. En même temps, une arrière-pensée me tourmentait : celle d'être passé à côté de l'essentiel. Avec toute mon érudition, tout mon sérieux, tous mes scrupules, d'être complètement à côté de la plaque. Évidemment, le problème, quand on touche à ces questions-là, c'est que la seule façon de ne pas être à côté de la plaque serait de basculer du côté de la foi – or je ne le voulais pas, je ne le veux toujours pas."

Après plus de 600 pages d'un méticuleux travail d'exégète et d'historien, c'est par ces mots qu'Emmanuel Carrère - qui fut croyant et qui prétend ne plus l'être aujourd'hui - amorce sa conclusion, me confortant dans l'idée que tout au long de son essai il a eu le cul entre deux chaises, faisant tour à tour preuve d'audace et de pusillanimité pour reculer finalement devant le verdict final, se donnant pour cela pas mal d'excuses.

Ce qui gêne intimement l'auteur n'est rien de moins que ce qui gêne la plupart des personnes qui se pensent athées : le refus de la parole de Jésus qui indique la voie étroite, celle qu'aucun d'entre nous n'a envie ni de regarder ni d'emprunter : "aimez-vous les uns les autres", "aime ton prochain comme toi-même". Beaucoup de personnes (chrétiennes ou non) pensent déjà obéir à cette ligne de conduite mais il n'en est rien car la majorité aime ce qu'il est aisé d'aimer : parents, frères, amis. Quel mérite y a-t-il à aimer ceux qui t'aiment ? Quel mérite à aimer une femme jeune, jolie et en bonne santé ? Le véritable amour - le vrai trésor - est vérité et humilité : aime ton ennemi, aime le pauvre, le malade, l'étranger, l'handicapé, le réprouvé. "Là où est ton trésor, là est ton cœur".

Très loin d'être moi-même à la hauteur de cette consigne, j'ose toutefois souhaiter à mes amis comme à mes ennemis d'avoir la foi, la vraie, la forte, l'aimante, celle qui porte et déplace les montagnes, celle qui éclaire la vie, celle surtout qu'il est urgent d'arrêter de confondre par bêtise ou par ignorance avec la religion.


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Challenge ATOUT PRIX 2016 - 2017
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Encore une fois, Carrère fait du Carrère... si on aime ça, on aime le Royaume et si on déteste ça, on déteste le royaume ! Moi j'aime ça, profondément, ça me parle, ça m'amuse, ça m'émeut, ça m'intéresse.

Cette fois, c'est à la foi chrétienne qu'il s'attaque, à la fois la sienne propre pendant les quelques années où il l'a vécue, et celle des premiers chrétiens, notamment l'intransigeant Paul de Tarse et l'évangéliste conciliant Luc. Comme toujours, son récit est incroyablement documenté et très instructif, distinguant clairement ce qui relève de la vérité historique et ce qui relève de l'interprétation ou de l'invention.

Mais on ne serait pas chez Carrère si ça s'arrêtait là ! Il est bien le seul à pouvoir intercaler une description de vidéo porno dans une partie sur les évangiles sans paraitre irrévérencieux ou absurde. Pourquoi ? Parce qu'il fait sans arrêt preuve d'introspection, de lucidité et d'autodérision ; impossible pour moi dans ce contexte de lui tenir rigueur de son égocentrisme ou de sa mégalomanie.

Si le livre est brillant et passionnant, il peut aussi sembler difficile à aborder, car particulièrement touffu et dense. Je l'ai donc lu à petits coups, en revenant parfois en arrière, en m'arrêtant quand j'approchais l'overdose de miracles ou de sermons, en piochant parfois un chapitre, parfois 100 pages. Et je le relirai bientôt, c'est sûr.

Challenge PAL
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Que dire du "Royaume"? C'est un livre riche, très riche (un "péplum" comme son auteur le décrit lui-même). Beaucoup d'informations pour le moins variées, sur des thèmes parfois franchement opposés.

