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EAN : 9782818056066
368 pages
P.O.L. (01/09/2022)
4.49/5   1088 notes
Résumé :
Le procès fleuve des attentats du 13 Novembre 2015, qui ont fait 130 morts et 350 blessés à Saint-Denis et à Paris, s'est tenu entre septembre 2021 et juin 2022. Pendant dix mois, plus de 300 témoins ont été entendus, dont des rescapés de cette nuit d'horreur. Les 20 accusés ont été jugés. Parmi eux, Salah Abdeslam, le seul survivant des commandos de l'organisation du groupe État islamique, commanditaire de ces attaques. Emmanuel Carrère a assisté à l'intégralité du... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (168) Voir plus Ajouter une critique
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« Le mal imaginaire est romantique, romanesque, varié ; le mal réel est morne, désertique, ennuyeux. le bien imaginaire est ennuyeux ; le bien réel est toujours nouveau, merveilleux, enivrant. »

Simone Weil

J'avais déjà eu l'occasion d'apprécier la lucidité, le courage, l'humanité et l'humour d'Emmanuel Carrère dans « D'autres vies que la mienne » et dans « Yoga », mais là, je l'ai trouvé incomparable. Je n'ai cessé de me dire, tout au long de la lecture passionnante, bouleversante, éclairante, et aussi férocement drôle des chroniques judiciaires qu'il a tenues durant les dix mois du procès des attentats du 13 novembre 2015, qu'aucun autre que lui n'aurait pu le faire aussi bien. Avec autant d'abnégation et de rigueur, dans sa quête constante du mot juste, dans sa restitution sur le fil de l'émotion, toujours à la bonne distance, ni trop près, ni trop loin, avec ses doutes innombrables et parfois avec ses certitudes, ou plutôt, non, pas ses certitudes, ses convictions. Emmanuel Carrère a des convictions, qu'il n'impose pas, il a surtout énormément de doutes et des questions, qu'il sait partager, et, parce que c'est un homme qui a longuement expérimenté la souffrance, une souffrance psychique inouïe dont il a fait le matériau de quelques uns de ses plus beaux livres, il a développé une sensibilité à l'égard d'autrui tout à fait exceptionnelle. Nullement enfermé dans une bulle auto-centrée comme certains lecteurs le lui ont parfois reproché, il comprend remarquablement bien l'âme humaine, et nous la donne à voir, sans concession et sans jugement, toute nue, dépourvue de ses artifices, dans toute sa misère et dans toute sa beauté.

Un procès, c'est comme une pièce de théâtre en trois actes, en beaucoup plus long et, en dépit de la charge émotionnelle indéniable d'un procès comme celui-ci, en beaucoup plus ennuyeux, car il y a des redites, beaucoup de redites, des silences interminables, des points de procédure fastidieux, des incidents pénibles. Il faut donc être sacrément motivé et terriblement endurant pour suivre un tel marathon judiciaire durant dix mois, deux qualités dont Emmanuel Carrère ne manque manifestement pas.
Mais un procès, ce sont aussi des moments d'une intensité rare, un suspens parfois haletant, et c'est une formidable entreprise de dévoilement. On y vérifie plus souvent qu'à son tour la phrase de l'écrivain et dramaturge britannique Harold Pinter : « Une chose n'est pas nécessairement vraie ou fausse; elle peut être tout à la fois vraie et fausse. » le problème, c'est qu'à l'issue du procès, il faut rendre un jugement, autrement dit il faut trancher. Et selon qu'on privilégie telle ou telle interprétation des faits, l'accusé sera condamné à une peine plus ou moins lourde, ou acquitté.

