AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet

Jean Seidengart (Traducteur)
EAN : 9782204062763
144 pages
Le Cerf (13/03/2000)
4/5   1 notes
Résumé :
Après avoir lu de près et annoté le manuscrit de Cassirer sur la théorie de la relativité, Einstein se montra très intéressé et lui adressa cet éloge dans sa lettre du 5 juin 1920 : "C'est avec un très grand intérêt que j'ai étudié de manière approfondie votre ouvrage et j'ai surtout admiré l'assurance avec laquelle votre esprit maîtrise la théorie de la relativité. [...] Je crois que votre ouvrage est tout à fait propre à éclairer les pensées et les connaissances d... >Voir plus
Que lire après La theorie de la relativite d'einstein oeuvres volume XXVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
Si la physique semble exercer une certaine fascination sur les philosophes, de leur côté les physiciens se défient souvent de la philosophie. Particulièrement depuis l'avènement de la théorie de la relativité. Avec elle, presque d'un coup la figure fondatrice de Newton, pour qui la physique constituait la “philosophie naturelle”, prit la teinte surannée d'un respectable grand ancêtre.
En réalité, c'est Kant qui transforma cette philosophie naturelle en un objet philosophique qu'on allait bientôt nommer la Science pour se détacher de l'activité philosophique proprement dite. Mais lorsque Newton affirme qu'il ne saurait “forger d'hypothèses” sur la nature même de la gravitation quand il se borne à en découvrir les principes mathématiques, ne faut-il pas voir là le point de bifurcation de deux démarches intellectuelles jusqu'alors intriquées? L'une allant de l'imagination conceptuelle au faits; la science - l'autre des faits à l'imagination conceptuelle; la philosophie.
Depuis lors, on a éprouvé le besoin d'éclaircir l'idée même de ce que nous savions du savoir lui-même et se sont élaborés ce que l'on nomme aujourd'hui des épistémologies ou, comme Cassirer, des théories de la connaissances.
Kant n'est certes pas le premier à théoriser sur la connaissance. Pour preuve, le mot même d'épistémologie, synonyme de “philosophie des sciences”, renvoie au concept d'épistémé par lequel Platon désignait une connaissance certaine (par opposition à la doxa - qu'on traduit pas “opinion”). Par ailleurs, l'idée de science expérimentale est apparue avec Galilée qui en décrit les principes dans “L'essayeur” et ses “Dialogues sur deux sciences nouvelles”. C'est Galilée qui postulat que “livre de la nature était écrit en langue mathématique”. Mais la physique mathématique de Galilée n'avait pas encore acquit les caractéristiques d'un système tel que celui que les découvertes de Newton aillaient suggérer aux philosophes du 17e siècle.
Le système de Kant s'appuyait sur un référentiel qui présentait alors toutes les caractéristiques d'un savoir absolu; la physique de Newton formait pour lui le cadre de pensée devant guider toute réflexion sur la connaissance; en particulier à travers les concepts d'espace et de temps.
La question étudiée par Cassirer dans cet ouvrage est la suivante: que reste t'il de la philosophie de Kant avec l'avènement de théorie de la relativité? S'effondre t'elle? Peut-elle conserver une certaine pertinence? Moyennant quels éventuels changements?
Toutefois il s'agit moins de sauver Kant que de le remettre en perspective: le but reste de faire de point sur la possibilité d'une théorie de la connaissance. Cassirer analyse avec minutie le statut de la géométrie, les concepts d'espace et de temps, l'évolution des concepts de masse et d'énergie, l'apparition du concept de champs. Les connaissances de Cassirer en physique mathématique, le nombre de ses lectures sont proprement vertigineuses; il ne se dit pas physicien mais témoigne d'une maîtrise de son sujet étonnante pour l'époque où il écrit (1920); on est très loin du quiproquo Einstein/Bergson lors de la visite du physicien Paris en 1922. Ce livre réconcilierait probablement de nombreux physiciens avec la philosophie.
Commenter  J’apprécie          10
A la fin du XIXème siècle, la précision des appareils mesurent des vitesses de la lumière qui ne sont plus en cohérence avec les notions de temps et d'espace présupposées par la physique galiléo-newtonienne.

Qu'à cela ne tienne : Einstein postule que l'invariant est la vitesse de la lumière... et tant pis pour l'espace et le temps.
En conséquence de la théorie de la relativité générale, la matière n'est plus qu'un ensemble de propriétés, la masse devient une accélération, la permanence de l'unité de l'objet disparaît derrière celle des lois qui en régissent le phénomène, le temps et l'espace ne sont plus que des coordonnées associées à un événement et perdent leur caractère absolu.

Ces changements ne sont pas sans interroger la notion de vérité : que devient la vérité de l'expérience humaine si le temps absolu et l'espace a priori que présuppose l'être humain ne sont que des variables et que les constantes, la gravité et la relativité, sont inaccessibles à ses sens ?

Rassurons-nous, la théorie de la relativité générale n'a aucune conséquence sur l'expérience quotidienne que nous faisons du temps, de l'espace et de la matière. Pour la physique en revanche, il faut mettre au placard les notions d'éther, de temps absolu et arrêter de penser que la géométrie est un modèle parfait pour la représentation spatiale.

En philosophie, les sceptiques penseront toujours que tout est bidon puisque les sens perçoivent autre chose que des lumières courbes, mais il est possible de leur opposer que le doute sur la notion de réalité ne date pas d'hier et qu'il faut peut-être commencer à envisager une régulation de l'évidence de l'illusion des sens par un cadrage réflexif. Il est possible de compléter la démonstration en ajoutant que la relativité générale n'enseigne pas qu'il n'existe que des vérités particulières mais que la vérité consiste en la mise au point de principes qui réalisent la meilleure cohérence valable pour la coordination de tous les systèmes de description de la réalité. Si la théorie évoque la relativité, la vérité, elle, reste universelle.

