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Critique de bran_601


La quête du prince boiteux de Paul Carta est le premier tome de la chronique d'Au-delà du seuil, une histoire de fantasy déployant ses racines dans un univers médiéval profondément influencé par la matière spirituelle de l'antiquité greco-egyptienne.

Mitellia le monde créé par l'auteur prend la forme d'un continent scindé en quatre contrées ou dominions, trois d'entre elles forment en quelque sorte une ligue et révèrent le Dieu secret qu'ils considèrent autant comme le dieu des rois que le roi des dieux. Kalenia, le plus nordique des dominions abrite des clans de nomades parcourant les terres enneigées sous la bienveillance de la déesse Frya que les hommes de là-bas placent au-dessus de tout. En opposition de par la nature de leur foi tout autant que par l'antagonisme de leurs cultures, les dominions sont également séparés géographiquement par cet immense massif montagneux prenant la forme d'un gigantesque dragon coupant le monde en deux civilisations tentant de cohabiter quand elles ne se font pas la guerre.

Le début du roman s'ouvre dans les pas de Khimay, un jeune voyageur boiteux au visage balafré, qui dans des conditions climatiques extrêmes tente de rejoindre Kalenia par la route du nord afin d'y poursuivre sa formation d'apprenti ... en apparence tout du moins.
Alors qu'il retrouve un second souffle en savourant la douce et "inespéré" chaleur d'une auberge de montagne, le passé de Khimay refait surface à la faveur de combats organisés où un certain géant massif fait rejaillir des souvenirs anciens.
Borhon le lutteur estropié celui à qui il manque désormais le bras au bouclier, Borhon le bannit celui qui est désormais marqué du sceau de la déchéance, Borhon le maître d'armes celui qui a échoué à protéger l'objet de sa dévotion, mais à présent Borhon le bras armé de la vengeance après avoir perçu dans le regard d'un jeune voyageur l'éclat d'un espoir, d'un honneur perdu, de son devoir envers un prince, son prince.
Alors que les choses paraissaient assez mal engagées pour notre jeune prince déchu, les retrouvailles avec son ancien mentor qui lui réitère son serment, laissent augurer des jours plus heureux alors que son périple doit l'amener à trouver les ressources lui permettant de récupérer un trône qui lui a été usurpé à la mort de son père.

Peut être à cause de l'illustration de couverture et ce petit je ne sais quoi de young adult, j'avais un certain a priori, ce premier chapitre qui présente par son dénouement la reformation d'un duo héroïque est une vraie belle et émouvante entrée en matière. le parallèle qui est fait en quatrième de couverture et l'association à Robin Hobb n'est pas fortuite tant Paul Carta fait preuve d'une plume fluide, subtile et fortement évocatrice sans sombrer dans le pompeux ou le verbeux.
Pour en revenir au roman, on notera que les deux personnages ont en commun la perte de leur rang social et qu'ils ont subi l'un comme l'autre les affres de la mutilation, à l'instar des deux lunes qui illuminent les nuits de ce monde, leurs destins semblent pareil à des étoiles jumelles.