Acte I - Les parties civiles.
Les attentats du 13 novembre, c'est 130 morts, un de plus si l'on y ajoute un jeune homme qui a mis deux ans et six jours à devenir le cent trente et unième après s'être pendu dans sa chambre d'hôpital.
Le V13, c'est 2.400 parties civiles, 300 témoins, parents des victimes, rescapés, dont certains irrémédiablement marqués dans leur corps et, bien sûr, tous marqués à vie dans leur tête. Parmi les rescapés, on a des personnes qui ne se pardonnent pas d'en avoir piétiné d'autres pour tenter de sauver leur peau, d'autres qui se sont conduit avec un courage ou un altruisme dont ils ne se savaient pas capables, et on a Guillaume.
Guillaume est cet homme qui, depuis la fosse du Bataclan, échange un long regard avec Samy Amimour qui, depuis la scène, tire sur tout ce qui bouge, soupire, exhale, proteste, gémit à ses pieds. Dans cet échange de regard, le terroriste lui fait comprendre qu'il ne le tuera pas, du moins pas pour l'instant : « Toi, tu es avec nous. Lève-toi.» À la question, bien légitime, qu'on se pose tous : « Pourquoi le terroriste l'épargne, lui et lui seul ? », Guillaume répond : « C'est peut-être parce qu'il n'a pas croisé beaucoup de regards ce soir-là. » Et cela m'a immédiatement renvoyée à un autre témoignage, celui de Sigolène Vinson, et à d'autres attentats, ceux de Charlie Hebdo onze mois plus tôt. le témoignage de Sigolène m'a profondément marquée, à l'époque, et j'ai conservé précieusement l'article du journal le Monde (14/01/2015) dans lequel il est consigné. Elle aussi a eu un long, un très long échange de regards avec Saïd Kouachi. Son frère et lui venaient de commettre un massacre dans la pièce d'à côté, il la débusqua, cachée derrière un parapet, et la mit en joue. Vêtu comme un type du GIGN, en noir des pieds à la tête et cagoulé, elle ne voyait que ses yeux. « Je l'ai regardé. Il avait de grands yeux noirs, un regard très doux. » Elle a accroché son regard au sien et ne l'a plus quitté des yeux jusqu'à ce qu'il s'en aille.

Acte II - Les accusés.
Le V13, c'est 14 accusés, tous des seconds couteaux, les neuf tueurs étant morts en actionnant leur ceinture d'explosifs, arrosant les alentours de chair humaine et de boulons mutilants.
Si la parole, particulièrement riche et abondante, des témoins est ce qui a caractérisé l'acte I, c'est le silence qui prédomine dans l'acte II. Sur les 14 accusés, sept sont des gros poissons en ce sens qu'ils risquent très gros, la peine maximale, et ce sont eux qui refusent de parler. Sur les sept, trois ont participé aux attentats en qualité de logisticiens. La question de savoir s'ils étaient prévus pour tuer est ouverte. Salah Abdeslam était prévu, mais il ne l'a pas fait, soit que sa ceinture d'explosifs n'ait pas fonctionné, soit qu'il ne l'ait pas actionné. Il y a également quatre combattants aguerris de Daech qui eux non plus n'ont pas tué, du moins pas dans le cadre des attentats du 13 novembre. Les sept gros poissons dans le box refusent de parler au motif que ça ne sert à rien de toute façon. Leur sort est scellé, ce en quoi il n'ont pas tout à fait tort.
Mais un jour, contre toute attente, Sofien Ayari, l'un des quatre combattants aguerris de l'État islamique, dit qu'il veut parler parce qu'il le doit, dit-il « « à cette femme qui a perdu sa fille à une terrasse et qui m'a fait penser à ma mère. Elle a dit qu'on aurait pu être ses enfants, des petits anges qu'elle aurait tenus par la main pour les emmener à l'école. Elle a demandé : “Qu'est-ce qui a pu se passer pour que ces petits enfants deviennent comme ça ?” Je ne peux pas lui ramener sa fille. Je ne peux pas la rendre heureuse. Mais je peux essayer de lui répondre. Je lui dois ça. »
Et Sofien Ayari parle six heures durant. Son parcours, je le résume : jeune tunisien bien éduqué, printemps arabe 2011, espoirs immenses, immenses déceptions, départ pour la Syrie « pour des raisons plus politiques que religieuses ».
Cette femme à qui il parle et qui pourrait être sa mère, c'est Nadia Mondeguer qui a perdu sa fille dans les attentats, fauchée par une rafale de kalachnikov, puis son mari six ans plus tard, fauché par la maladie et le chagrin. Cette femme « chaleureuse, affectueuse à l'humour sauvage et désespéré, tout le monde aimerait l'avoir comme mère » confesse Carrère. Nadia, à la fin des six heures d'audience a dit : « J'ai trouvé la forme excellente, la pensée rigoureuse : j'ai adoré. »

