AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
EAN : 9782377561148
160 pages
L'Ogre (19/05/2022)
4.1/5   36 notes
Résumé :
Si l'obscurité est un lieu dont les habitants sont infréquentables, c'est aussi un miroir à peine déformant que nous tend Ariadna Castellarnau.


En huit nouvelles, d'une écriture lapidaire, noire et poétique, qui évoque Cormac McCarthy et Volodine, Ariadna Castellarnau explore l'envers étrange et ténébreux des relations humaines.


Le monstre qu'elle met au jour n'est pas un fantasme, un fou ou une personne violente, mais b... >Voir plus
Que lire après L'obscurité est un lieuVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (9) Voir plus Ajouter une critique
Si vous ne connaissez pas encore le nom d'Ariadna Castellarnau, c'est certainement que vous n'avez pas lu son premier roman, Brûlées, paru aux éditions de l'Ogre en 2018. Depuis cette dystopie incandescente, l'autrice catalane n'est pas restée inactive, loin de là. Elle signe aujourd'hui un recueil de nouvelles fantastiques au titre aussi sublime qu'évocateur : L'obscurité est un lieu. Au travers de huit histoires brillamment traduites par Guillaume Contré, Ariadna Castellarnau tisse un monde inquiétant et ténébreux où le conte devient cannibale, où les familles deviennent des monstres.
Préparez-vous au choc !

Après une préface passionnante signée par nulle autre que Mariana Enriquez, l'autrice du monumental Notre Part de Nuit, le lecteur rencontre l'univers torturé et puissamment dérangeant d'Ariadna Castellarnau.
Dans son monde, des êtres mystérieux surgissent dans le quotidien souvent morose voire dramatique des êtres humains. Lorsque le Grand trouve Lucia quelque part au Nord de l'Argentine, au plus profond d'une forêt inconnue, c'est pour mieux lui montrer l'obscurité qui s'apprête à recouvrir son existence. Quand une jeune fille blafarde surprend Igor dans un entrepôt abandonné, c'est pour lui faire prendre conscience de l'horrible trafic auquel il se livre. Et voici qu'arrive un bébé inattendu et beaucoup trop calme dans « L'île dans le ciel » afin de mettre un terme à ce semblant d'existence que mène Rebeca et son mari Noel. Créatures inquiétantes qui ont souvent visage humain, les apparitions d'Ariadna Castellarnau sont autant d'avertissements sur l'horreur sourde qui règne en maître dans les vies brisées que nous croisons au fil des pages.

Dans « L'obscurité est un lieu », c'est la fuite d'une famille qui devient le moteur premier de la terreur, c'est l'embourbement d'un père, le Suédois, compromis avec la pègre et l'argent. Lucia, jeune fille trop intelligente pour son propre bien, comprend que l'horreur se niche parfois dans ce que l'on ne voit pas. Comme ce gros Vilette le fou et ses cadeaux qui dégoûtent. Comme ce job dont son père ne parle jamais. Comme cette vie de misère qu'il menait avant de faire un pacte avec le Diable. Vient alors l'obscurité vraie, et le Grand. Un nouveau chemin qui emmène notre héroïne vers les ténèbres véritables. Chez Ariadna Castellarnau, l'horreur est un fait insidieux, l'inquiétude est une atmosphère du banal. On la retrouve à son paroxysme dans « Calypso » et ce voyage contre-nature, entre une jeune fille venue d'on ne sait où et un trafiquant d'enfants qui les promet à des horreurs volontairement tues. La catalane livre son chef d'oeuvre, sa pierre noire incandescente avec cette histoire d'une insupportable violence mais qui n'en montre jamais un seul indice comme peut le faire un Bolaño.
Car la violence, souvent, se fait à l'écart du monde.

La cellule familiale se décompose sous la plume de l'autrice hispanique.
On retrouve dans « Marina Fun » tout ce qui constitue le caractère dérangeant et malsain des histoires de Castellarnau. le récit d'un garçon-sirène gardé en captivité par ses parents pour se faire de l'argent tout en exploitant son petit frère au passage. Quelque chose de profondément perturbant s'enracine dans le sourire carnassier qui saisit le lecteur en imaginant cet être surnaturel qui rêve de manger des pizzas lorsque son frère, lui, voudrait juste s'envoyer en l'air et, surtout, pouvoir exister par lui-même. La famille devient un élément rance et perverti, comme dans « Au meilleur de tous nos enfants » où Vilma revient dans son petit village qu'elle a jadis quitté pour trouver le succès et la gloire. Sa mère lui murmure des phrases incompréhensibles dans l'oreille tandis que ses deux soeurs, des jumelles étranges, semblent sortir tout droit de Shining ou d'Alice au pays des Merveilles. Quelque chose ne tourne pas rond dans cet endroit qui ne veut pas laisser partir les siens, et l'on ne parle pas seulement de ce petit village trop tranquille pour être honnête…