Alors c'est l'histoire du début du christianisme, quand Jésus est mort puis ressuscité, mais finalement plus là, et que ce sont ses disciples, ou même des gens qui ne l'ont pas connu de son vivant (Paul notamment) qui prêchent en son nom et établissent des églises un peu partout autour de la Méditerranée. Mais ce n'est pas que ça, c'est même loin d'être aussi simple.
C'est aussi une confidence sur ces quelques années durant lesquelles Emmanuel Carrère a cru. Il a été chrétien, il a passé des matinées à commenter dans des cahiers les Évangiles, il a fait baptiser son fils, et il s'est intéressé de manière approfondie aux mystères de chrétienté. Et en fait, ce livre vient de là, de cette période d'il y a vingt ans, qu'il avait préféré enfouir et oublier.
Mais c'est encore plus que ça, puisqu'Emmanuel Carrère n'est plus croyant aujourd'hui, et qu'il expose clairement dans son livre que sa démarche est avant tout celle d'un enquêteur soucieux de rétablir la vérité historique, plutôt que celle d'un croyant cherchant à convertir ses lecteurs. Il s'appuie notamment sur la démarche d'Ernest Renan et sa "Vie de Jésus" dans laquelle il essaye de rendre compte, en toute objectivité, de la vie de Jésus de Nazareth, en tant qu'homme plutôt qu'en tant que Messie. Ici finalement, c'est pareil, Emmanuel Carrère nous restitue les péripéthies de Luc, auteur d'un des quatre Evangiles qui sont la base même de la chrétienté, depuis sa rencontre avec Paul, jusqu'à sa décision de prendre la plume pour raconter tout ça, Jésus, le Temple de Jérusalem, la guerre de clans entre les premiers chrétiens, la propagation jusqu'à Rome, la traque organisée par Néron après l'incendie, le massacre des chrétiens puis des juifs, bref tout ce qu'on connait peu et mal, et qui finalement a permis à cette aberrante histoire de résurrection de devenir la religion la plus pratiquée dans le monde pendant des siècles et de perdurer aujourd'hui encore.

Mais tout cela ne vous donne pas mon avis sur le livre. Et là aussi c'est compliqué.
D'une manière générale, j'ai aimé ce livre, plus spécifiquement, j'ai préféré certains passages à d'autres. Emmanuel Carrère nous époustoufle par sa connaissance des textes bibliques, mais aussi des ouvrages qui gravitent autour de ces textes, et qui servent aussi de base à son roman. Il nous touche par la confiance qu'il nous accorde en nous dévoilant cette partie étrange de sa vie où il s'est mis à croire de manière compulsive en Dieu. Il nous fait réfléchir aussi, on nous présentant la vérité historique, et ses propres hypothèses, en nous montrant que notre monde est tel qu'il est aujourd'hui grâce (ou à cause) d'infimes détails, petits moments de l'histoire où tout aurait pu être interprété différemment, relaté différemment, où certaines actions auraient pu se dérouler d'une autre manière. Pourquoi a-t-on fait circuler le bruit d'une résurrection après avoir retrouvé le tombeau de Jésus vide? Et si les Romains avaient fait disparaitre le corps justement pour empêcher le développement d'un culte autour de cet homme, mort d'une manière atroce, condamné par Ponce Pilate, probablement sous l'influence du tribunal juif d'Israël? Tout reste bien sûr à l'état d'hypothèse, mais tout de même, ça fait réfléchir.
Mais par ailleurs, Emmanuel Carrère trouve un juste milieu, comme dans ses livres précédents, entre le récit informatif et l'autobiographie. Et finalement le mélange des deux est vraiment passionnant, puisqu'on retrouve dans ce récit d'une autre époque, d'un autre âge des références toutes contemporaines (notamment le parallèle entre la secte juive de l'époque et le Politburo soviétique). Et aussi parce qu'on assiste, au cours de ces 630 pages, à la progressive transformation de l'auteur, qui parvient finalement à être en accord avec cette période de sa vie où il a été si différent de lui-même et si versé dans la religion. Et c'est ça que j'ai finalement trouvé le plus beau, au-delà des considérations historiques, et des questionnements philosophiques et théologiques.