Acte III - La cour.
Le V13, c'est un Président et quatre magistrates assesseures qui rendront leur verdict à l'issue des neuf mois du procès. Il n'y a pas de jury populaire dans un procès pour terrorisme par peur des représailles. le V13, c'est trois avocats généraux, une femme et deux hommes, pour l'accusation, c'est 350 avocats de parties civiles, et une trentaine d'avocats de la défense. Ceux-là, Emmanuel Carrère les appelle « les chevaliers du pénal » car il faut en effet avoir le droit chevillé au corps pour défendre des types que tout le monde préfèrerait voir morts. Comme l'explique l'un d'eux, il est essentiel de distinguer le type et l'acte. Ce qu'ils défendent, ce n'est évidemment pas la pédophilie ou le terrorisme, ce qu'ils défendent, c'est un pédophile ou un terroriste.

« L'amour du méchant n'est pas l'amour de sa méchanceté, ce serait une perversité diabolique. C'est seulement l'amour de l'homme lui-même, de l'homme le plus difficile à aimer. »

Vladimir Jankélévitch
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Collaborant à l'époque (et toujours d'ailleurs) pour un journal départemental en tant que pigiste (j'y faisais alors mes débuts en 2015), l'une ds journalistes m'avait demandé d'aller sur place lors du retour des familles qui avaient assisté au match se déroulant au stade de France ce soir-là, ce fameux vendredi 13 novembre 2015 où de nombreuses vies ont été changées à jamais. Ayant simplement pu interviewer l'un des pompiers présents sur place, je m'étais juré "plus jamais ça", non, je voulais bien me consacrer à des sujets légers, culturels mais plus jamais cela, tant ce bref échange de paroles m'avait bouleversé et je me disais alors "mais qu'est-ce que je fais là, n'est-ce pas du voyeurisme malsain ?" Et pourtant, il fallait que ces voix soient entendues et toujours aujourd'hui et c'est la raison pour laquelle (enfin l'une des raisons devrais-je préciser) je tenais absolument à lire ce livre, pour entendre les paroles des parties civile mais aussi celle des accusés encore et encore, afin que l'on n'oublie pas et que l'on se répète : NON, PLUS JAMAIS CA ! J'admire le courafe d'Emmanuel Carrère et de tous les journalistes présents durant ces près de dix mois de procès, j'admire les avocats (quels qu'ils soient et les victimes qui, six ans après, ont dû se replonger dans cette nuit de l'angoisse et de la mort !

Ici, Emmanuelle Carrère ne fait pas un pathos sur tous les mots - horribles - qui ont été prononcés par les victimes, non il leur rend hommage tout simplement, tout comme il n'accuse pas de front les accusé, il fait un simple état des faits et là, encore je ne peux qu'apprécier la verbe de ce grand journaliste, romancier et tant d'autres encore qu'est Emmanuel Carrère. Lui qui a couvert, durant tout le procès, quelques 8 000 signes grand maximum pour le journal le Nouvel Obs (et je sais combien c'est compliqué de se limiter à un nombre de caractères imposés alors que l'on voudrait dire tellement plus) tous les luundis du mois, ici, il en reprend l'essentiel mais se permet enfin de pouvoir en dire plus et en citant certains noms des parties civiles, il leur redonne vie (elles qui ont perdu soit un proche soit se sont retrouvés handicapées ou démolies moralement pour le reste de leurs vies lors de ce vendredi soir, soit en étant au Bataclan pour ce qui devait être une sortie entre amis pour un concert de rock, soit en prenant un verre avec d'autres amis installés à une terrasse d'un café), soit en allant assister à un match de foot puisqu'il y a tout de même eu une victime que l'on a tendance à trop oublier au stade de France (ce qui porte le nombre à 131 morts ces soir-là). Pour tous ceux-là, je me devais de lire cet ouvrage et ne peux que vous encourager à faire de même !

