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sur 420 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Je connaissais Raymond Carver depuis plusieurs années, mais je n'avais encore rien lu de lui. Ma première rencontre avec cet écrivain américain, je la dois à Philippe Djian, qui en parle souvent dans ses livres. Plus tard, j'ai découvert que l'acteur Jean-Pierre Marielle adorait particulièrement ce romancier et nouvelliste. Et plus récemment quelques échanges avec des amis de Babelio, notamment Anne et Idil, m'ont franchement convaincu d'y aller et d'aborder son oeuvre par ce récit de nouvelles, un de ses plus connus, Les Vitamines du bonheur. Voilà un peu posé comme cela une manière d'aller à la rencontre de cet écrivain.
Les Vitamines du bonheur, c'est un recueil de douze nouvelles, qui nous plonge dans l'Amérique profonde de la fin des années soixante-dix.
En effet, ces douze nouvelles nous racontent des tranches de vies ordinaires. C'est une facette de l'Amérique qui nous est révélée ici. Raymond Carver nous brosse une société américaine à travers des portraits de femmes et d'hommes, des familles, mais aussi des personnages solitaires, perdus dans une histoire, des existences souvent désoeuvrées, chaotiques, parfois ruinées, abimées par l'alcool, le chômage, la solitude, l'absence de sens, parfois tout cela en même temps...
Parfois une petite étincelle de bonheur transperce le paysage gris de ces nouvelles. Il faut s'en saisir très vite car elle est éphémère, fuyante.
Aux premières pages, on se surprend à s'étonner de l'absence d'étonnement. L'existence plate et a priori sans perspective des personnages peut en effet dérouter le lecteur et lui donner envie d'aller tout d'abord voir d'autres horizons. Pourtant, ce serait dommage de s'éloigner d'une telle peinture.
La solitude, l'absence de rêve, la tristesse, la résignation irriguent ces douze histoires. On sent peser sur chaque tableau le poids des jours médiocres, l'inutile attente d'un lendemain qui serait meilleur.
On n'y trouve en effet rien de romanesque ici, rien de transcendant au premier abord. Mais ces histoires nous dévoilent des fragments d'humanité, des mots qui se taisent brusquement parmi des gestes hésitants et cabossés.
Des couples qui se déchirent ou se séparent, la perte d'un enfant, un homme divorcé prenant le train pour rendre visite à son fils en France, un groupe d'alcooliques dans un centre de désintoxication, un réfrigérateur qui tombe en panne, une femme dans une salle d'attente avec un révolver dans son sac, une soirée partagée avec un aveugle...
Il y a toujours ici une occasion inouïe de découvrir ce qu'il y a derrière les pages, dans l'ombre de ceux qui s'y promènent, s'égarent.
Derrière la phrase d'apparence anodine de Raymond Carver, il y a tantôt de la dérision, tantôt de l'émotion, mais aussi une souffrance ténue.
L'écriture de Raymond Carver n'est-elle pas une forme d'empathie et de compassion pour des personnages dont certains sans doute lui ressemblaient étrangement ?
Alors je me suis demandé pourquoi l'écrivain laissait ses personnages au bord du gué, au bord du vide imminent, au bord de la page où tout pouvait encore se jouer. Et si, face à l'incapacité de vivre de ses personnages multiples et éparpillés, naufragés à la dérive, nous étions là, lecteurs, pour leur tendre la main, pour les guetter jusqu'au bout de leur histoire... L'auteur nous laisse alors peut-être le soin de leur offrir une dernière chance, une vie nouvelle, un destin éventuel, une manière d'exister peut-être enfin ou autrement, suspendus à notre imaginaire...
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« - Qu'est-ce que vous diriez ? Elle soupire et se renverse dans le fauteuil. Elle me laisse sa main. « Les rêves, vous savez, ça ne dure pas. Il y a toujours un moment où on se réveille. Voilà ce que je dirais » Elle lisse sa jupe sur ses genoux. « Si quelqu'un me demandait, voilà ce que je dirai. Mais on ne me demandera pas », citation p.218.
Ce recueil est fait de douze nouvelles, douze tranches de vie, douze histoires d'américain.e.s ordinaires, douze récits existentialistes. D'où émerge la précarité de l'américain moyen, ces « abimés » de la vie, l'ennui et l'effarement du quotidien, à la marge ... sombre. La mélancolie et le désespoir de gens simples qui ont des espoirs. L'universalité des rapports humains : la recherche du bonheur, de l'amour, ou plus simplement d'un sens à la vie, d'un équilibre …
p. 178 « … mais elle affirmait qu'elle était heureuse. Heureuse. Comme si, pensa Carlyle, le bonheur était tout dans la vie ».
Des phrases courtes, un style épuré, sec et précis. Une écriture efficace ; efficace dans le sens : simple, juste et compréhensible. Une langue où les ellipses tiennent lieu de suspens.
p. 128 « de toute façon, il faut tenter quelque chose. On va d'abord essayer ça. Si ça ne marche pas, on essayera autre chose. C'est ça la vie, non ? ».
Raymond Carver excelle dans ce genre-là, peut-être parce qu'une grande partie de sa vie, il a vécu précisément dans ce milieu ; il est donc également légitime, en plus d'avoir du talent, c'est important aussi, la légitimité. Allez, salut.
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"Dans l'écriture, le désordre et le débraillé me font horreur ! " (R Carver)