Un douzième Carrère qui ne déçoit pas.
Lien : https://theunamedbookshelf.w..
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Au début du livre, Emmanuel Carrère nous raconte sa conversion-déconversion à la foi catholique, et ce n'est pas que ce ne soit pas sympathique, mais son style absolument et platement ordinaire, tout à fait dénué d'élan spirituel, de petit grain de folie, de côté étonnant voire un peu délirant, ce n'est pas ce qui me semble le mieux coller à ce type de sujet. Il a presque le ton de quelqu'un qui raconte ses vacances, à peine dépaysantes - parce que c'est important de temps en temps de changer de cadre hein.
J'ai retrouvé ce penchant qui m'avait gêné aussi dans l'Adversaire, Emmanuel Carrère a du mal à assumer, que ce soit son intérêt pour Romand ou son adhésion temporaire à la foi catholique, il s'empêtre dans des fausses hontes, s'y étale avec une complaisance qui m'agace. Franchement, si là je me mettais à passer la moitié de ma critique à m'auto-flageller que vraiment je me trouve trop méchante avec Emmanuel, que c'est moi qui manque de sensibilité et d'empathie, que ce n'est pas de sa faute mais de la mienne si j'attends d'un écrivain plus de liberté à l'égard des jugements de ceux qui l'entourent, la capacité de ne pas s'y engluer, etc, ça ne vous saoulerait pas?
Quand il ne parle pas de lui, mais de Paul, de Luc, des premiers temps du christianisme, de l'écriture des Évangiles, c'est nettement plus intéressant. Pour le coup, Carrère sait mettre en relief le côté un peu fou de Paul. Et nous faire sourire, par des rapprochements sans doute pas très historico-corrects, mais en cela même plaisants, pour nous faire comprendre que Jacques, Pierre et Jean avaient toutes les bonnes raisons de se méfier de Paul (qui avait quand même bien persécuté les Chrétiens avant sa conversion) - hé, imaginez qu'un officier acharné dans la lutte anti-bolchevik aille trouver Staline et lui explique qu'ayant eu une révélation avec accès direct au plus pur marxisme-léninisme, le Politburo doit lui accorder les pleins pouvoirs...
Surtout, Carrère a bossé son sujet, c'est instructif tout en étant d'une lecture facile - même si c'est un peu longuet. Il me donnerait quand même presque envie de lire Renan, à le voir si passionné par la façon dont l'auteur de l'Histoire des origines du christianisme raconte «comment une petite secte juive, fondée par des pêcheurs illettrés, soudée par une croyance saugrenue sur laquelle aucune personne raisonnable n'aurait misé un sesterce, a en moins de trois siècles dévoré de l'intérieur l'Empire romain et, contre toute vraisemblance, perduré jusqu'à nos jours»
À la fin, quand l'auteur reparle de lui (Bon, évidemment, c'est Carrère, il n'avait jamais vraiment arrêté - disons plutôt quand il ne reparle que de lui), c'est beaucoup plus juste, plus fin, moins agaçant, comme si son étude lui avait permis de mieux assumer son côté cul-entre-deux-chaises, entre foi et athéisme.
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Partant d'une réflexion personnelle des plus naturelles, Emmanuel Carrère se demande comment aujourd'hui, à l'aube du XXIème siècle, les gens peuvent encore croire, malgré la suprématie des sciences et de la raison, à l'existence d'une divinité supérieure, omnisciente, qui aurait le pouvoir de châtier les mauvais et de récompenser les bons, leur ouvrant les portes de son Royaume pour l'éternité ?


Se basant sur sa propre expérience de chrétien, qui dura quelques années, pendant lesquelles il fut un pratiquant exemplaire, Emmanuel Carrère explore et enquête, avec une véritable curiosité, sur les différents aspects de la foi, comment elle se constitue et ce qu'elle procure. Une entrée en matière qui lui permet de pousser jusqu'aux fondements de cette croyance et de revenir ainsi sur les origines du christianisme.


A partir des évangiles de Paul et de Luc, ainsi que des nombreux textes et essais réalisés au fil des siècles, il reconstitue et imagine (souvent), les vies menées par les deux prophètes à un moment où la notion de christianisme était encore quasi inexistante et ne comptait que quelques adeptes. Il retrace leur quête, à partir de faits, d'anecdotes qui ont traversé les siècles, il imagine leur combat quotidien pour promouvoir un nouvel ordre du monde, Paul le tempétueux, le passionné et Luc, le discret, qui observe et conserve par écrit le changement des mentalités.


A quel point ce que l'on peut lire dans les évangiles tient-il de la fiction, d'une réalité enjolivée afin de mieux servir un message ? Dans « le Royaume », Emmanuel Carrère ne cherche pas à trancher sur la véracité de tel ou tel évènement, mais à nous interpeller sur les étapes qui ont permis de promulguer et de consolider le christianisme jusqu'à en faire l'un des mouvements religieux majeurs des deux derniers millénaires. Tout est dans la subjectivité et l'interprétation, de fait, l'omniprésence du « je » peut parfois agacer… L'auteur rapporte tout à son propre vécu et à sa perception, nous offrant son point de vue sur plus de 600 pages… Si le sujet s'avère réellement passionnant et l'écriture parfaitement limpide et agréable, j'aurais néanmoins apprécié de sentir moins la présence de l'auteur derrière chaque pages… « le Royaume » s'apparente donc davantage à un essai, une introspection plutôt qu'à un roman, et s'avère très enrichissant quand on a, comme c'est mon cas, de grosses lacunes quand il est question de religion !
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Emmanuel Carrère a traversé des périodes très sombres. Lors d'une de ces phases dépressives, il a été chrétien, cette foi a duré trois ans. Il en témoigne ici, tout en présentant l'histoire des débuts de la chrétienté, évoquant le travail d'évangélisation mené par Luc et Paul en particulier.

