L'heure du petit déjeuner, chocolat brûlant, pour ces premières heures de vacances. Maman, a laissé le journal à côté de mon bol, page des petites annonces. J'ai quelques poils qui poussent sur le menton, le signe que j'attendais pour trouver un job d'été. Pas encore dix-huit ans, et pourtant une sacrée manne de connaissances, le gars, le grand Maximo (sic) Seigner. Il faut dire que pendant que ses petits camarades découpent des photos de lingeries dans les catalogues maternelles de vente par correspondance, lui le grand Maximo, abonné depuis des années à la revue «
Ici et Maintenant », découpe, classe, fait des fiches sur tous les articles à teneur hautement scientifique, la chaîne du Carbone n'a plus de secret pour lui ni le rôle des mitochondries dans la respiration cellulaire. Et si tu es du genre à penser que mitochondrie est une insulte, abonne-toi de suite aux revues « Connaissance » et «
Ici et maintenant », voir à « Sciences et Vie Junior » pour les moins téméraires.
Entourée au feutre rouge, une annonce requiert toute son attention, il s'agit d'un poste de « groom » dans un hôtel de classe internationale. Après tout, vu ses connaissances sur le monde extérieur, cela pourrait être tout à fait son affaire. Il s'y présente, hôtel Samarcanda, le courant passe étonnamment bien avec la gérante, une belle femme qui, il l'apprendra par la suite, a un beau penchant pour l'alcool. Moi, les femmes qui ont cette délicieuse qualité m'apparaissent toutes plus belles et irrésistibles, elles m'émeuvent. Maximo, lui, se demande comment réagir, avec sa méga culture qu'il a emmagasiné depuis sa plus tendre enfance dans ces magazines «
Ici et maintenant »...
Voilà donc un drôle de roman, par moment burlesque mais essentiellement touchant, l'histoire de cet adolescent, qui n'est pas tout à fait comme les autres, qui vit depuis des années un peu dans son monde à lui, celui d' «
Ici et maintenant », une bulle pour ne pas se laisser envahir par son nabot de frangin et l'absence d'un père. Un roman qui est surtout très bien écrit - donc formidablement traduit, belle plume chatouillante qui se laisse lire aussi bien dans les chiottes d'un hôtel miteux que dans un fauteuil en cuir, vieil odeur de cigare, du hall d'un grand hôtel dont les étoiles s'affichent autant sous la lune bleue à travers la baie vitrée que sur la devanture de celui-ci, un hôtel genre de classe internationale.