Je suis venu aux nouvelles de Raymond Carver par Ciseaux, fiction de Stéphane Michaka, qui raconte les démêlés de Carver avec son éditeur Gordon Lish et propose une profonde réflexion sur l'écriture, prise entre la fièvre de l'ambition et le couperet de l'édition. En attendant Ciseaux en commande, j'ai lu le recueil Les vitamines du bonheur qui reprend douze textes écrits entre 1980 et 1983.


Après lecture d'un premier récit, une question légitime serait: où veut-il en venir ? Carver raconte bien entendu des histoires mais pas au sens ordinaire, avec la présentation d'une situation initiale qui évoluerait vers une autre plus ou moins conclusive, heureuse ou non, assortie d'une chute surprenante voire d'une pirouette bluffante. Non: voici des gens pendant un laps de temps limité, qui vivent un moment de crise, s'y débattent et dialoguent, plan après plan, c'est brut et concis, puis l'auteur les plante, en laissant au lecteur le soin de leur imaginer un destin éventuel. Il y a du Yves Ravey chez Carver – l'inverse plutôt – même si l'Américain ne cherche pas nécessairement à induire le suspense.

L'article d'une inconditionnelle, Martine Laval, rapporte joliment comment Carver observe le monde alentour. Maître incontesté de l'ellipse, maniant l'art du mine-de-rien, "Carver écrit le silence, non pas celui de la sérénité, mais celui de l'abattement, de l'effondrement. Ses phrases semblent anodines, insignifiantes ? Faux. Au détour d'une virgule, elles annoncent l'imminence de la catastrophe. L'abandon, la trahison, la lâcheté. La solitude. le débrouille-toi. Personne n'y peut rien. C'est comme ça. C'est la vie."

On peut penser que Carver compose d'une traite ses histoires élégamment fluent. Dans ses périodes fécondes, il passe de dix à quinze heures d'affilée devant sa table, à relire et réécrire. "Il ne faut pas beaucoup de temps pour écrire le premier jet d'une histoire, une séance habituellement, mais il en faut davantage pour écrire les diverses variantes. J'ai été jusqu'à écrire vingt ou trente versions du même récit. Jamais moins de dix ou douze." (traduit de The Paris Review n°76). Il épluche les phrases, pose des mots et tait beaucoup, calcule la place d'une virgule, impose une respiration, l'essentiel en creux pour faire éclore l'émotion.

(suite sur Marque-pages)

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La vie n'est pas une partie de plaisir pour les personnages de Carver. Les hommes sont pour la plupart taciturnes ou maussades, éreintés par une séparation, un travail alimentaire ou une dépendance à l'alcool. Souvent, tout ça à la fois. Les femmes sont plus combatives. Sans apitoiement, avec des touches d'humour, l'auteur les rend tous incroyablement humains, vrais. Et, par-ci par-là, percent des lueurs de beauté, d'espoir, de réconciliation ou d'acceptation. J'aime beaucoup les nouvelles de Carver !
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Si vous avez le moral dans les chaussettes, évitez d'avaler ces vitamines du bonheur, c'est un conseil !

Voici en effet douze nouvelles mettant en scène des personnes ordinaires confrontées à des drames de diverses natures (des difficultés de couples, des addictions, la perte d'un enfant,...).

En dépit de cette relative noirceur, j'ai personnellement apprécié ce recueil, déniché  dans une boite à livres, et plus particulierement les nouvelles intitulées "C'est pas grand chose mais ça fait du bien" et "La bride". J'ai trouvé qu'il s'en degageait beaucoup d'humanité, avec des protagonistes très courageux malgré les épreuves traversées.
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Voici l'objet de ma seconde expérience de lecture des nouvelles de Carver, après Débutants.
La surprise dépassée, mon admiration demeure intacte devant sa prodigieuse maîtrise des techniques de la nouvelle mises au service d'une narration de situations, non d'événements ni de récits surtout pas introspectifs, lesquelles constituent le moyen sans doute le plus efficace de rendre la noirceur du quotidien des classes populaires américaines contemporaines. Moins dramatiques encore que le souvenir que je garde des situations lues dans le recueil premier - encore qu'une nouvelle soit ici reproduite quasiment à l'identique que dans l'autre ("Ce n'est pas grand-chose, mais ça fait du bien") ; plus quotidiennes encore sans renoncer à paraître insolites...
Une encore plus grande subtilité dans la présence-absence de l'oeil du narrateur...
Des presque-riens que les thèmes de ces nouvelles, des aperçus qui ne parlent guère mais permettent de deviner presque tout...
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Une écriture qui a le goût d'un bout d'aluminium glissé dans un sandwich : on entre en pleine confiance en terrain connu, dans des situations stables (travail, relation de couple, enfant, vacances, des gens normaux dans un monde normal) puis Carver crée ce petit décalage obsédant. Un petit rien du tout qui reste en travers de la gorge et pollue les papilles. Des contes de la folie ordinaire subies, imperceptiblement, pas à pas, au rythme des phrases de l'écrivain.
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Premier contact avec cet auteur dont je connaissais une partie de l'univers grâce à l'adaptation ciné que Robert Altman avait réalisé sous le titre "Short cuts" dans le milieu des années '90.
On retrouve d'ailleurs dans ce recueil, l'une des nouvelles utilisée pour ce film fleuve de 3h, intitulée "Une petite douceur" (à mon avis la meilleure de tout le livre et aussi la plus bouleversante du métrage).