J'apprécie et admire Emmanuel Carrère pour son intelligence, sa sensibilité et ses talents de conteur. 'La classe de neige' et 'D'autres vies que la mienne' m'ont bouleversée. 'L'Adversaire' m'a secouée.
Je me suis ennuyée et agacée en revanche dans ce 'Royaume', récit surchargé de détails. Des considérations pointues, trop précises, sur une poignée d'acteurs de l'émergence du christianisme. L'histoire des religions m'intéresse, mais quelques années de caté ne m'ont pas préparée à creuser autant la question, ne m'ont pas donné envie d'en savoir autant ou pas de cette façon, avec un tel souci du détail.
Emmanuel Carrère est excessivement nombriliste, il a l'honnêteté de le dire, ce qui le rend aussi touchant qu'agaçant, et semble l'autoriser, hélas, à y aller à la louche ici.
J'ai donc tourné en rond autour d'Emmanuel et de Luc dans ce pavé qui m'a davantage fait penser à un recueil de notes d'historien qu'à un ouvrage destiné à être publié.

Une lecture bien fastidieuse que j'ai finalement abandonnée cent cinquante pages avant la fin.
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Sacré pavé pour une sacrée histoire, à défaut d'être une histoire sacrée!

Pour déboulonner un mythe et par la même occasion brûler ce qu'il a adoré, Emmanuel Carrère prend son temps et raconte comme on pense, mêlant doutes et certitudes (ces dernières appartenant à sa propre histoire : il laisse les doutes planer sur l'honnêteté des historiens et des hagiographes). Il résume en une phrase sa démarche « historique, romanesque, agnostique ».

Des histoires de Jésus, il en existe des légions (et pas uniquement romaines) : toutes construites sur les témoignages indirects, et quand on connaît la subjectivité des interprétations et des bévues même de la part de personnes qui ont assisté à un événement, on se doute bien qu'il faut être méfiant en ce qui concerne l'authenticité de faits rapportés : bonne ou mauvaise foi (!) des rapporteurs, perte des premiers écrits (eux aussi indirects), erreurs de transcription ou d'interprétation (sans oublier que les apôtres du messie étaient presque tous illettrés et les chargés de com ont du faire appel aux scribes ) : tout cela rend bien aléatoire la vérité historique des textes qui font référence pour les catholiques. et cela importe peu, car lorsque l'on est capable d'admettre la vraisemblance des postulats fondateurs de la religion chrétienne (résurrection et immaculée conception, cette dernière étant un scénario de l'Eglise, et en aucun cas une revendication de Jésus), la véracité historique des textes n'a qu'un importance secondaire.

L'originalité de cette recherche des origines d'une religion qui concerne à peu près un quart de la population de la planète, est liée aux raisons de cette quête, issue d'une foi perdue, une vraie foi sans réserve, qui conduit un individu à consacrer toute son énergie, aux dépens de son entourage ou de son travail. Cela évoque bien entendu un embrigadement sectaire, même si les gourous qui ont oeuvré avec succès, qu'ils se nomment Paul ou Luc, ont depuis longtemps disparu et ne survivent que par des écrits d'origine contestée. le christianisme, une secte qui a réussi : le rôle d'Augustin n'est pas ici évoqué, alors que l'explosion et la dissémination de la religion sont largement liées à l'énergie de ce dernier, qui de plus a bénéficié de soutien politique efficace.

En ce qui concerne l'écriture, le charme du conteur oeuvre ici encore. On retrouve le rythme et la mélodie de Limonov, qui avaient fait de ce triste personnage le héros d'un conte moderne. Ici encore, la prose séduit, en partie par son ancrage contemporain.

Ce livre changera -il la face du monde? A voir…..

Merci à Price minister pour cette participation aux matchs de la rentrée littéraire 2014

Lien : http://kittylamouette.blogsp..
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