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Critique de umezzu


umezzu
05 septembre 2019
Les Habsbourg forment une dynastie méconnue, dont côté français on n'a tendance à ne retenir que les oppositions avec les rois de France. Charles Quint, à la tête d'un Empire où le soleil ne se couchait jamais, personnifie plus que tous les autres cette grande famille.

Cette biographie de Jean des Cars retrace méthodiquement l'histoire
des différents membres de cette dynastie depuis son origine en Suisse (en Argovie) jusqu'à la chute de Charles Ier, dernier empereur d'Autriche-Hongrie.
Les chapitres consacrés à l'ascension au moyen-âge des Habsbourg ne sont pas les plus réussis du livre. Les sources sont sans doute limitées, et les explications restent complexes. Difficile en effet de suivre une généalogie, qui fait de simples seigneurs en Suisse Alémanique, en Alsace et dans le Bade au onzième siècle, des ducs d'Autriche suite à succession âprement disputée, puis en 1273 pour la première fois des Empereurs du Saint-Empire. L'Empire était alors électif. Les Habsbourg ont pourtant constamment été Empereurs du Saint-Empire de 1452 à 1740 (avec l'arrivée au pouvoir de Marie-Thérèse d'Autriche, c'est son mari François de Lorraine qui devint Empereur). L'élection la plus disputée – et celle qui a donné lieu aux versements financiers aux électeurs les plus considérables – reste celle qui opposa Charles Quint à son concurrent malheureux François Ier.

Une suite de mariages et de successions récupérées a conduit à faire des Habsbourg des princes « bourguignons », ayant développé leur domaine du Benelux actuel à l'Autriche en passant par de multiples possessions éparses. Charles Quint est le bénéficiaire de cette politique matrimoniale, portée à son maximum avec l'héritage du royaume d'Espagne. Voilà un prince de culture franco-bourguignonne, élevé dans les Pays-Bas de l'époque, détenteurs de couronnes, de principautés et de duchés en Europe Centrale, qui se retrouve à gouverner la grande puissance de l'époque, l'Espagne, dont les navires ramènent des richesses d'Amérique. Un Charles Quint qui finira espagnol et catholique intransigeant, à une époque qui a vu se développer la Réforme dans le Saint-Empire.

La très longue partie du livre consacrée à Charles Quint constitue à elle seule une biographie de premier plan.

Jean des Cars est un peu plus difficile à suivre avec ses successeurs. A chaque chapitre, il doit alterner entre d'un côté les héritiers espagnols, lignée de plus en plus dégénérée suite à des mariages consanguins, et de l'autre la branche autrichienne issue de Ferdinand Ier.

La branche espagnole disparaît sans héritier, l'héritage étant confié aux Bourbons. En acceptant la couronne d'Espagne pour son petit-fils Philippe, Louis XIV déclenche une guerre inévitable avec les Habsbourg d'Autriche, soutenus par toute l'Europe. A la relecture des faits et des alliances, il est étonnant que les Bourbons aient fini par s'imposer (durablement !) en Espagne. Les développements de l'auteur sur cette période sont limpides et montrent à quel point Louis XIV a été placé devant une alternative bien plus difficile qu'il n'y paraît.

La branche autrichienne, un tant menacée par l'avancée ottomane jusqu'aux portes de Vienne, a elle prospéré, cumulant les couronnes : Bohème, Hongrie, …. et contrôlant fort longtemps le nord de l'Italie.
La transmission de cet ensemble disparate aurait pu s'interrompre avec Charles VI, faute d'héritier mâle, mais celui-ci avait pris la précaution d'autoriser une succession féminine, en édictant dés le début de son règne, et alors qu'il n'avait alors pas encore d'enfants, la Pragmatique Sanction.
Marie-Thérèse en bénéficia, continua une politique de mariages princiers, dont celui de sa fille Marie-Antoinette avec Louis XVI. de manière générale, à la lecture de Jean des Cars, il faut relativiser le bilan de Marie-Thérèse, fort contestée au début de son règne par Frédéric II de Prusse, qui l'a dépouillée d'une partie de son héritage.

Les chapitres sur la politique des Habsbourg face à la Révolution française, et à cet usurpateur que fut pour eux Napoléon Ier, sont passionnants. Des souverains établis de longue date se retrouvent à lutter contre des idées nouvelles, dont ils perçoivent alors le danger, et contre un stratège brillant qui les a laminé, jusqu'au revirement final, dû en grande partie à la politique de Metternich. le sort du duc de Reichstadt, fils de Napoléon et de Marie-Louise, fille de l'empereur d'Autriche, était scellé.

La partie sur l'accession au pouvoir de François-Joseph en 1848, dans une tourmente nationaliste émanant des diverses possessions Habsbourg qui veulent toutes leur indépendance, est longuement exposée. Avec lui, même si il fut un bourreau de travail, les possessions Habsbourg vont se réduire au noyau central austro-hongrois. Curieux comment cet empereur au long règne, et son épouse Elisabeth (« Sissi »), ont connu une telle notoriété, alors que sur le plan politique et des idées cette période fut un déclin progressif. Sans doute que le dix-neuvième siècle romantique ne pouvait que se complaire des malheurs de la maison d'Autriche.

Ce livre, parce qu'il est on ne peut plus complet, s'avère inégal dans l'intérêt qu'il suscite. Les points forts sont incontestablement la partie sur Charles Quint, celles sur les guerres napoléoniennes et le rôle de Metternich, et les décennies de règne de François-Joseph. L'écriture est dense et sans temps mort, ce qui nécessite une lecture attentive. Difficile de faire plus exhaustif.
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