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EAN : 9782259209755
322 pages
Plon (20/08/2009)
3.9/5   21 notes
Résumé :
Janvier 1915, Slovaquie. Les Allemands en fuite sous la pression de l'avancée soviétique abandonnent à leur sort les détenus du camp de travail de Medved'. Isolée au cœur des monts Tatras, coupée du cours de l'Histoire, une communauté oubliée du reste du monde se réorganise dans ce temps suspendu. Dans son petit cahier, le jeune Matthias tient la chronique du peuple de Medved'. Il écrit tout : les hommes, les femmes, le doute, l'horreur, l'espoir, le quotidien du ca... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (7) Voir plus Ajouter une critique
Les naufragés d'une île inaccessible...

1945. Slovaquie.
Le camp de travail de Medved' est abandonné par les allemands en débandade, laissant derrière eux 200 prisonniers coupés du monde, en plein hiver, dans un site montagnard aux accès dynamités.

Engagée dans sa survie, la petite société se déclare République démocratique, prise en main par un prisonnier charismatique. Ce microcosme s'apparente à un laboratoire social où l'isolement est à organiser, le quotidien à reconstruire, les individus à hiérarchiser. Tout groupe en vase clos se constitue de leaders, de suiveurs, de contestataires. Il faut occuper les esprits et les corps, désamorcer les conflits, et faire face aux inévitables dérives.
Sauf que cette nouvelle organisation finit par ressembler de façon troublante à celle de l'ancien camp de travail...

Le contexte reste historique mais le propos va rapidement virer au thriller efficace dans une ambiance malsaine de fin du monde et d'inhumanité.

C'est un étrange mélange de récit catastrophe, sociologique et historique que j'ai dévoré goulûment, conquise par son efficacité et son originalité. Un livre intelligent qui ouvre réflexion sur la folie, la manipulation des individus, entre pouvoir et soumission.
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« A toi de choisir quelle vie tu veux pour eux. Eux ne choisiront rien. Tes décisions auront force de loi. Ensuite, à toi de juger si tu les y contraints par la répression ou si tu leur donnes l'illusion du choix. »

Hiver 1945. Camp d'internement de Medved' dans les montagnes des Tatras en Slovaquie. Les allemands abandonnent le camp et les prisonniers en détruisant le générateur électrique et les deux seules voies d'accès (ou de sortie). La communauté de prisonniers se retrouve donc seule, coupée du monde, à devoir en totale autarcie. « Enclave » est entre autre le récit des premiers jours de cette nouvelle réclusion.

Point de pathos chez Carrese qui nous plonge directement dans l'âpreté de la vie de ses prisonniers, brutalement confrontés à une liberté toute relative : plus de geôliers mais une autre forme d'enfermement et de claustration naturelle sans possibilité de contacter l'extérieur.

La première journée fait ressortir les leaders « naturels » de chaque baraquement, les êtres forts de chaque groupe et semble enterrer un peu plus ceux qui n'ont pas la force de réaliser qu'ils sont passés de Charybde en Scylla : de l'exploitation par les allemands à une fausse liberté qu'ils ne comprennent pas, qu'ils ne voient même pas.

La deuxième journée, avec la découverte d'un stock conséquent de nourriture, impose la mise en place d'une organisation sociale et de règles de vie commune et prépare le terrain à de futures tensions. C'est en quelque sorte la montagne qui accouche d'une souris : Dankso, qui prend naturellement la tête de la communauté, se rend brutalement compte qu'il ne peut pas instaurer une démocratie de façon naturelle mais doit procéder ad notum et mettre en place un système de surveillance, comble de l'ironie pour d'anciens prisonniers qui ne parlent et ne rêvent que de liberté.

La troisième journée sera celle de l'exacerbation des tendances de chaque groupe à travers le prisme amplificateur du bombardement du camp par l'aviation russe et la mise à mort du lieutenant allemand atteint d'un cancer en phase terminale et abandonné par le commandant du camp au moment de la fuite des troupes allemandes. La symbolique du baraquement des soldats allemands où les ex-prisonniers refusent d'aller mais dans lequel Dankso leur impose finalement de s'installer après le raid aérien est parfaite : les temps et les personnes changent mais un tortionnaire en remplace un autre, un joug en remplace un autre, comme une espèce de fatalisme dictatorial. La fin justifie-t-elle les moyens ?

