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Dominique Méda (Autre)
EAN : 9782757891162
496 pages
Points (16/09/2021)
5/5   1 notes
Résumé :
L’essor des intelligences artificielles réactualise une prophétie lancinante : avec le remplacement des êtres humains par les machines, le travail serait appelé à disparaître. Si certains s’en alarment, d’autres voient dans la « disruption numérique » une promesse d’émancipation fondée sur la participation, l’ouverture et le partage.
Les coulisses de ce théâtre de marionnettes (sans fils) donnent cependant à voir un tout autre spectacle. Celui des usagers qui... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Bienvenue dans un monde automatisé, intelligent, où toutes les décisions pourront bientôt être prises de manière autonome par une intelligence supérieure et indépendante libre de tout entrave...

Heureusement qu'Antonio Casilli est là pour déconstruire ce mythe d'une automatisation complète que nous rabâchent GAFAM et startups, et rétablir une vérité invisible : celle d'une nouvelle organisation du travail numérique, qui n'échappe pas à un découpage des tâches et à une externalisation de la nouvelle classe ouvrière du clic !

A travers une analyse structurée et illustrée de ce que l'on nomme désormais le "digital labor", l'auteur revient sur la qualification d'entreprise en tant que plateforme, ce qui permet de s'absoudre d'une certaine responsabilité, et de masquer l'entraînement finalement très humain des algorithmes. La valeur ajoutée de ces plateformes gratuites est produite par leurs utilisateurs, qui travaillent eux aussi gratuitement, et ce de manière volontaire (à l'image des nombreux lecteurs et critiques de Babelio, d'ailleurs cité par Casilli !). le travail et la production de valeur sont donc désormais délégués à un réseau, qui, par son travail de qualification (notes, ranking, évaluation des produits), permet à la plateforme de monétiser (vente des données, centralisation de paiement, monétisation de sa communauté pour les publicitaires), puis enfin d'automatiser une partie de son contenu...sans devoir pour cela payer en tant que salariés ceux qui ont produit une partie de cette valeur ! C'est aussi ici qu'intervient une "gamification" de l'utilisation de certaines plateformes, à travers des récompenses, des badges qui incitent les utilisateurs à s'investir et à fournir toujours plus de contenu utile à la plateforme.

L'exemple d'Uber est évidemment emblématique : en plus d'introduire le terme de "surge pricing" (tarification dynamique), il illustre également la manière dont chauffeurs et utilisateurs produisent (à leur insu ?) des données qui seront ensuite valorisées par la plateforme : notations, données de géolocalisation, temps morts et pics de demande...

Face à ce prolétariat numérique qui travaille et créé de la valeur pour presque rien, les grandes plateformes répondent que l'investissement de leurs membres a une valeur sociale, que ces derniers prennent du plaisir à contribuer à un projet : en bref, les enferment dans une posture d'amateur plutôt que de professionnel, de contributeur libre plutôt que de travailleur ayant des droits associés.

En attendant des robots est un merveilleux exposé du digital labor tel qu'il existe aujourd'hui, et permet, grâce aux nombreux exemples analysés, de préciser de nouvelles notions propres à ce travail numérique où des clics humains participent d'un mythe d'intelligence artificielle. S'opposant aux dérives des plateformes, Antonio Casilli propose la reconnaissance du digital labor comme travail salarié à part entière, une cohérente redistribution de la valeur créée, ainsi qu'une convention collective autour des données, qui permettrait de considérer ces dernières comme une propriété inaliénable de l'utilisateur, ou a minima d'introduire une notion de fiscalité des données...

Un essai complet et fascinant, qui décortique l'envers des interfaces que nous utilisons quotidiennement. A lire d'urgence !
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Citations et extraits (6) Voir plus Ajouter une citation
Dans un texte de 2017, Tarleton Gillespie souligne trois raisons pour lesquelles cette notion se prête à des instrumentalisations particulièrement lourdes de conséquences d'un point de vue politique. Premièrement, les plateformes s'affichent comme de simples intermédiaires et non pas comme des moteurs d'interactions sociales et de stratégiques dans le domaine économique. Cependant, leur prétendue horizontalité dissimule des structures hiérarchiques et des liens de subordination qui persistent malgré l'emploi systématique d'une rhétorique des "structures organisationnelles plates". Deuxièmement, l'insistance sur leurs technologies à forte valeur ajoutée occulte l'élément humain. La neutralité qu'elles affichent les défausse de toute responsabilité sociale et masque leur empreinte sur les collectivités humaines. Troisièmement (et c'est le point fondamental), la précision et l'autonomie que revendiquent ces entités techniques occultent la quantité de travail nécessaire à leur fonctionnement et à leur entretien.
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À cet égard, l'automation est avant tout un spectacle, une stratégie de détournement de l'attention destinée à occulter des décisions managériales visant à réduire la part relative des salaires (et plus généralement de la rémunération des facteurs productifs humains) par rapport à la rémunération des investisseurs.
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Comment articuler l'approche hédoniste avec la présence, sur les médias sociaux, de dynamiques de délégation de tâches productives aux usagers ? La réponse apportée par les travaillistes a consisté à invoquer la fausse conscience et l'aliénation de ces derniers, voire à les blâmer de s'y complaire. C'est ignorer les injonctions contradictoires que leur imposent les plateformes, en les poussant, pour ainsi dire, au bord de la professionnalisation, tout en les décourageant d'entreprendre le grand saut qui consisterait à faire de leurs usages un véritable métier.
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Les inquiétudes contemporaines sur la disparition du travail sont un symptôme de la vraie transformation en cours sa digitalisation. Cette dynamique technologique et sociale pointe la métamorphose du geste productif humain en micro-opérations sous-payées ou non payées, afin d'alimenter une économie informationnelle qui se base principalement sur l'extraction de données et sur la délégation à des opérateurs humains de tâches productives constamment dévaluées, parce que considérées comme trop petites, trop peu ostensibles, trop ludiques ou trop peu valorisantes.
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Aussi, quelle que soit la réalité de leur mission sociale et de leur responsabilité éthique, ces initiatives finissent par être parties prenantes de la vague d'externalisation et de dumping social international qui entraîne in fine un alignement à la baisse des rémunérations et des conditions de travail à travers le monde. La mise en concurrence des travailleurs des pays industrialisés avec les usagers des plateformes de microtravail du Sud s'avère particulièrement problématique. Si l'impact sourcing doit contribuer à réduire les inégalités par l'emploi équitable, il échoue potentiellement deux fois parce qu'il ne favorise pas forcément l'emploi dans les pays du Sud, et parce qu'il creuse les inégalités et augmente la précarité au sein des pays du Nord.
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Videos de Antonio A. Casilli (11) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Antonio A. Casilli
En Europe, 55% des travailleurs des plateformes gagnent moins que le salaire minimum horaire net de leur pays. Lundi 11 mars 2024, l'Union européenne a approuvé un accord pour protéger les travailleurs des plateformes numériques. Si certains considèrent cette directive comme une "avancée sociale majeure", permettra-t-elle réellement de sortir ces travailleurs de l'ubérisation ?
Pour en parler, François Saltiel reçoit : Sophie Bernard, sociologue et autrice de "UberUsés" Antonio Casilli, professeur de sociologie à l'Institut Polytechnique de Paris Brahim Ben Ali, secrétaire général du syndicat de chauffeurs VTC
#politique #uber #numérique ________________ Retrouvez tous nos replay Twitch ici https://youtube.com/playlist?list=¤££¤4Suivez France Culture12¤££¤1xIlXOL9aW et les épisodes du "Meilleur des mondes" là https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/le-meilleur-des-mondes
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