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EAN : 9791022603560
198 pages
Editions Métailié (12/03/2015)
2.38/5   8 notes
Résumé :
Au moment où il embarque dans un avion pour Pékin un homme, l'étudiant de chinois, se trouve pris dans un étrange imbroglio avec son ancienne professeur de chinois. Arrêté et interrogé, il se met à exposer une série de préjugés racistes et sectaires contre les noirs, les arabes, les juifs, les homosexuels, les pauvres, les gros? Ce personnage paranoïaque apparaît comme un des produits de notre époque : lecteur de magazines, blogueur et producteur de commentaires vit... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
Lors de mes années collège, le rubik's cube m'a donné beaucoup de fil à retordre ! Franchement, il n'y aurait pas eu mort d'homme (en l'occurrence d'adolescente énervée) si le casse-tête n'avait pas été résolu. Mais je m'acharnais, "transpirant du neurone" (si c'est possible !) pour que ces maudites faces colorées se reconstituent.

La lecture du roman de Bernardo Carvalho m'a rappelé par bien des côtés ces heures de souffrance. le principe du rubik's cube est simple, l'intrigue aussi. Un cinquantenaire brésilien, qui étudie le chinois depuis six ans, retrouve à l'aéroport une ex-professeur de l'école de langues, en partance comme lui pour Shangai. Elle est "enlevée" sous ses yeux, avec la petite fille qui l'accompagne par un homme mystérieux. Notre "héros" est alors amené dans les locaux de la police pour être interrogé en tant que témoin.

Passons maintenant au coeur du problème. Pour le rubik's cube, il m'a fallu de multiples tentatives infructueuses pour triompher du casse-tête (sans l'aide de tutos sur Internet, j'étais ado dans les années 80). Pour ce livre, je me suis aussi armée de courage et ai développé plusieurs stratégies pour en venir à bout.

La première, la compréhension globale : "l'objet" comporte trois parties : la langue du futur/la langue du passé/la langue du présent. Effectivement, l'auteur, à travers son personnage, persuadé que le monde va bientôt être submergé par une vague chinoise, évoque l'hégémonie de certaines langues, la disparition de certaines d'entre elles et aborde même des aspects très pointus et intéressants sur celles-ci tant au niveau de la psychologie : "nos mots nous racontent" que de la relation au sacré "quels mots pour parler de Dieu".

La deuxième, l'analyse du titre et de la couverture : Bernardo Carvalho élabore toute une théorie sur la reproduction, jouant sur la polysémie du terme. Notre société, hyper connectée, incite par exemple l'étudiant en chinois à "recracher" les informations qu'il trouve sur Internet, à reproduire des idées, qui ont parfois des connotations racistes, sont pleines d'a peu-près et de contradictions. En société, il essaie aussi de reproduire le modèle attendu : chef de famille modèle et salarié productif. Pas de chance, il est divorcé et chômeur, il ne rentre donc pas dans le moule. Reproduire est pris aussi au sens de "perpétuer une espèce" et apparaît la problématique de notre planète face au défi d'une population de plus en plus nombreuse.

La troisième, la lecture à proprement dit : le texte est constitué essentiellement de la loghorrée du personnage principal. Dans la première partie, il semble répondre aux questions du commissaire, car les seuls propos transcrits sont ceux de l'étudiant chinois. C'est long, très long... le lecteur est à la limite de l'asphyxie. Arrive la deuxième partie,le commissaire a quitté la pièce où il se trouvait avec le témoin pour celle voisine. L'étudiant chinois colle son oreille au mur et entend la voix d'une femme, commissaire elle aussi, qui se lance à son tour dans un "déballage" de sa vie privée agrémentée de détails sur "l'enlèvement" du professeur. Et la troisième partie, me direz-vous ? Il s'agit du récit fait par l'étudiant chinois de son séjour en Chine et de la résolution de l'affaire policière.

L'auteur plonge le lecteur sous un tsunami de mots (reflet peut-être de notre monde bavard), les personnages parlent, se répètent, se contredisent, se mettent en colère, énoncent des banalités ou des théories fumeuses. Ils n'existent que par leur discours qui reproduit l'état de notre société.

Ce roman, rubik's cube, a été un vrai challenge. Je ne suis pas certaine d'avoir tout compris mais cette lecture, à défaut d'être plaisante, a été un défi intéressant à relever.
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Ce qui surprend dans cet ouvrage c'est la forme qu'il prend. Trois parties. Trois monologues. Enfin, plutôt des dialogues dont nous lecteurs n'entendrions qu'un participant. le premier est de l'étudiant de chinois. le deuxième d'une commissaire qui a subi divers affronts et règle ses comptes avec son collègue, celui qui interroge l'étudiant de chinois. le troisième, c'est à nouveau l'étudiant qui parle. le style est très haché. Phrases très courtes, beaucoup de questionnements sans forcément les réponses puisqu'on n'entend pas les propos de l'autre interlocuteur. On les devine par les réflexions suivantes des narrateurs. Pour les amateurs, il y a du Céline là-dedans : variations des niveaux de langage, langage très oral, propos tendancieux, racistes, homophobes, phallocrates, tout y passe. Dans toute cette logorrhée -parfois fatigante avant de se faire au rythme qu'elle impose-, l'auteur apporte des réflexions intelligentes, des questionnements universels ; il se permet par exemple de parler de la France et de sa lente (?) dérive vers l'extrême droite : "Mais, si dans le pays des Droits de l'homme on élit comme président le candidat d'extrême droite ? Hein ? Vous avez déjà réfléchi à ça ? (...) Mais j'attends de voir ce qui se passera quand le pays des Droits de l'homme deviendra fasciste ! Et par-dessus le marché en ayant la bombe. Je vous garantis qu'il deviendra alors beaucoup plus chic d'étudier le chinois que le français." (p.43/44)