Clairement ce premier roman est avant tout un roman d'exposition où l'auteur tisse sur deux lignes temporelles une intrigue à tiroirs, ainsi dans le temps présent nous suivons nos deux compagnons d'infortune en chemin vers Kalenia, le bastion de foi de la déesse Frya et par alternance nous revivons aussi les moments clefs de la jeunesse de Khimay, son apprentissage du pouvoir et tout ce que cela comporte.
Les deux points de vue sont traités de manière assez homogène et offre à l'auteur l'opportunité de développer une dramaturgie sur deux niveaux temporels tout en préservant volontairement et avec un certain effet de style, certaines zones d'ombre dans le récit sans que cela ne soit vraiment dommageable.
Et si la fin de ce premier roman n'offre pas encore de véritables réponses aux dessous de l'intrigue, il permet toutefois une belle immersion dans un univers voulu particulièrement cohérent et surtout beaucoup plus sophistiqué que le manque d'originalité sur la carte et le choix des noms communs pouvait laisser craindre.
Non Paul Carta n'est pas un philologue comme pouvait l'être Tolkien mais il fait par contre tout autant preuve d'un souci constant de rendre son monde aussi réaliste et fonctionnel que pourrait l'être un monde vivant fonctionnant avec de véritables économies, une vrai diversité culturelle, une Histoire dans l'histoire et en cela évidemment on retrouve quand même Tolkien...sans les orcs et les nains etc.
De ce fait la formation du jeune prince héritier est en soi propice à la découverte et à la compréhension de certains éléments du contexte géopolitique, permet de mieux appréhender l'organisation structurelle et politique de ces trois dominions unis par la foi qu'ils vouent au Dieu secret dont la parole et la volonté sont prolongées sur terre par le pourvoyeur, le père de Khimay.
Un Dieu qui aurait conclu il y a très longtemps un pacte avec un homme afin de faire reculer le froid des terres et ainsi permettre leurs cultures et ainsi améliorer les conditions de vie. En échange de quoi, ce Dieu qui resterait volontairement caché sous le nom du Dieu secret, recevrait des sacrifices quotidiens et serait assuré de la dévotion du peuple.
C'est au travers du "lien" divin, que la dynastie dont il est le dernier représentant que Khimay doit accéder à la fonction de pourvoyeur, un rôle dévoué à sa famille depuis plus d'un millénaire car ils sont les seuls à pouvoir revêtir le masque du Dieu et parler en son nom.
La jeunesse du héros c'est aussi l'opportunité de revivre les trop rares mais intenses moments de vie partagée avec son géniteur bien trop souvent absent. Père de tous les hommes avant de l'être envers son propre fils, il est avant tout l'esclave d'une fonction qui le condamne à être au service de tous ceux en qui il se reconnaît le protecteur, au service d'un Dieu dont il représente l'image sur terre.
Et si la formation de Khimay répond avant tout à un processus bien codé sous le contrôle d'une organisation religieuse beaucoup plus influente et obscur qu'il n'y paraît.
Et si aux yeux de son fils il représente l'autorité religieuse et politique sur les trois dominions, c'est en cachette que ce dernier se risque à inculquer à son fils ses plus profonds enseignements, c'est un homme profondément humaniste que nous découvrons alors, bien loin de la figure type "Pharaon" que les adeptes du Dieu secret aiment véhiculer au travers du protocole hautement artificiel et solennel. En cela il guide son fils à voir au-delà des choses, à mesurer la responsabilité que donne le pouvoir, à rester clairvoyant et mesuré, à rester maitre de son jugement...
Enfin, le passé de khimay c'est aussi pour Paul Carta l'occasion de développer une troisième relation importante dans le récit avec l'amitié/l'amour naissant entre le jeune prince et la jeune érudit Lathan qui se verront en cachette pendant plusieurs années, et dont la curiosité dont ils font preuve en fouillant dans les archives du passé, les amènera sans doute à se poser certaines questions auxquelles il n'aurait pas fallu tenter de trouver les réponses.

Le principal reproche que je pourrai formuler à ce premier roman de cycle c'est le manque de développement concernant l'intrigue sous-jacente à la quête du héros. Finalement le livre ne dévoilera pratiquement rien des tenants et des aboutissants qui peuvent en autres justifier la situation initiale, de ce fait on ne sait pas non plus grand-chose concernant les forces auquel le prince devra s'opposer. le livre semble même se terminer avant son terme tout en nous faisant quitter ce monde fascinant en ayant le sentiment d'avoir interrompu un lecture à mi livre plutôt qu'en fin de premier roman de cycle.
Un choix de découpage de l'éditeur ?
En attendant c'est clairement un bon premier roman de fantasy pour un auteur de SF, et s'il soufre globalement d'un gros problème de rythme et d'une certaine maladresse dans la gestion d'une esquisse d'intrigue, il n'en est pas pour autant moins captivant pour d'autres raisons évoqués plus haut.
Attendons la suite en espérant que l'auteur se lache un peu plus et envoi du lourd en terme de révélations et d'actions.


Lien : http://david-gemmell.frbb.ne..
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