Tout le monde pense connaître Giacomo Casanova. Mais qui l'a lu ? Si l'on s'en tient aux utilisateurs de Babelio, ses lecteurs sont environ cent fois moins nombreux que ceux d'Anna Gavalda ou de Dan Brown ; peut-être plus significatif, il y a ici vingt-cinq fois plus de lecteurs de "Cinquante nuances de Grey" que de "L'histoire de ma vie", deux fois plus de lecteurs des Mémoires de Valérie Trierweiler que de ceux de Giacomo Casanova...
Il faut dire que l'œuvre n'est pas facile à aborder : elle s'étend sur douze volumes, soit l'équivalent de 4000 pages... D'où la pertinence de versions très largement abrégées comme celle-ci, constituée en l'occurrence de morceaux choisis sur le thème de "Casanova le voyageur européen". Il est à noter que ces Mémoires ne sont pas une traduction de l'italien : l'auteur les a composés dans un français qu'il maîtrisait à la perfection, notre langue étant au 18ème siècle le sésame indispensable pour évoluer dans les milieux cultivés — comme les choses ont bien changé !
Dans sa préface, l'anthologiste confesse n'éprouver que peu d'intérêt pour "Casanova le Séducteur", et c'est aussi mon cas. Il m'intéresse davantage en tant que voyageur et témoin de son temps. Son existence est loin de se résumer à une suite ininterrompue de parties de jambes en l'air : le héros de ces aventures valant tous les romans est successivement religieux, militaire, occultiste, diplomate... A trente ans, après s'être évadé de la prison où l'a jeté l'Inquisition vénitienne, il se retrouve à Paris où pour le compte de Louis XV il fonde l'ancêtre de la Française des Jeux ! Il entreprend ensuite de se faire un nom dans toutes les capitales d'Europe : Londres, Berlin, Saint-Pétersbourg, Madrid... Ce sont tous ces voyages, effectués entre trente et cinquante ans, qu'il nous est donné d'entrevoir dans ces pages.
Sur cette édition en particulier, j'émettrais quelques réserves. S'il n'est assurément pas facile d'obtenir un récit cohérent en ne sélectionnant qu'un dixième du texte intégral, on aurait peut-être gagné à découvrir un peu moins d'épisodes de cette vie extraordinaire, mais que ceux-ci soient plus longs et mieux contextualisés. Les coupes telles qu'elles sont effectuées ici donnent une impression de "zapping", empêchant souvent de bien cerner les tenants et aboutissants de chaque anecdote. Si la préface est agréable à lire et bien conçue, en revanche le commentateur semble avoir fait preuve d'un zèle malencontreux dans ses notes de bas de page : un lecteur adulte qui prend l'initiative de lire ce genre de texte n'a pas besoin qu'on lui explique ce que sont les calendes grecques, qu'on lui donne la définition d'un badinage, d'un maraud ou d'une bacchanale, qu'on lui explique ce qu'est le musc et d'où il provient...
Cette édition n'en demeure pas moins recommandable, faute de trouver le courage de s'attaquer à l'œuvre intégrale. Je m'étais déjà, si j'ose dire, mainte fois frotté au personnage, au gré de mes diverses lectures sur le 18ème siècle ; j'ai donc été ravi de pouvoir découvrir une partie du matériau d'origine.
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Pour moi, Casanova était presque un personnage mythique: le prototype du séducteur et rien d'autre. En réalité, cet homme a bel et bien existé: originaire de Venise, il a vécu au XVIIIème siècle et il a roulé sa bosse dans toute l'Europe, jusqu'en Turquie. Il a raconté sa vie dans un très long mémoire de 4000 pages, dont la présente édition ne donne que des extraits (heureusement). Il a eu une existence très aventureuse, il a été voyageur, religieux, diplomate, militaire, etc.
Bien entendu, c'était aussi un jouisseur: il a rencontré de nombreuses femmes, mais l'effet de son charme ne semble pas avoir toujours été foudroyant ! L'auteur décrit longuement – dans une langue parfois édulcorée et ampoulée – ses nombreux démêlés amoureux. C'est excitant pendant un moment, mais ça finit par lasser... Pour le reste, Casanova donne un éclairage sur la vie et les moeurs de son époque: une partie des nombreuses anecdotes (parfois piquantes) qu'il raconte dans ses souvenirs, m'a semblé digne d'intérêt.
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L'édition porte comme sous-titre " Anthologie - le voyageur européen " et, pourtant, les extraits choisis racontent tous les aventures amoureuses de Casanova.