On peut être noyé dans le flot ininterrompu des intervenants et ce, d'autant plus que la mise en page est dense, sans espace pour respirer, collant ainsi à ce dialogue de fou, rapide, désordonné, sans reprise de souffle. Un livre qu'il n'est pas facile de quitter, à moins de noter précisément la ligne à laquelle on s'est arrêté. Néanmoins, moi qui aime les textes aérés, j'avoue que cette densité sert celui-ci, rajoute de la confusion, de la colère ou de la paranoïa et de la rapidité dans les propos des personnages. C'est décousu, ça part dans tous les sens, mais on comprend tout, même lorsque Bernardo Carvalho balance une information par surprise et que ce ne sont que les phrases suivantes voire les pages suivantes qui l'expliquent.

Il parle de tout : de la France qui lorgne vers l'extrême droite, de la Chine qui domine le monde, de la disparition des langues et de fait de l'appauvrissement du monde : "Il est écrit ici que la diversité est un réservoir d'adaptabilité. Plus il y a de différences, plus nous avons de chances de nous adapter à l'inattendu. Avec davantage de langues, nous avons davantage de possibilité de résister." (p138), du racisme, des noirs, des juifs, des homosexuels, des sectes, de la religion, du trafic de drogue.

Bref, un roman fourre-tout qui paraît fouillis et qui est diablement maîtrisé. Un roman célinien, qui tout en faisant dire aux personnages des énormités plaide en faveur de la différence, de la rencontre d'autrui. Et un auteur brésilien sait de quoi il parle tant les habitants de ce pays sont d'origines diverses.
Lien : http://lyvres.over-blog.com
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Dans Reproduction, un homme divorcé -étudiant en chinois-, est sur le point d'embarquer à bord d'un avion en direction de la Chine lorsqu'il croise son ancienne professeure de chinois, qui l'a subitement abandonné il y a deux ans de cela au milieu de la leçon 22 du quatrième livre du cours moyen. Accompagnée d'une petite fille de cinq ans, elle se fait subitement arrêtée et embarquée par la police alors que l'étudiant de chinois était sur le point de l'aborder. Dans la foulée, lui aussi se fait embarquer pour un interrogatoire.

Paniqué, dans l'incompréhension la plus totale, angoissé à l'idée de ne pas avoir son avion, ou tout simplement par bêtise, l'étudiant en chinois exprime dans un long monologue toutes les pensées qui lui passent par la tête pendant cet interrogatoire. Pendant un seul et unique paragraphe de soixante pages, on le lit déblatérer ses idées racistes et idiotes, ses préjugés douteux et ses pseudo-informations glanées sur des blogs et des articles publiés en ligne par des anonymes et sans source. Triste parangon de l'homme moderne, l'étudiant chinois nous fait subir pendant tout le premier chapitre tout l'ennui de ses idées et de son langage -à tel point que j'ai du ponctuer ma lecture de nombreuses pauses pour ne pas être lassée ni assommée par ce flot de paroles. La seconde partie du livre nous éclaire et nous permet quant à elle de dessiner les contours de l'intrigue qui se cache derrière ces dialogues apparemment sans fond. Long monologue lui aussi, le deuxième chapitre nous fait entendre, suppose-t-on, la voix d'une femme commissaire. A quoi l'ancienne professeure de chinois est-elle mêlée ? Que fait-elle avec une fillette de cinq ans qui n'est pas sa fille ? Pourquoi allait-elle en Chine ? Si l'histoire, l'intrigue même de ce roman nous paraît très obscure au début du roman (voire inexistante), elle se dévoile petit à petit. On remercie Bernardo Carvalho de nous expliquer ce mystère en toute fin du livre - explication offerte comme une récompense d'être arrivé à bout de ces longues tirades. Étrange histoire sur l'immigration, le développement de la Chine, sur ce que les nouvelles technologies de l'information font de nous et sur la recherche de ses racines et du sens à donner à sa vie, Reproduction est, à l'instar de Tant et tant de chevaux, une expérience littéraire à part entière ; une histoire dans laquelle on se lance innocemment, puis à corps perdu, avant de finir par une explication brutale. Une très belle prouesse de créativité !
Lien : http://ulostcontrol.blogspot..
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Citations et extraits (2) Ajouter une citation
Mais, si dans le pays des Droits de l'homme on élit comme président le candidat d'extrême droite ? Hein ? Vous avez déjà réfléchi à ça ? (...) Mais j'attends de voir ce qui se passera quand le pays des Droits de l'homme deviendra fasciste ! Et par-dessus le marché en ayant la bombe. Je vous garantis qu'il deviendra alors beaucoup plus chic d'étudier le chinois que le français. (p.43/44)
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Il est écrit ici que la diversité est un réservoir d'adaptabilité. Plus il y a de différences, plus nous avons de chances de nous adapter à l'inattendu. Avec davantage de langues, nous avons davantage de possibilité de résister. (p138),
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