Lire «
Solénoïde », c'est embarquer dans un univers fantasmagorique, où les idées et la narration empruntent les itinéraires improbables des rêves pour percer les mystères de la vie. Ici, la texture du récit est une porte ouverte sur un monde parallèle, un miroir que l'on ne cesse d'approcher, que l'on rêve de traverser, une fugue possible de la frêle et décevante réalité.
Une expérience de lecture hors normes, des acariens qui creusent des galeries sous notre peau (beurk !) aux déambulations d'enfants dans les dortoirs d'un sanatorium perdu, les souvenirs et les délires du narrateur nous conduisent dans des territoires parfois repoussants, souvent poétiques, toujours fantastiques.
J'ai aimé parcourir les rues délabrées de la Bucarest années 70 du narrateur- écrivain, me plonger dans cette écriture puissante et souvent drôle, charnelle sur
tout. J'ai été impressionnée par la construction de ce roman foisonnant, perdue aussi par moments, parce que dans ses obsessions, le narrateur a une fâcheuse tendance à se répéter.
J'ai adoré les portraits que l'écrivain roumain fait de l'improbable salle des professeurs de l'école 86, la mise en abyme du récit façon Rubik's cube, les couleurs qui jaillissent subitement dans ce décor urbain austère. J'ai totalement adhéré à cette poétique du chaos, à cette noirceur féconde dont émerge une fin lumineuse et finalement humaniste.
Par-delà la richesse de cet univers, Cărtărescu compose également une ode à la lecture qui transporte, à l'écriture qui libère, et c'est franchement réussi. Des références à
Borges,
Dostoïevski ou Kafka remplissent la bibliothèque idéale de ce récit.
Il faut lire Cărtărescu et l'incroyable traduction de
Laure Hinckel, qui restitue brillamment la musicalité et la beauté de l'écriture de «
Solénoïde ».
Un grand roman dense et étrange, au croisement de
Bolano et de Petrosyan dans mon panthéon littéraire !