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Critique de Lutopie


Alice s'ennuie. Alors, elle rêve.

La petite fille regrette lors du premier chapitre que le livre de sa soeur ne comporte ni images ni dialoques. En conséquence, elle crée son propre livre d'images et de dialogues (des dialogues qu'elle s'adressera à elle-même, parce qu'elle parle tout le temps toute seule). Alice, c'est une enfant solitaire, qui peuple son monde d'amis imaginaires. Elle fait partie de ces enfants qui rejouent les comportements des adultes dans ses jeux, qui ne sont que des simulations de la réalité – ainsi se retrouve-t-elle trop grande dans la maison du Lapin Blanc (qui a les dimensions d'une maison de poupée, mais elle se projette à l'intérieur – parce qu'elle est cette poupée). Elle joue à la poupée avec le bébé de la Duchesse mais elle l'abandonne avec toute la méchanceté dont une enfant est capable – dès qu'elle se rend compte qu'il ressemble un peu trop à un cochon, à son goût. Enfant gourmande (elle trouve que la boisson qui porte l'étiquette "Bois-moi" a le goût de tarte aux cerises, de tartine beurrée, de tout ce qu'elle préfère) , elle joue à la dînette, et prend le thé avec ses amis imaginaires. Alice, elle ne joue pas aux cartes mais elle se construit un château de cartes, qu'elle détruit ensuite. Elle joue encore au croquet avec la Reine (et les règles du jeu sont insensées – en tout cas, personne ne les respecte et c'est la confusion générale). Mais ne joue-t-elle pas contre elle-même ? En effet, il est dit au premier chapitre "qu'une fois même elle s'était donné des tapes pour avoir triché dans une partie de croquet qu'elle jouait toute seule ; car cette étrange enfant aimait beaucoup à faire deux personnages. « Mais, » pensa la pauvre Alice, « il n'y a plus moyen de faire deux personnages, à présent qu'il me reste à peine de quoi en faire un. »

Oui, les enfants agissent comme des fous et c'est ce que j'aime chez eux. le monde serait merveilleux si nous pouvions faire ressortir notre âme d'enfant en société (sans être classé dans la catégorie des fous, sans être interné). En tout cas, moi, je ne me prive pas de parler toute seule, parfois. J'aime bien me gronder, aussi.
Alice est impertinente, qu'elle le fasse exprès ou non. Alice est maladroite. Elle fait des remarques déplacées.

Elle s'offusque des propos des autres mais elle-même, elle contredit ses interlocuteurs, elle coupe la parole aux autres - tout le temps - , comme la Reine coupe les têtes. Elle tranche aussi la question, dès qu'elle s'en pose une ( et ses conclusions sont toujours drôles). Ses leçons qu'elle récite, elle les sort à tort et à travers. Mais elle a de l'imagination la petite, elle invente. (Elle ne s'arrête pas sur l'aveu de son ignorance). Elle préfère autant jouer avec les mots. C'est une bavarde oui, elle meuble une conversation à elle-seule, et surtout, elle ne s'arrête jamais de parler, et elle pousse la logique à l'extrême dans ses divagations. Et c'est ainsi que les homonymes génèrent le non-sense. le non-sense n'est pas dénué de logique – encore faut-il pouvoir suivre la logique d'un enfant ou la logique d'un fou. On joue sur une chose et sur son contraire (ainsi la folie du chat est-elle diagnostiquée selon la non-folie du chien) ou on mélange les causes et les effets. Elle demande même à un moment si elle n'est pas devenue une autre fille (qu'elle connaît), qu'elle trouve bête, et étant donné qu'elle ne se souvient plus de ce qu'elle a appris à l'école, elle se dit que logiquement, elle doit être devenue cette autre fille, puisqu'elle est bête, elle aussi (voilà comment Carroll applique le syllogisme). Les aphorismes de morale de la Duchesse sont très drôles aussi :

« Soyez ce que vous voulez paraître ; » ou, si vous voulez que je le dise plus simplement : « Ne vous imaginez jamais de ne pas être autrement que ce qu'il pourrait sembler aux autres que ce que vous étiez ou auriez pu être n'était pas autrement que ce que vous aviez été leur aurait paru être autrement. » »

Lewis Carroll, il ne fait pas dans le traité d'éducation, c'est plutôt de la non-éducation.
Il suffit de s'intéresser aux différentes branches de l'Arithmétique de la Tortue : "l'Addiction, la Distraction, la Mochification et la Dérision". C'est tout l'art de Carroll. Alice est dans l'addiction, étant donné qu'elle boit tout le contenu de la bouteille, et surtout, qu'elle n'a de cesse de consommer du champignon, elle est la distraction incarnée (elle qui divague sans cesse), les personnages autour d'elles sont tous caricaturaux et surtout, il y a de la dérision (et de l'auto-dérision). Il n'est pas raisonnable, le maître du non-sense. C'est comme un traité de conversation pour jeunes filles qui font la révérence (même lorsqu'elle chutent) mais de conversation décousue, sans queue ni tête ou plutôt sans "corps ni tête" ou que de tête, comme le Chat du Cheshire, ou que de sourire.

P.S : Etant aussi instable qu'Alice, et n'ayant pas encore relu "De l'autre côté du miroir", il est fort possible que j'édite ma critique pour ajouter quelques paragraphes de plus concernant l'envers des Aventures d'Alice au Pays des Merveilles. Vous ne vous étonnerez pas de cette anormalité - c'est normal.
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