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Oh ! ma chère France, où tout dans ce temps-là allait bien malgré les lettres de cachet, les corvées et la misère des paysans, et le bon plaisir du Roi et de ses ministres, qu'es-tu devenue aujourd'hui ? Ton roi est le peuple. Le plus brutal, le plus fou, le plus indomptable, le plus coquin, le plus inconstant, le plus ignorant de tous les peuples. Mais tout retournera peut-être à sa place avant que je finisse d'écrire ces Mémoires ; en attendant, Dieu veuille me tenir loin de ce pays-là frappé par son anathème.
L'idée que j'ai laissée de ma personne dans la maison du docteur Pipers pour ce qui regarde mon caractère ne me ressemble pas. Il m'a pris pour le plus patient de tous les hommes, et sa sœur avec ses jolies camarades, pour le plus modeste. Toutes mes vertus venaient de ma maladie. Pour juger d'un homme, il faut examiner sa conduite quand il est sain et libre ; malade ou en prison il n'est plus le même.
Les Turcs dévots plaignent les libertins mais ils ne les persécutent pas. Il n'y a pas ici d'Inquisition. Ceux qui n'observent pas les préceptes de la religion seront, disent-ils, assez malheureux dans l'autre vie sans qu'on leur inflige quelque punition dans ce monde aussi.
On peut défier tous les physiciens de l'univers de trouver un frein plus puissant que celui-ci contre la démangeaison d'une fille qui sait avoir été belle, et qui se voit dans le risque de devenir laide par sa faute si elle se gratte.
Je crois que la plus grande partie des hommes meurent sans avoir jamais pensé.
Casanova, ou le rêveur éveillé (1975 / France Culture). Raphaël Mengs, “Portrait de Giacomo Casanova”, vers 1760. Émission “Les samedis de France Culture”, réalisée pour le 250ème anniversaire de la naissance de Giacomo Casanova (1725-1798). Diffusion sur France Culture le 3 mai 1975. Par Pierre Barbier. Réalisation : Bronislaw Horowicz. Avec Pierre Barbier, Robert Abirached, Gilbert Sigaux et Hubert Juin. Textes de Giacomo Casanova, Carlo Goldoni, Lorenzo da Ponte, du prince de Ligne lus par François Périer, Pascal Mazzotti, Roger Bret, Pierre Delbon et Catherine Laborde. Giacomo Girolamo Casanova, né le 2 avril 1725 à Venise (République de Venise, actuellement en Italie) et mort le 4 juin 1798 à Dux (Royaume de Bohême, actuelle République tchèque), est un aventurier vénitien. Il est tour à tour violoniste, écrivain, magicien (dans l'unique but d'escroquer Madame d'Urfé), espion, diplomate, puis bibliothécaire, mais revendique toujours sa qualité de « Vénitien ».
Il utilise de nombreux pseudonymes, le plus fréquent étant le chevalier de Seingalt (prononcer Saint-Gall) ; il publie en français sous le nom de « Jacques Casanova de Seingalt ».
Casanova laisse une œuvre littéraire abondante, notamment ses mémoires connus sous le titre “Histoire de ma vie”. Il est cependant surtout connu aujourd'hui en tant qu'aventurier, et comme l'homme qui fit de son nom un synonyme de « séducteur ». Il savait user aussi bien de charme que de perfidie ou d'argent pour conquérir les femmes. Cette réputation provient de son œuvre autobiographique : “Histoire de ma vie”, rédigée en français et considérée comme l'une des sources les plus authentiques concernant les coutumes et l'étiquette en usage en Europe au XVIIIe siècle. Il y mentionne cent quarante-deux femmes avec lesquelles il aurait eu des relations sexuelles, dont des filles à peine pubères et sa propre fille, alors mariée à l'un de ses « frères » francs-maçons, avec laquelle il aurait eu le seul fils dont il eût connaissance, si l'on en croit son témoignage.
Bien qu'il soit souvent comparé à Don Juan comme séducteur, sa vie ne procédait pas de la même philosophie : ce n'était pas un collectionneur compulsif. Parfois présenté (ainsi dans le film “Le Casanova de Fellini”) comme un pantin ou un fornicateur mécanique, qui se détourne de sa conquête dès lors qu'elle s’est donnée à lui, il n'en était rien, il s'attachait, secourait éventuellement ses conquêtes. Personnage historique et non de légende, jouisseur et exubérant, il vécut en homme libre de pensées et de comportements, des premiers succès de sa jeunesse à sa longue déchéance.
Sources : France Culture et Wikipédia
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