C'est aussi dans la mort qui hante les cellules familiales imaginées par Ariadna Castellarnau que l'on se plonge. La mort d'une soeur submergée par une terrible inondation dans « Soudain, un déluge ».
Ici, Mauro vit avec son père anéantit au milieu d'un delta progressivement bétonné par de riches propriétaires terriens. Et si l'horreur pourrait venir des ossements de sa soeur retrouvés dans un ruisseau à sec, c'est par l'obsession de la ressusciter en en faisant une poupée d'os que l'indicible montre sa vilaine face. Celle d'un simulacre sinistre où l'on tente de survivre alors que le monde s'est déjà écroulée depuis longtemps. On retrouve ce désespoir latent dans « Les enfants jouent dans le jardin » qui voit une mère en deuil, Laura, se retrouver en proie à une home invasion peu ordinaire : celle d'enfants qui viennent commémorer avec elle la mort de sa fille. Mais entre les remords et les regrets, la chaleur et le réconfort deviennent vite asphyxiants, intrusifs, terrorisants. Si l'autrice catalane épate par son sens de l'écriture à la fois précise et tranchante, c'est aussi sa façon de détourner le conte et le mythe biblique qui achève de convaincre de son talent presque surnaturel lui aussi.

Une large partie des histoires rassemblées ici renvoie à la noirceur originelle des contes ancestraux. Ariadna Castellarnau convoque des êtres surgit d'on ne sait trop où pour nous emmener toujours plus loin dans la tristesse et la folie des hommes. Si le bébé anonyme de « L'île dans le ciel » apparaît comme un Jésus contrefait et si la jeune fille de « L'homme de l'eau » passe du statut de Messie à celui de cavalier de l'Apocalypse, c'est aussi parce que les mythes les plus partagés sont ceux de la religion, et qu'en un sens, le conte oppose ici des créatures païennes aux formules célestes de la Bible. le Grand surgit d'une forêt primordiale presque impénétrable, le garçon-sirène détourne le mythe des marins endurcis et les fantômes se baladent un peu partout parmi les pages de ces huit nouvelles, à la fois vengeurs et mélancoliques.
Comme le dit si justement Mariana Enriquez, Ariadna Castellarnau parvient à saisir « un monde qui vit et respire derrière le voile de la réalité », elle répond aux mythes et aux contes par l'horreur d'un réel qui brûle jusqu'à se consumer entièrement, corps et âme.

Prodigieux recueil de nouvelles, L'obscurité est un lieu s'immisce dans les interstices du réel et y déniche les fantômes qui peuplent le monde des hommes. Un monde inquiétant et parfois même terrifiant où Ariadna Castellarnau nous lâche la main sans prévenir, nous laissant pour seul guide sa plume incantatoire et brûlante au milieu des ténèbres.
Lien : https://justaword.fr/lobscur..
Commenter  J’apprécie          320
Lors d'un entretien pour le média The Objective en 2020, Castellarnau a déclaré : "Je crois que l'esprit humain est un lieu plutôt sombre. La plupart des personnes, et j'en fait partie, passent beaucoup de temps enveloppés dans leurs phobies, leurs manies, leurs cauchemars ou leurs peurs". Difficile de faire une meilleure description de ce que représente L'Obscurité est un lieu.

L'Obscurité est un lieu est un recueil regroupant 8 nouvelles sombres et étranges, paru en France en 2022 aux éditions de l'Ogre. La talentueuse Ariadna Castellarnau avait déjà fait sensation en 2018 (sortie France) avec son roman Brûlées, qui remporta en 2015 le prix international Las Americas du meilleur roman latino-américain. L'univers inquiétant d'Ardiadna Castellarna m'a de suite enveloppée dans son cocon fantastique déconcertant qui mêle beauté et monstrueux avec beaucoup de simplicité. Ce n'est donc pas une surprise que l'ouvrage soit préfacé par la brillante Mariana Enriquez, dont les recueils "Ce que nous avons perdu dans le feu" et "Les dangers de fumer au lit" sont tous deux taillés dans la même veine troublante et perturbante.