Certes, c'est une lecture dont on ne peut pas sortir indemne (et c'est la raison pour laquelle j'ai lu cet ouvrage par petites séquences et non pas d'une seule traite) mais c'est un livre-témoignage d'une grande force, extrêmement bien écrit et qu'il faut, selon moi, absolument lire ! Je ne vous cache cependant pas que ma prochaine lecture va s'avérer être beaucoup plus légère (j'en ai vraiment besoin) et si l'on ne peut pas pardonner, l'on peut au moins essayer de comprendre et c'est déjà énorme !
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V13 comme Vendredi 13, ce Vendredi 13 Novembre 2015, ce doux soir d'automne, la nuit, la vie promettait d'être belle pour ces jeunes gens attablés en terrasse à La Belle Équipe, au Carillon, au Petit Cambodge, qui se pressaient d'aller à un concert de rock au Bataclan, un match de foot au Stade de France, …
Cette soirée qui s'annonçait comme une belle soirée festive pour la jeunesse parisienne a soudain basculé dans l'horreur d'une série d'attentats simultanés qui ont meurtri à tout jamais, les corps, les âmes, notre croyance d'être en paix, en sécurité en France.
Emmanuel Carrère se lance dans une entreprise un peu folle, il décide de chroniquer dans l'Obs le procès. Un procès qui va durer neuf mois, et il va y assister chaque jour, à ce procès hors-norme, 1800 parties civiles, 350 avocats, 131 victimes, une salle construire exprès pour accueillir la foule au cout de 3 millions d'euros pour le contribuable …
Emmanuel Carrère sait nous plonger dans l'ambiance de ce tribunal si particulier, et grâce à ce livre j'ai eu l'impression d'y assister à ses côtés.
Le livre est partagé en trois parties, la première est incontestablement la plus poignante, elle est dédiée aux victimes, la deuxième aux accusés (dont bien sûr Salah Abdeslam) et la troisième à la Cour.
Le récit des victimes est terrible, des frissons m'ont parcourue, j'ai été au bord de la nausée face à certains détails ; il est absolument impossible de refermer le livre pendant cette partie (sauf pour reprendre son souffle et se rassurer en se disant qu'un dingue ne va pas surgir, là devant vous tout de suite, armé d'une kalachnikov pour tirer sur tout ce qui bouge). Les émotions submergent face à ces témoignages de victimes et de familles de victimes, leurs angoisses, leurs séquelles, ceux qui s'en sortent et ceux qui ne s'en sortent pas.
Est-ce du fait de la puissance des témoignages des victimes, j'ai trouvé les chapitres consacrés aux accusés moins intéressants, avec des longueurs, je me suis un peu perdue entre tous leurs noms. J'ai regagné en attention pour les derniers chapitres consacrés aux avocats qui permettent à l'auteur de faire part d'avis juridiques très intéressants sur ce procès.
Au-delà des faits bruts relatés avec beaucoup de force et simplicité, Emmanuel Carrère se détache parfois du sujet pour pousser un peu plus loin la réflexion sur les motivations des terroristes, les peines qu'ils méritent, la notion de justice.
Cette lecture édifiante, épouvante mais fort enrichissante permet d'en découvrir plus sur ce procès historique. Je me suis posé la question du voyeurisme avant d'ouvrir le livre. Je le referme rassérénée, ce livre est avant tout une leçon d'humanité, un message d'espoir, une façon de ne pas oublier ceux qui sont morts, et aussi une volonté de voir dans les hommes, tous les hommes, même les accusés, une humanité, et une volonté, si ce n'est de leur pardonner ou de les excuser mais au moins de les comprendre, de ne pas laisser la haine prendre le pouvoir. Un pari relevé haut la main par Emmanuel Carrère (avec en plus le tour de force d'arriver à subtilement apporter de petites touches d'humour au fil de ce récit si sombre).
Plusieurs jours après cette chronique, j'ai commencé à noter les citations que j'avais relevées pendant ma lecture. Je me suis alors rendu compte que de nombreux passages marquants m'étaient restés en mémoire et que je ne les avais pas notés. Alors, chose que je ne fais jamais d'habitude, j'ai repris le livre, retrouvé les passages. Les relire m'a provoqué la même émotion que lors de la première lecture ; compassion, révolte, dégout, découragement, espoir. Ce livre, c'est sûr, je ne pourrais pas l'oublier. Merci, M. Carrère …
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À vrai dire, je n'avais pas très envie de lire la chronique judiciaire d'Emmanuel Carrère du procès des attentats du 13 novembre 2015.
Toute cette souffrance exprimée par les victimes directes ou collatérales m'effrayait.