Tout comme est symbolique l'usage du couple peur/haine par Dankso pour justifier ses décisions arbitraires, policières et faire passer son diktat et ses décisions pour ceux de la communauté. Et comme l'est enfin le besoin ressenti par le narrateur lors de l'évocation de la quatrième journée (qui se déroule plusieurs mois après) non pas de simplement quitter le campement libéré mais bien de s'en évader après l'instauration d'un service d'ordre, la remise en route de l'électrification des barrières, la confiscation de la liberté d'expression, les parodies de démocratie et de justice…

Carrese stigmatise les différentes attitudes de chacun des groupes ou leaders qui interagissent dans le camp faussement libéré, aucune ne trouvant vraiment grâce à ses yeux : Dankso (celui par lequel le pouvoir ne sera qu'un sombre recommencement, qui semble porter en lui les fruits de la liberté, de l'indépendance et de la démocratie et qui au nom du bien-être du groupe s'érigera petit à petit en dictateur), Milos et le docteur (les seuls vrais contre-pouvoirs à Dankso, trop vite étouffés et écrasés par la force), les italiens (éternelles têtes de turcs du camp), les bûcherons (le troupeau, la meute des suiveurs qui n'ont aucun sens du gouvernement et attendent les instructions, bêtes, serviles et brutaux), les menuisiers qui travaillent à la scierie pour fabriquer des cercueils (l'opposition « syndicale » au pouvoir qui se met en place, idéalistes mais finalement sans véritable volonté ni pouvoir et qui finit sous la coupe de Dankso ; son meneur, Pavel, est ainsi « tellement flatté par cette fourberie, [qu'il] s'est toujours imaginé être un rouage essentiel du système alors qu'il n'en était qu'un alibi dérisoire »), les femmes (pragmatiques, gardiennes du temple et garantes, malgré leur passé de prostituées, d'une certaine morale qui ne fera pas long feu et disparaitra avec la disparition de la première « meneuse »).

Je n'ai malheureusement pas assez de culture politique ni sociale pour délimiter exactement les contours de chaque groupe, son rôle et la représentation des différentes formes de gouvernement possibles qui s'affrontent mais cette « Enclave » est une bonne analyse des forces qui trouvent à s'opposer tant dans nos sociétés modernes qu'à travers la mise en situation décrite par Carrese. La morale de cette histoire réside peut-être dans la nature fondamentalement corruptrice et tentatrice du pouvoir, pervertissant les meilleures volontés. Ou bien serait-ce l'inverse : n'est-ce pas le charisme d'un homme et sa capacité à dominer les autres qui pervertit le pouvoir pour lui donner la forme qu'il souhaite ?

Enfin, l'émergence d'une figure charismatique, la stigmatisation des problèmes sur un groupe ethnique, la cristallisation de la haine et de la peur sur cette même communauté, l'explication de la source de tous les problèmes de la communauté à travers l'existence même dudit groupe, l'adhésion aveugle d'un troupeau aux idées (fausses) véhiculées par le leader… en résumé, les méthodes dont use et abuse Dankso pour assoir son pouvoir ne sont volontairement pas sans rappeler celles qui ont porté Hitler au pouvoir. Elles ne sont pas non plus sans rappeler ce qui se passe en France (et en Europe) avec la montée en puissance des nationalismes de tous bords... et pourtant ce livre date de 2009.

Philippe Carrese prouve encore avec ce roman, le deuxième que je lis de lui après « Virtuoso Ostinato », qu'on peut dire bien des choses et faire passer bien des messages avec style et talent et jusqu'à la dernière page.

Lien : https://garoupe.wordpress.co..
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Le sujet est intéressant et le texte bien construit s'avère un bon thriller, même si le scénario reste sans grande surprise. Ce livre interroge plus qu'il ne cherche à apporter de réponse sur les effets pervers du pouvoir. J'en suis ressorti certes troublé mais aussi frustré de l'absence de lueur sur ce qu'aurait pu être une autre issue. Même la fin qui renvoie comme en boucle au début est insatisfaisante et dérangeante. Mais ce point de vue très pessimiste est vraisemblablement la morale voulue de l'histoire.
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Roman de Philippe Carrese.