Tranches de vies d'américaines et américains moyens, souvent au mitan de leurs chiches existences.
Récits de couples déchirés, familles recomposées, vies chaotiques prises en tenailles entre petits boulots mal payés, alcoolisme, platitude de l'existence (on regarde souvent la télé faute de mieux dans la plupart de ces nouvelles), déménagements d'un bout à l'autre du vaste territoire US.
Portions d'existences que l'on devine minées par la fatalité d'une condition moyenne aussi collante qu'un chewing-gum collé sous la semelle.

On dirait du Wim Wenders période "Paris, Texas" pur jus tant les univers se ressemblent, l'incommunicabilité en moins toutefois, car on échange abondamment chez Carver (qu'on soit chez une coiffeuse à domicile, ou autour de sujets aussi triviaux qu'un frigo qui tombe en panne et dont il faut rapidement cuire les aliments pour éviter le gaspillage).
Cet univers peut sembler de prime abord trivial, médiocre et inintéressant après les 3 ou 4 premières histoires - majoritairement courtes - mais la capacité de l'auteur à dresser les solides portraits psychologiques de cette myriades de personnages fait mouche pour chacune des nouvelles et l'on s'attache rapidement à ces caractères rapidement mais très finement brossés.

Belle découverte en ce qui me concerne, je lirai certainement d'autres recueils de nouvelles de cet auteur.
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12 nouvelles, une pour chaque mois de l'année.

- Plumes - Un dîner chez un couple, un bébé affreux, un paon, et quelque chose que l'on voit nul part ailleurs... un moulage de dents, posé à la vue de tous sur la télévision....

- La maison du chef - Un ancien alcoolique réussit à persuader sa femme de revenir partager sa vie. Ils sont heureux, sereins, et bien ensemble. Ce bonheur ne va pas durer, ils sont contraints de quitter la maison.

- Conservation - Un gars perd son travail, sa femme travaille. Il reste toute la journée allongé sur son canapé à dormir et regarder la télévision.... Quand un soir le réfrigérateur tombe en panne....

- le compartiment - Il est divorcé, il n'a pas revu son fils depuis très longtemps. Puis un jour il prend le train, sors du compartiment et laisse son pardessus. En revenant, un homme est là, assis endormi. Il a un doute, il a laissé son passeport et la montre qu'il a acheté pour son fils. Celle-ci a disparu.... Il décide finalement de ne pas revoir son fils qui l'attend sur le quai de la gare.

- C'est pas grand chose mais ça fait du bien - Une maman heureuse, va commander un gâteau pour l'anniversaire de son petit garçon. Mais, sur le chemin de l'école, il se fait renverser par une voiture. Il se relève et semble aller bien. Il rentre à la maison, raconte sa mésaventure à sa maman, tombe inconscient....

- Les vitamines du bonheur - Une jeune femme gagne sa vie en vendant des vitamines à domicile.... le temps passe et les vitamines ne se vendent plus....

- Attention - Une femme rend visite à son mari qui a quitté le domicile conjugal. Mais celui-ci à une oreille bouchée.

- Là d'où je t'appelle - Un centre de désintoxication, des alcooliques...

- le train - Une salle d'attente, une femme qui attend son train, dans son sac un révolver....

- Fièvre - Une femme abandonne mari et enfants, pour vivre sa vie. le père cherche un nourrice, jusqu'au jour où....

- La bride - Une famille arrive dans un motel, ils sont sans un sou. L'homme a dépensé tout l'argent dans les courses de chevaux....

- Cathédale - Un aveugle, reçu chez un couple dessine une cathédrale....
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Les nouvelles de Raymond Carver ne se valent pas. Les plus courtes ne sont certainement pas les meilleures.
Par contre, les autres vont vous rester en tête bien plus longtemps comme les différents déboires de cet homme en cure de désintoxication, ou encore, cet enfant, qui a subi un malencontreux accident de voiture, et puis, il y a ce dîner, entre amis auquel madame ne veut pas venir. C'est ici que vous rencontrerez le fameux paon de cette sublime couverture. À ce niveau, c'est Maya Palma qui fera véritablement le bonheur des lecteurs avec les éditions de l'olivier.
Lien : https://www.instagram.com/p/..
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