Et de fait Emmanuel Carrère sans pathos, ni superficialité — qui aurait été indécente au regard de ce qu'ont vécu et vivent encore les victimes d'islamistes aussi déterminés que jusqu'au boutiste — raconte quelque chose d'effrayant.

Mais pas seulement.

Car il dit aussi comment dans des situations extrêmes certains peuvent se révéler extraordinairement courageux, alors qu'au bord du gouffre ils viennent au secours d'inconnus. Et, ce qui peut surprendre, comment des parents de victimes trouvent la force d'échanger avec des parents, également endeuillés, de terroristes.

Et puis, il y a le portrait de ces jeunes à qui on a fait croire ou qui s'imaginent, ou pas d'ailleurs les motivations étant multiples et souvent aussi peu religieuses que possible, qu'ils vont bâtir un monde qui leur sera plus favorable en détruisant (et même en se détruisant) des ennemis qui n'en sont pas.

Pour conclure, on pourrait dire que V 13 est le reflet d'une humanité lamentable et effrayante, autant que celui d'une humanité formidablement porteuse d'espoir en l'homme, dont il fallait au moins le talent et la sensibilité d'Emmanuel Carrère pour la faire émerger de tant de malheur.
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En ce 8 septembre 2021, Emmanuel Carrère, parce qu'il a proposé à L'Obs cette chronique au long court, franchit, comme des centaines d'autres (avocats, journalistes ou victimes), pour la première fois ces portiques de sécurité de la salle des pas perdus du Palais de justice de Paris. Des visages qui, au fil des neuf mois prévus, deviendront familiers, d'autres des amis.
Si plusieurs raisons l'ont poussé à couvrir cet événement, notamment le fait que ce procès est inédit et qu'il s'intéresse à la religion, l'essentielle est qu'il veut écouter les paroles de ceux qui ont vécu ou survécu à cette terrible nuit du 13 novembre 2015.
Chaque semaine paraît alors dans L'Obs le compte-rendu des audiences, durant lesquelles ont comparu 14 accusés, complices à des degrés divers, et se seront succédé des centaines de victimes, proches de victimes, témoins, policiers...