En janvier 1945, c'est la débâcle dans les rangs de l'armée du Reich et du parti nazi. Les Allemands abandonnent la scierie de Medved' en Slovaquie, au nord des Carpates. le camp de travail n'est pas vide. Les détenus, cent cinquante hommes et une vingtaine de femmes ont été abandonnés, livrés à leur sort au coeur de la forêt slovaque et de l'hiver meurtrier. Mais il faut survivre, prouver à l'ennemi que son départ n'est pas la fin. La communauté se réorganise avec, à sa tête, Dankso. Tous attendent un chef pour réapprendre ce qu'est la liberté. Dans un premier temps, les prisonniers veulent échapper à l'enceinte du camp, fuir les mois de souffrance derrière les barbelés. Mais le lieu est une enclave, coincé entre les flots impétueux de la Strigina Bystrina et les infranchissables monts Tatras. Acculés, les survivants réinvestissent le camp. Dankso met en place la république démocratique de Medved'. le jeune Matthias se voit confier une mission : écrire, raconter la vie de son peuple. Et sous sa plume, on constate l'avènement d'une nouvelle dictature, menée par un homme qui se laisse dominer par l'avidité et le goût du pouvoir. Matthias écrit pour que cette page d'histoire suspendue et ignorée ne soit pas perdue. Mais une question se pose : écrire permet-il de sauver du désastre ?



Philippe Carrese réussit une impressionnante performance : traiter un sujet lourd de mémoire et de « déjà-dit » dans une prose simple et libre d'emphase. Avec discernement, il évite les poncifs et les écueils de la littérature concentrationnaire ou post-Shoah. Non pas que cette littérature est mauvaise. Mais un énième récit dans la veine de ceux de David Rousset ou Jorge Semprun n'aurait rien apporté d'essentiel à la connaissance et à l'appréhension de cet épisode historique. La phrase inaugurale, « Ils sont partis ce matin. », répétée dans les premières pages, est riche de tout ce que le texte n'a pas eu besoin de dire : les tortures, l'horreur, les détails de la vie concentrationnaire. Cette simple phrase marque la fin d'une époque, la transition entre l'avant et l'après. Elle permet au lecteur d'investir le texte sans repasser par les récits que l'on connaît déjà.

Bien que d'une facture simple, le texte est riche d'échos littéraires. J'y ai trouvé des teintes mythiques, tout particulièrement présentes autour de la Strygina Bystrina. Cette rivière a tout d'un Styx des temps modernes : elle empêche les morts de rejoindre le monde des vivants. Et les détenus de Medved' sont bien morts aux yeux du monde. Ils sont les laissés-pour-compte d'un conflit qui s'achève sans eux.

Un épisode, très court, permet de reconnecter le récit avec la réalité : l'arrivée de deux échappés des marches de la mort, anciens prisonniers d'Oswiecim (Auschwitz). Medved' n'est pas un cas isolé, si jamais on en doutait. L'évocation, en quelques paragraphes, de l'immense usine de la mort polonaise, comble les blancs de la narration. Là encore, l'auteur a su ménager le lecteur en ne lui répétant pas ce qu'il avait déjà lu.

Le récit se déploie dans un premier temps sur trois jours, puis sur un dernier jour, et enfin vient l'après, bien plus tard. L'ellipse de plusieurs mois entre la première et la seconde partie a fait naître chez moi une avidité de lecture. Les analepses dévoilent avec finesse et pudeur un quotidien redevenu trop banalement barbare pour être décrit. Philippe Carrese nous épargne une relecture fastidieuse des systèmes totalitaires.

Dès le début, quand Anja confie à son fils, le jeune Matthias, la mission d'écrire l'histoire du peuple des survivants, j'ai entendu les échos d'une lecture qui a laissé en moi une marque profonde, le rapport de Brodeck de Philippe Claudel. J'ai craint que Philippe Carrese n'emprunte la même voie que Claudel. Heureusement, le compte rendu est tout autre, et sa tenue elle-même est différente. Mais un point commun relie ces deux romans: le rapport est un texte qui angoisse, qui suscite les dissensions. L'écriture est une arme, je ne fais que reprendre un thème bien ancien. le texte de Carrese en est une illustration réussie.

