L'histoire incroyable d'une imposture : en 1560, Martin Guerre revient dans son village d'Artigat, où près de quinze ans plus tôt il avait abandonné sa femme, Bertrande de Rols. Or cette dernière vit depuis plusieurs années avec... Martin Guerre ! C'est l'histoire du procès, à la jugerie de Rieux puis au Parlement de Toulouse, d'Arnaud du Tilh, formidable imposteur qui avait pris trois ans durant l'identité du paysan basque. Comment a-t-il pu berner non seulement la communauté d'Artigat, mais aussi la famille même du vrai Martin Guerre ? Bertrande de Rols était-elle complice ou naïve ?
Nathalis Zemon Davis, historienne américaine, spécialiste reconnue de l'histoire sociale et culturelle de la France des XVI° et XVII° siècles, avait conseillé
Jean-Claude Carrière et Daniel Vigne pour le tournage du Retour de Martin Guerre. Elle livre ici une triple leçon.
Une leçon narrative, d'abord :
le Retour de Martin Guerre est un récit admirablement construit sur une intrigue efficace. L'énigme est réelle, le procès fascinant, le texte est captivant.
Une leçon d'histoire, ensuite. le procès du faux Martin Guerre avait fasciné la société française au XVI° sècle; les ouvrages de Jean de Coras, le juge qui dirigea le procès à Toulouse, et de Guillaume le Sueur, publiés quelques mois à peine après les faits, sont vite devenus des "best sellers". C'est ce caractère exceptionnel et, au sens propre, admirable de l'affaire qui fascine : il révèle par contraste la norme qui régissait la société française d'alors. Et c'est cela même que Nathalie Zemon Davis, grande spécialiste de la question, dévoile : elle éclaire en détail, mais sans jamais tomber dans la leçon docte et sèche, la société française du XVI° siècle, ses structures sociales, ses croyances, sa diversité culturelle, ses tensions religieuses, etc. Passionnant.
C'est enfin une vraie leçon d'historiographie. Les historiens apprécieront la préface de
Carlo Ginzburg, "Preuves et possibilité", qui interroge les tensions soulevées par l'ouvrage de Nathalie Zemon Davis entre recherches historiques et enquêtes judicaires - entre le possible et la preuve-, narration et écriture historiographique - où la notion d'invention est largement soumise à caution -, etc.
En somme, un ouvrage passionnant, savant et enrichissant. Un ouvrage qui fait découvrir plaisamment une société dont nous héritons directement et qui, pourtant, nous est si différente.