Cette chronique judiciaire se compose de trois parties : Les victimes, Les accusés, La cour. Dans la première, Emmanuel Carrère décrit une partie de certains témoignages, puisqu'il a bien fallu en choisir seulement quelques-uns sur les centaines. Marquants, comme beaucoup. Terribles. La deuxième donne la parole aux accusés. Des mois avant (voire des années) l'attentat jusqu'au jour fatidique, il déroule le fil des événements afin de comprendre comment chacun a pu se retrouver sur ces bancs (foi, radicalisation, départ vers la Syrie...). Enfin, la troisième est consacrée aux avocats.
Avec beaucoup de sensibilité et d'humanisme, l'auteur décrit les récits des victimes, les blessures, la difficile reconstruction, la résilience ou la colère parfois, l'impossible pardon mais aussi le monde judiciaire, la menace djihadiste toujours présente.
Outre cette immersion parfaite, glaçante et émouvante, certes, mais aussi passionnante et instructive, l'auteur, sans (essayer de) prendre parti et sans jamais verser dans le larmoyant, questionne sur les forces et faiblesses de la justice, sur la place du pardon, sur les raisons qui poussent certains hommes à commettre l'horreur...
Un témoignage édifiant, vibrant, unique en son genre...
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critiques presse (3)
Telerama
26 mars 2024
Cet ouvrage, V13, rassemble et augmente ces chroniques, et s’offre à lire comme une éclairante, une essentielle mise à plat.
Lire la critique sur le site : Telerama
LaCroix
30 août 2022
Un ouvrage qui restitue la force émotionnelle de l’audience.
Lire la critique sur le site : LaCroix
Bibliobs
29 août 2022
L’écrivain a suivi pour « l’Obs » les audiences historiques du procès du 13-Novembre qui se sont tenues à Paris. Il en a tiré un livre passionnant, qui paraît chez P.O.L et dont voici la postface signée par Grégoire Leménager, directeur adjoint de notre rédaction.
Lire la critique sur le site : Bibliobs
Citations et extraits (101) Voir plus Ajouter une citation
Ce ne sont pas des faits qui s'énumèrent et s'épuisent, mais des voix qui se déploient, et toutes - enfin presque toutes - sonnent juste. Presque toutes ont l'accent de la vérité. C'est ce qui fait que cette longue séquence de témoignages n'est pas seulement terrible mais magnifique, et ce n'est pas par curiosité morbide que nous qui suivons le procès ne changerions nos places pour rien au monde ni n'envisageons calmement la perspective d'en rater une journée. J'ai lu, entendu dire et quelquefois pensé que nous vivons dans une société victimaire, qui entretient une confusion complaisante entre les statuts de victimes et de héros. Peut-être, mais une grande partie des victimes que nous écoutons jour après jour me paraissent bel et bien des héros. À cause du courage qu'il leur a fallu pour se reconstruire, de leur façon d'habiter cette expérience, de la puissance du lien qui nous unit aux morts et aux vivants. Je me rends compte en relisant ces lignes qu'elles sont empathiques, mais je ne sais pas comment le dire moins emphatiquement : ces jeunes gens, puisque presque tous sont jeunes, qui se succèdent à la barre, on leur voit l’âme. On en est reconnaissant, épouvanté, grandi. (p.55-56)
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Il faut l’avouer : les gens qui ont le goût des procès, chroniqueurs judiciaires de métier ou d’occasion comme moi, ce sont les coupables qui les fascinent, plus que les victimes. Les victimes, on les plaint, mais ce sont les coupables dont on cherche à comprendre la personnalité. Ce sont leurs vies qu’on scrute pour repérer l’accroc, le point mystérieux où ils ont bifurqué vers le crime. Au V13, c’est le contraire. Les cinq semaines de témoignages des parties civiles nous ont bouleversés, dévastés, et presque quatre mois plus tard ce qui remonte ce sont leurs visages mis à nu par la tragédie. Les accusés, après ça ? On pensait que ce serait passionnant, leurs interrogatoires, en réalité ça ne l’est pas vraiment parce qu'ils n’ont rien à dire. Enfin, rien... C'est bête de dire rien, ça veut surtout dire qu'on n'a pas su écouter. Pas cherché à comprendre. Oublié le grand précepte de Spinoza : ne pas juger, ne pas déplorer, ne pas s'indigner, seulement comprendre. (La position inverse a été défendue par notre Premier Ministre de l'époque, Manuel Valls, en ces termes vertueusement outrés : « Comprendre, c'est déjà excuser. » Je ne suis pas d'accord avec Manuel Valls.)