J'adresse donc un grand bravo à l'auteur et lui souhaite bonne chance dans la course aux prix littéraires de la rentrée 2009 !


Lien : http://lililectrice.canalblo..
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« Ils sont partis ce matin »
Le livre de Carrese commence ainsi. On comprend assez vite que « ils » sont les allemands, que nous sommes dans un camp de travail que la fin de la guerre approche. Ils sont partis, et ils ont fait en sorte que les prisonniers ne puissent pas quitter le camp tous les accès ont été minés. En fait ils restent prisonniers.
Les captifs sont libres, leurs geôliers sont partis, mais sont incapables de comprendre ce que cela va changer dans leur vie. Ils sont oisifs, livrés à eux-mêmes désemparés. le livre nous raconte comment cette nouvelle vie va devoir s'organiser ; les repas, le temps de la journée, se chauffer…
Et bien sûr, une voix s'élève, plus forte que les autres plus décidée aussi…
Peu à peu l'auteur met en évidence la difficulté de vivre en société, de recréer une société, surtout quand toutes les volontés ont été laminées, que toute humanité a été enlevée à chacun.
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Citations et extraits (2) Ajouter une citation
A propos du camp : «Un centre de production de cercueil pour l’Allemagne en déroute.»
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«L’’indispensable mission du scribe.»
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Videos de Philippe Carrese (7) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Philippe Carrese
Les fidélités de Diane Brasseur aux éditions Points
Que ne dit-on pas contre les hommes infidèles... Salauds, lâches, hypocrites, égoïstes... L'ont-ils cherché ? Assurément. L'ont-ils tous mérités ? Ca reste à voir. Notre narrateur à 54 ans, un emploi, une famille. Ses semaines, il les passe à Paris en compagnie d'Alix, sa maîtresse, de 20 ans sa cadette. Ses week-ends, à Marseille, entouré de sa femme et de sa fille. La situation serait confortable, s'il n'était pas rongé par la culpabilité. A la veille de Noël, il décide qu'il doit faire un choix : sa femme ou sa maîtresse. Mais comment choisir quand on se sent tenu par des fidélités multiples ?
http://www.lagriffenoire.com/les-fidelites-209091.html
Virtuoso ostinato de Philippe Carrese aux éditions de L'Aube
Volturno Belonore, un homme dans la puissance de l'âge, règne sans conteste sur ses trois fils, sa jeune épouse et son village, San Catello, en Lombardie. Un soir de l'été 1911, une luxueuse voiture tombe en panne en bordure de son champ. Ses occupants lui demandent de l'aide. En échange de quoi, ils lui prédisent la fortune grâce au minerai enfoui dans son terrain. Hélas, la prédiction s'avère malédiction ; seul Marzio, le fils cadet, y échappera. du moins, à considérer que devenir virtuose au détriment de la passion amoureuse n'en fasse pas partie...
http://www.lagriffenoire.com/virtuoso-ostinato-268935.html
Dernier désir de Olivier Bordeçarre aux éditions le Livre de Poche
Mina et Jonathan Martin ont fui la ville et sa fureur consumériste pour une vie plus simple sur les bords du canal du Berry. Un jour, leur nouveau voisin frappe à la porte. Élégant, riche, spirituel, il se prénomme Vladimir et porte le même patronyme qu?eux. Une coïncidence qui amuse le couple. Seulement, Vladimir Martin a un comportement étrange : il copie le mode de vie des Martin, couvre leur fils et Mina de cadeaux, adopte l?allure de Jonathan, s?achète la même voiture, décore sa maison à l?identique? Jonathan se méfie, sa femme n'y voit que du feu. le nouveau venu ne leur veut-il que du bien ? Avec un art maîtrisé du suspense, Dernier désir interroge nos aspirations secrètes dans une société de bonheurs factices.
http://www.lagriffenoire.com/dernier-desir.html
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