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Critique de Eric75


Avec une sixième critique d'un sixième ouvrage portant sur la découverte en 2012 du fameux boson de Higgs, il est inutile de s'appesantir sur le contenu, on y retrouve en effet tous les thèmes déjà abordés dans les cinq autres livres : la compétition Europe - États-Unis dans la course au gigantisme des accélérateurs de particules, la description du modèle standard et de ses mystérieux mécanismes de brisure de symétrie, les avancées théoriques successives jalonnant de prix Nobel le parcours de cette recherche, les diagrammes de Feynman, la description dantesque des détecteurs ATLAS et CMS et des technologies nécessaires pour atteindre le niveau d'énergie visé (14 TeV) dans le LHC, le Grand collisionneur de hadrons, la plus grosse machinerie scientifique jamais construite par l'homme, le coût pharaonique de ce projet, le plus onéreux de tous les temps (7 milliards d'euros) permettant à des milliers de scientifiques, dans le monde entier, sur plusieurs générations, de collaborer à la traque de la fameuse particule. Avec à la clé un résultat attendu et pas si surprenant : l'existence confirmée d'une particule que l'on connaît depuis 1964, surgissant dans les détecteurs pendant un laps de temps inférieur à la zeptoseconde (de l'ordre de 10 puissance -21 seconde), ce qui est assurément une durée très très très très… (répété 21 fois) courte !

Bon, j'ai l'air de me moquer en disant cela, mais je suis néanmoins enchanté que cette découverte majeure survenue en 2012 soit européenne, ce qui ne semble pas être le cas de Sean Carroll, qui se lamente longuement en déplorant l'abandon du projet texan de Superconducting Super Collider (SSC) suite aux coupes budgétaires du Congrès américain. Les chercheurs américains du domaine des particules, traumatisés par cette décision et inconsolables, sont encore aujourd'hui sous le choc. Sean Carroll suppose également que le LHC sera le dernier des grands accélérateurs construit de son vivant, selon lui, ni l'Europe, ni les États-Unis n'auraient les moyens de poursuivre des programmes aussi ambitieux sans garanties de retombées immédiates, industrielles ou militaires. On reconnait bien là une obsession américaine, et je pense que Sean Carroll n'est qu'un jaloux (on trouve déjà dans la presse la mention de projets du CERN tels qu'un accélérateur circulaire de 100 km de long, à comparer aux 27 km du LHC, capable de fournir 100 TeV à horizon 2030 ou 2040).

Cet ouvrage se différencie des autres publications sur le boson par bien des aspects. Dès les premières pages, on est surpris par le style tout à fait abordable de l'auteur, reconnu pour être un grand vulgarisateur habitué aux publications dans les revues scientifiques. le ton employé est agréable et franchement journalistique, ce qui fait de cet ouvrage une bonne entrée en matière. le prix à payer, bien sûr, est sans doute un relatif manque de profondeur dans les « démonstrations », s'appuyant plus sur les métaphores que sur les raisonnements scientifiques (on nous ressort, comme à chaque fois, la traversée d'une pièce ralentie par la foule d'admirateurs de Margaret Thatcher, ici avantageusement remplacée par Angelina Jolie). L'humour n'est jamais absent même lors des passages les plus ardus, dont l'auteur propose carrément de sauter les pages si vous ne vous sentez pas au niveau. Les développements les plus scientifiquement intéressants sont d'ailleurs rejetés dans les annexes, à mon avis à tort. Comme pour sacrifier à une sorte de populisme, des anecdotes sans doute un peu superflues encombrent parfois le récit (cf. la mention des blagues et autres fausses rumeurs diffusées par tweets et la vidéo publiée sur YouTube sur le rap du boson). Enfin et surtout, la construction d'ensemble n'est peut-être pas la plus optimum (on retombe sur les mêmes sujets à plusieurs reprises). Terminons cependant par deux points forts propres à cette publication : un encart de photographies couleur inédites des lieux évoqués et des personnes citées renforçant l'aspect reportage du récit, et des dessins humoristiques nombreux gommant l'austérité supposé du discours scientifique.
L'ensemble constitue un excellent ouvrage de vulgarisation sur le boson de Higgs, mais je lui ai préféré toutefois La particule de Dieu : à la découverte du boson de Higgs, de Jim Baggott, et le boson et le chapeau mexicain, de Gilles Cohen-Tannoudji et Michel Spiro, deux ouvrages traitant un sujet identique, scientifiquement plus aboutis et par là même, osons le dire, plus enthousiasmants.
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