[Livre reçu dans le cadre de l'opération Masse Critique]
Les Étincelles écrites précédemment par
François Cassingena-Trévedy étaient des recueils de poésie. Bien qu'il s'agisse ici d'un récit de voyage, on retrouve le poète dans la précision des mots et la beauté des images, comme ici par exemple : « Le vent du nord ouvre alors une large clairière bleue dans le ciel. le sol étincelle, avenant comme la nappe damassée d'un déjeuner de fête ». (p.47)
L'auteur est aussi moine bénédictin. J'ai parfois l'impression que la religion fait peur. Sur Babelio par exemple, le résumé de «
Cantique de l'infinistère » commence par [LIVRE RELIGIEUX]. le lecteur est averti, comme pour éviter à tout prix qu'il entre dans le sujet religieux à son insu. Y aurait-il un danger, un risque de piège ? Cet ouvrage-ci est pourtant agréable et intéressant à lire tant pour les croyants que pour les non-croyants (à condition simplement d'être ouvert à la culture chrétienne). L'aspect religieux du livre se trouve dans l'évocation de certains gestes quotidiens de l'auteur (la prière notamment), dans des citations et des réflexions.
Virgile aussi sera cité, et même
Jean-Louis Murat, entre autres. Nous assistons par cette lecture au voyage d'un lettré dont le chemin parcouru alimente les pensées, émotions, souvenir de lectures. L'auteur ne tente nullement de nous convertir, mais nous invite plutôt à « arpenter le sacré », comme l'indique bien à propos le nom de la collection à laquelle ce récit appartient.
La personnalité de
François Cassingena-Trévedy, que je ne connaissais pas avant de lire ce livre, a piqué ma curiosité. Elle m'a permis de construire avec plus de subtilité l'image que j'ai de la monasticité. Être moine n'a pas empêché cet auteur de donner priorité dans sa vie à sa liberté de penser (ce qui lui a valu de changer de monastère), d'écrire des livres, de quitter son abbaye de temps en temps pour passer quelques jours en mer à partager le quotidien de pêcheurs, ou en Auvergne, ce dont il est question dans ce livre. À lire à propos de Cassingena-Trévedy l'intéressant chapitre que
Gabriel Ringlet lui consacre dans son livre «
effacement de Dieu. La voie des moines-poètes ».
On trouve dans ce livre un amour profond et rude pour la terre (« l'extrême densité des choses rurales », p.67), qui me touche beaucoup (j'ai veillé moi aussi à lui faire la part belle dans ma vie). Il faut voir avec quelle précision affectueuse l'auteur décrit les gestes qu'il a eu lors de la petite matinée qu'il a passée dans une ferme. Il faut lire avec quels mots il décrit son ami agriculteur auvergnat. Chez
François Cassingena-Trévedy, la foi et l'attachement à la terre sont profondément liés.
Ici le voyage, le dépaysement, est vu comme « utile à l'édification de l'homme intérieur ». On remarquera que notre voyageur n'a pas cherché la facilité en planifiant une randonnée sur les volcans d'Auvergne au mois d'octobre. Par ces descriptions de la fin couche de neige déjà tombée, de l'écir, ce grand vent d'Auvergne, et de la brume souvent présente qui empêche plusieurs fois la contemplation d'un paysage espéré (et mérité par l'effort des mollets), on devine que l'auteur les recherchait, que sans eux le voyage n'aurait pas « offert à l'âme le portrait tangible de son immensité, la confirmation sereine de son inquiétude, le chez-soi le plus cher, en somme, de ses propres lointains ».
Un livre que je rangerai à côté de ma collection de revues Ultreïa, parce que j'y trouve une même vision du sacré. Celui qui nourrit, qui rend la vie plus riche et plus profonde, qui embellit le quotidien, qui initie les réflexions, qui donne foi en l'avenir, qui nous connecte à nos choix de vie et à notre liberté, qui nous invite à poser des pas aventureux, tout en nous enfonçant toujours plus à l'intérieur de l'imaginaire collectif et ainsi, de nous-même.