Malgré tout, si les conclusions sur la physique étonnent, il est possible d'en voir une anticipation dans la philosophie de Kant, qui avait indiqué, déjà, que temps et espace n'étaient pas des absolus, que l'on n'obtient comme résultats que ce que l'on veut mesurer et que la réalité n'est jamais qu'humaine. La vérité n'est jamais que l'amélioration de la cohérence du système global de modélisation de notre environnement depuis notre point de vue qui lui, reste humain : la vérité absolue n'est pas pour demain, mais le temps avançant, l'histoire de la science, qui est l'histoire des principes de vérité, finira bien par y mener, bien que la réalité, elle, reste humaine. Tout ceci donne pas mal de travail à la philosophie (et à la littérature ?).

L'écriture de Cassirer entraîne dans de grandes phrases qui stimulent l'intuition et font voir ce que l'on veut savoir. Très plaisant à lire, malgré les irruptions intempestives de Kant.
Commenter  J’apprécie          10
Commenter  J’apprécie          00

Citations et extraits (10) Voir plus Ajouter une citation
Si Kant - comme les écrits de Hermann Cohen sur Kant l'ont répété avec insistance et l'ont prouvé sous tous les angles - n'avait d'autre intention que de systématiser philosophiquement la science newtonienne de la nature, sa doctrine ne devra-t-elle pas être liée au destin de la physique newtonienne, et tous les changements survenus à cette dernière ne devront-ils pas réagir directement sur la forme des enseignements fondamentaux de la philosophie critique? Ou bien, les enseignement de l'"Esthétique transcendantale" offrent-ils un fondement suffisamment vaste et solide pour supporter aussi bien l'édifice de la Mécanique newtonienne que celui de la physique moderne? Le développement futur de la critique de la connaissance dépendra de la réponse à cette question. S'il apparaissait que les nouvelles conceptions physiques de l'espace et du temps ont fini par conduire aussi loin de Kant que de Newton, alors serait venu pour nous le moment d'aller au-delà de Kant en nous fondant sur les présuppositions kantiennes. En effet, ce à quoi aspirait la 'Critique de la raison pure', ce n'était pas de fonder la connaissance philosophique une fois pour toutes sur un système de concepts figé et dogmatique, mais d'ouvrir "la voie continue d'une science" dans laquelle il ne peut y avoir ni pause ni halte absolue, mais seulement des étapes toujours relatives.
Commenter  J’apprécie          30
Avant-propos

Le présent ouvrage n'a pas la prétention d'exposer dans son intégralité le problème philosophique que pose la théorie de la relativité. J'ai bien conscience que les nouvelles tâches que présente cette théorie à la critique générale de la connaissance ne pourront être menées à bien qu'à l'aide d'une collaboration progressive des philosophes et des physiciens. ici, il m'importe seulement d'essayer d'ouvrir ce travail, de lancer la discussion et, si possible, de lui indiquer des voies méthodiques déterminées face à l'incertitude du jugement qui règne encore à présent. Cet ouvrage aurait atteint son but s'il parvenait à ouvrir la voie à une compréhension mutuelle entre les philosophes et les physiciens sur des questions au sujet desquelles leurs jugements demeurent encore profondément divergents; Cette présentation montrera que je me suis efforcé de rester le plus étroitement au contact de la science physique, également dans les discussions purement consacrées à la théorie de la connaissance, et que les écrits des principaux physiciens du passé et du présent ont partout contribué substantiellement à déterminer l'orientation intellectuelle de la présente investigation. Les indications bibliographiques qui se trouvent à la fin de l'ouvrage ne prétendent pas cependant être totalement exhaustives: n'y figurent que les œuvres qui ont été maintes fois prises en considération et fréquemment citées au cours de l'exposition.
Albert Einstein a lu le manuscrit du présent essai et l'a annoté de remarques critiques particulières qu'il a rédigées au cours de la lecture: je ne puis achever cet ouvrage sans lui exprimer cordialement ici tous mes remerciements.

Hambourg, le 9 août 1920.
Ernst Cassirer
Commenter  J’apprécie          10
Contrairement à la conception simpliste de l'objectivité, est dit objectif non pas tout ce qui existe comme détermination particulière d'un objet indépendant du sujet, mais la connaissance qui procède selon des lois nécessaires et universellement valables.
Commenter  J’apprécie          10
Toute mesure soutient un moment purement idéal : ce n'est pas tant à l'aide des instruments de mesure sensibles et réels que nous mesurons les processus naturels, mais c'est bien plutôt avec nos propres pensées.
Commenter  J’apprécie          00
La physique doit toujours avoir préalablement déterminé pour elle-même ses propres normes de mesure avant de procéder aux observations.
Commenter  J’apprécie          00

>Physique>Théories et physique mathématique>Théorie de la relativité (24)
autres livres classés : relativitéVoir plus
Les plus populaires : Non-fiction Voir plus


Lecteurs (7) Voir plus



Quiz Voir plus

Philo pour tous

Jostein Gaarder fut au hit-parade des écrits philosophiques rendus accessibles au plus grand nombre avec un livre paru en 1995. Lequel?

Les Mystères de la patience
Le Monde de Sophie
Maya
Vita brevis

10 questions
438 lecteurs ont répondu
Thèmes : spiritualité , philosophieCréer un quiz sur ce livre

{* *}