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Parmi les choses que projette une ceinture explosive, il y a des écrous, et un de ces écrous s'est incrusté dans la joue de Marylin. Elle aurait pu être défigurée, elle ne l'a pas été. On peut dire qu'elle s'en est bien tirée mais non : la fille joyeuse qu'elle a été n'existe plus. Cette fille qui dansait, riait et traversait l'Europe sac au dos, cette fille dans la peau de qui elle aimait vivre, elle en parle comme d'un fantôme. Le poste dont elle rêvait, qu'elle venait d'obtenir, on l'en a licenciée. Son couple s'est défait. Elle est retournée vivre chez ses parents, d'une vie rapetissée. Elle est maintenant chômeuse, insomniaque, apeurée, sursaute au moindre bruit, où qu'elle soit cherche la sortie de secours, et ce qu'elle a vécu, en plus, tout le monde s'en fout. Ah bon, tu as été victime des attentats ? Tu étais au Bataclan ? Non ? Sur les terrasses, alors ? Non ? Au Stade de France ? Il y a eu un attentat au Stade de France ? Ah, je ne savais pas. Pour être sûre de se rappeler ce que tout le monde oublie, Marylin porte toujours sur elle, dans un petit tube en plastique, l'écrou de 18 mm qu'on a extrait de sa joue. Elle le sort de son sac, ce tube, devant la Cour. Elle dit : « Je veux bien vous le montrer, mais je le garde. » Elle le remet dans son sac et elle repart avec, et 250 autres témoignages vont déferler après et écraser le sien, mais quand même, Marylin qui s'éloigne, seule, gracieuse, et triste, tellement triste avec son écrou dans son tube, je ne l'oublierai pas.
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Même leurs défenseurs reconnaissent que Mohamed Usman et Adel Haddadi auraient dû participer aux attentats. Même le ministère public reconnaît qu’ils n’y ont pas participé. Arrêtés dans l’île de Kos, ils ont été retardés dans leur voyage. Le 13 novembre, ils auraient dû être à Paris, ils étaient en Slovénie. En justice normale, c’est ce qu’on appelle un alibi en béton, qui conduit à l’acquittement même si on avait de très mauvaises intentions. En justice antiterroriste, non, l’intention suffit et les deux hommes encourent 20 ans de prison. On n’est pas loin de Minority Report, le film de Spielberg d’après une nouvelle de Philip K. Dick, où on arrête les gens avant qu’ils aient commis le crime qu’un logiciel prévoit qu’ils commettront. C’est totalement contraire au droit mais, dans ce cas particulier, presque unanimement accepté. Pourquoi dans ce cas seulement ? Il y a d’autres crimes horribles et, comme l’a remarqué Ménya Arab-Tigrine, avocate d’Ali El Haddad Asufi, on n’en est pas encore à arrêter préventivement comme pédophile tout homme portant une soutane.
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Ce ne serait pas non plus servir justice et vérité de nier que les conditions de détention de Salah Abdeslam sont très dures. Six ans à l'isolement, c'est très dur. Olivia Ronen l'a dit avec véhémence dès la première audience. […] Je l'écoutais, j'étais d'accord avec elle, en même temps je pensais à ce mail qu'à reçu Franck Berton, le précédent avocat d’Abdeslam, pour avoir dénoncé la surveillance vidéo dont son client est l'objet, 24 heures sur 24 :
« Maître
Depuis sa soirée au Bataclan, ma belle-fille est aussi sur surveillance vidéo, 24 heures sur 24, à l'hôpital.
Cette situation ne la perturbe pas car elle est dans un coma profond.
Elle ne perturbe pas non plus mon fils, qui repose au cimetière.
Je respecte votre travail et vos convictions mais il y a des limites face aux gens qui souffrent. » (p.33)
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Retrouvez l'intégralité de l'interview ci-dessous : https://www.france.tv/france-5/la-grande-librairie/


Giuliano da Empoli est notre dernier invité. On se souvient, un an après, de son premier roman "Le mage du Kremlin", qui sortira en poche au mois de janvier et qui ne cesse de résonner avec l'actualité. le livre sera bientôt adapté au cinéma par Olivier Assayas et ce n'est autre qu'Emmanuel Carrère qui travaille à son scénario. Emmanuel Carrère et Giuliano da Empoli se retrouvent sur le plateau de la Grande Librairie pour nous parler de cette adaptation, mais aussi de la manière dont ils racontent la Russie à notre époque.
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