Dans une entrevue accordée au magazine le Point en 2019,
Mircea Cartarescu explique : « Je n'écris pas pour publier mes livres, mais pour vivre à l'intérieur d'eux. Pour moi, un livre, c'est une créature avec laquelle je vis une idylle, et j'ai envie qu'elle ne finisse jamais. Car un livre est une créature vivante avec un corps et un esprit indépendants du mien ».
Si le lecteur n'est pas prêt à être happé par une création tentaculaire, fantasmagorique et poétique, alors il faut qu'il passe son chemin. Comme dans l'immense roman-monde
Solénoïde, les trois
nouvelles de
Melancolia encadrées par un prologue et un épilogue, exigent un abandon total. Il faut être prêt à danser ou plutôt « être dansé » (p.16).
Ces trois
nouvelles évoquent trois âges de l'enfance. Un petit garçon pense que sa mère partie faire des courses ne reviendra pas et il rêve de ponts qui l'emmènent à la découverte d'une ville sinistrée. Deux enfants Marcel et Isabel vivent complices comme « des lapins dans un terrier », avec leurs jeux, leurs jouets et leurs livres, jusqu'à ce que le « renard » (la maladie) emmène la petite soeur. Enfin un adolescent sur le seuil de l'âge adulte contemple toutes les peaux de ses mues successives conservées dans une armoire.
Mircea Cartarescu part de situations banales qui basculent peu à peu dans la dimension du rêve ou du cauchemar. On dirait un labyrinthe à la Piranese. Ou du Kafka à la puissance 10. Ou du
Borges. Et puis, non. Rien ne sert de chercher des rapprochements.
Lire
Cartarescu, c'est accepter la porosité de l'univers. le réel et
le rêve indissociables. C'est aussi rencontrer des personnages solitaires (les parents sont des fantômes dans ces
nouvelles) qui ne peuvent compter que sur eux-mêmes pour trouver leur « nouvelle peau ».
Ne pas oublier de saluer la traduction sensible et fine de
Laure Hinckel.