Une femme au visage félin arrive dans un château sous une pluie battante dans le but de tuer la maîtresse du lieu. La nature vampirique de cette dernière, seulement désignée par son titre de comtesse, laisse d'emblée peu de doute. Celle-ci tient à la fois du comte Dracula et de sa descendante anonyme, la comtesse de la nouvelle d'
Angela Carter « The Lady in the House of
Love ». Ses crimes ainsi que son goût pour les jeunes filles la rapprochent quant à eux de la Hongroise Erzébet Báthory.
Si le cadre et l'introduction présentent d'entrée le récit comme une variation sur un topos bien connu du récit horrifique, le noir et blanc y ajoutant une touche cinématographique, le comics puise également largement à l'univers du conte, le château étant commodément un décor qui leur est commun.
Le fond noir uni servant de support aux éléments de décor, qui paraissent ainsi posés directement sur un fond de ténèbres, permet une grande souplesse dans la mise en page. L'architecture du château est incertaine et changeante. Un couloir au carrelage noir et blanc est pris d'ondulation, un tapis rouge devient une traînée de sang,… le lieu qui nous est montré est modelé par la subjectivité de la protagoniste, une manière habile de transcrire visuellement son état d'esprit, sa peur, sa confusion.
Les différents rôles des miroirs, tout à la fois éléments de décoration du château, instruments magiques, symboles du regard prédateur de la comtesse et par places éléments de structuration du comics, reflètent l'entrelacement complexe des différents niveaux du récit. Trois contes y sont enchâssés. S'ils apparaissent à première vue comme des analepses et servent à révéler le passé trouble de la protagoniste, le dernier peut être compris autant comme l'explication de l'origine du personnage que comme une métaphore de la scène à laquelle il est intégré.
Emily Carroll laisse une grande place dans cette histoire à l'interprétation du lecteur : à lui d'en combler les vides, de déceler les symboles et de reconstituer les différents sens possibles de ce qu'il a sous les yeux. C'est ce qui fait tout l'intérêt et la difficulté de cette lecture.
Ce que je lis pour ma part ici est un récit initiatique, une histoire de métamorphose et de découverte de soi. L'enjeu est avant tout l'identité de la protagoniste au visage félin et il n'est de ce fait pas anodin que les deux femmes soient revêtues de peaux qui pourraient ne pas être les leurs, comme elles se dissimuleraient derrière des masques.
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