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Critique de Soleney


Dans mon souvenir, Graceling était un bon livre qui, bien que doté d'une héroïne que j'avais moyennement apprécié, était prenant et plein de rebondissements.

Après cette relecture, quelques quatre ans plus tard, mon avis est plus négatif. J'ai trouvé que beaucoup de choses étaient très simplifiées (essentiellement dans la première partie), et notamment les personnages. C'était à la limite de la caricature : il y a sept rois et sept royaumes, et les trois quarts n'ont que faire du bonheur de leurs sujets. Ils n'oeuvrent que pour eux-mêmes, usent et abusent de leurs pouvoirs selon leur bon plaisir. Katsa, elle, est la tueuse attitrée de son royal oncle, mais c'est l'héroïne. Il faut bien qu'elle ait bon coeur. Donc elle a fondé un Conseil pour protéger la population de la méchanceté de ses dirigeants (l'équivalent de la Ligue des Justiciers) et on nous explique qu'elle est contrainte de torturer des gens pour le compte de son cruel supérieur, mais que ça la ronge. L'auteure nous détaille aussi à quel point Randa est mesquin et manipulateur, à quel point il est horrible d'utiliser une fillette de dix ans pour mutiler des vassaux qui ont coupé trois hectares de forêt, voire pour mettre des condamnés à mort – à mains nues.
Bref, dans ce monde, les rois sont de beaux salauds. Et juste pour le plaisir, s'il vous plaît.
Je ne peux pas m'empêcher de faire la comparaison avec Martyrs, d'Olivier Peru. L'empereur du Reycorax, très malaimé, prend des décisions extrêmement sévères et n'en est pas moins terriblement complexe. C'est un personnage tyrannique, mais tout en nuances et en contrastes, rongé par la peur, hanté par son apparence, dévoré de honte. Pour moi, c'est la preuve qu'il est possible de dépeindre des rois despotes sans pour autant les faire tomber dans l'exagération.

À côté de ces êtres, Po est un ange de douceur, de compassion et d'altruisme. C'est le seul homme que Katsa connaisse qui ne recherche pas le pouvoir – et en plus il est trop beau, il a des yeux magnifiques, il est musclé, princier, altier, et tellement charmant… Mais il ne faut pas oublier que Katsa est au-dessus de tout ça : elle n'a que faire des apparences. Elle, ce qui l'intéresse, ce n'est pas de porter de jolies robes ou de beaux bijoux, mais de tirer à l'arc et galoper dans la forêt. Et surtout, de ne pas se marier et de ne pas avoir d'enfants.
Bref. Les deux tourtereaux m'ont agacée parce qu'ils sont terriblement clichés… Katsa est torturée par son pouvoir et son rôle de bourreau ; Po est torturé par son pouvoir et le secret qu'il porte ; les deux vont se retrouver et panser leurs blessures et ça va être l'Amour Parfait. Mais pas de mariage, hein, parce qu'on ne veut pas que l'autre nous appartienne.
D'ailleurs, j'ai eu un peu de mal avec cette conception des choses. Pour moi, le mariage c'est plutôt se donner totalement à l'autre. On promet de lui consacrer toute sa vie, de rester à ses côtés malgré les coups durs. Ça m'a surprise que l'auteure le présente comme étant s'approprier l'autre. C'est la dernière chose qui me viendrait à l'esprit, en fait. Moi, j'ai peur de me marier parce que c'est un engagement qui me tient à coeur et qu'il n'y a pas de retour arrière possible. Est-ce que j'hésiterais si ça n'avait été que la possession de l'autre ? C'est le don total de soi, aussi.
Cela dit, il est vrai que la condition de la femme n'est pas la même que dans notre société. de ce que j'ai compris, avoir une relation amoureuse est un risque pour la liberté de la femme, et se marier est la renonciation à toute liberté car elle appartient à son époux.
D'ailleurs, j'ai bien senti que Kristin Cashore a intégré pas mal de notions féministes dans son roman. Katsa ne veut pas d'enfants, et la première réaction de son entourage est de la rassurer : « ça ira mieux plus tard, tu verras ». Comme si l'aspiration de toute femme était de se reproduire. Dans l'esprit de certains, on n'aurait même pas la POSSIBILITÉ de ne pas en vouloir... Kasta ne comprend pas qu'on n'apprenne pas aux femmes et aux enfants, les êtres les plus vulnérables des royaumes, à se défendre. La guerrière rencontre également beaucoup d'hommes mal dégrossis dans les tavernes dont le jeu de la soirée est de toucher le corps de la jeune serveuse en divers endroits – la plupart du temps assez ciblés. La jeune fille effrayée ne sait pas comment réagir, ça indigne Katsa, ça indigne le lecteur, l'auteure a réussi son coup, tout le monde est content.

J'ajouterais aussi que l'héroïne a des réactions qui me dépassent. Elle réagit tellement mal quand elle apprend le secret de Po que j'ai automatiquement pris la défense de ce dernier et que je l'ai trouvée injuste.

Clairement, le point fort de ce livre ne sont pas les personnages. Selon moi, c'est l'action. L'histoire devient de plus en plus mystérieuse au fur et à mesure qu'on avance dans les chapitres, et je ne me suis pas ennuyée. Je dois même dire que j'ai bouclé cette lecture plutôt vite, compte tenu du temps que je lui accordais. J'ai passé un bon moment, et même si certains raccourcis trop simplistes m'ont fait lever les yeux au ciel, j'ai déjà commencé à attaquer Bitterblue. Après tout, Graceling est devenu plus addictif passé les cent premières pages, et les personnages se sont approfondis du fait de leurs liens.
Je suis toutefois assez étonnée d'un détail : pourquoi avoir appelé le prince « Po » ? C'est plutôt moche, comme surnom. Son nom complet n'est pas mieux (apprêtez vos grimaces, s'il vous plaît) : Greening – Verdissant, en français. L'auteure a fait exprès pour taper de la pointe de la botte dans les clichés des princes charmants ou bien elle manquait d'imagination ? Ou alors, est-ce que ce n'est qu'en français que ça sonne aussi mal ?
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