De la première à la dernière nouvelle, nous sommes confrontés à un réalisme brutal aux frontières d'un fantastique sombre et tourmenté. Un sentiment de malaise persiste et grandit à mesure que les pages se tournent. le recueil s'ouvre sur la nouvelle éponyme de l'ouvrage, L'Obscurité est un lieu, dans laquelle une famille suédoise fuit la pègre qui est à ses trousses. L'horreur ne se voit pas, mais elle est exacerbée de manière insidieuse avec le personnage de la petite Lucia, qui en a assez de fuir et se cacher. "La lumière est un lieu, l'obscurité en est un autre. Où veux-tu être, Lucia ?". Un chemin vers les ténèbres véritables qui nous attendent "depuis toujours et pour toujours". Un clair obscur percutant.

Si je ne devais retenir qu'une nouvelle dans ce recueil, il s'agirait probablement de "Soudain, un déluge", qui m'a profondément bouleversée par son horreur et sa tristesse. Mauro vit avec son père dans une modeste maison au beau milieu d'un delta qui se fait petit à petit grignoter par des promoteurs immobiliers véreux. La nouvelle s'ouvre brutalement avec le père qui apporte des restes humains, sur lesquels "il y avait encore un peu de chair collées aux os", annonçant sans ménagement qu'il s'agit de sa soeur disparue lors d'une crue. Mais ce n'est pas ici que réside la terrible réalité. L'horreur monte d'un cran lorsque Mauro réalise une poupée d'os de sa soeur, Miranda, pour tenter de la ressusciter. On se retrouve alors pris entre la pitié face à la détresse d'un petit garçon qui a perdu sa soeur, et l'atrocité de la situation. Une famille morcelée, littéralement.

Une autre nouvelle qui m'a beaucoup marquée est "Marina Fun", histoire centrale qui illustre parfaitement le réalisme malsain et tourmenté des personnages. C'est l'histoire d'un petit garçon-sirène, Nilo, exploité par ses parents comme un monstre de foire pour se faire de l'argent. L'horreur et le malaise s'immiscent au sein de la structure familiale, là où on ne l'attend pas. On débarque dans cette famille comme un cheveu sur la soupe, Castellarnau n'a pas prévu de nous donner d'explication quant à cette anomalie, cette monstruosité qui surgit dans un quotidien maussade et ordinaire. C'est là que le surnaturel s'introduit le mieux dans la réalité morose des gens "normaux".

L'Obscurité est un lieu nous offre des récits emprunts de mysticisme et de folklore, de par ces êtres surnaturels qui surgissent de nulle part, sans passé, sans histoire. A ce titre, "L'homme de l'eau" tient plus du conte merveilleux que de la nouvelle fantastique. Comme l'explique Enriquez dans la préface, nous sommes face à des miracles, des prophéties, des hommes saints. Et que dire de "Lîle dans le ciel", dans lequel un bébé aux yeux violets est abandonné dans un panier d'osier au pied de la porte de Rebecca et Noël ? Cet enfant, que Rebecca nomme Jésus, arrive aussi mystérieusement qu'il repart, engloutit dans les eaux du lac.

L'Obscurité est un lieu est un fabuleux recueil de nouvelles qui s'immisce dans les peurs enfouies au plus profond de nos êtres et les fait vivre sous nos yeux de lecteurs incrédules. Je conclurai avec un citation de Castellarnau lors d'un entretien avec le journal Publico : "Nombreux sont ceux qui se rendent compte que pour approcher la réalité, la représenter ne suffit pas. Il y a d'autres portes et d'autres façons plus tangentielles d'y parvenir".
Commenter  J’apprécie          10

L'obscurité est un lieu est un recueil de 8 nouvelles très sombres, avec une très belle préface de Mariana Enríquez qui accroît notre impatience de lecture !
La première nouvelle donne immédiatement le ton, violence et noirceur avec cette famille en fuite, et cette petite fille qui ne veut plus fuir et vivre cacher.
Et puis il y a l'adolescent sirène, exhibé par ses parents pour un maximum de profit et son frère exploité qui rêve d'une vie « normale », Igor le trafiquant de petites filles…..Des nouvelles percutantes et terrifiantes.

Entre réalité et fantastique, l'auteur nous parle de la violence de notre société, elle joue avec l'imaginaire et le fantastique au milieu de sombres problèmes sociétaux, elle nous narre un monde obscur et inquiétant.
L'atmosphère est angoissante et pesante, l'écriture incisive mais non dépourvue de poésie. Adriadna nous embarque dans son univers terrifiant, telles des contes fantastiques où se croisent des fantômes, des monstres imaginaires et réels.
Je suis rarement déçue avec les éditions de l'Ogre, à lire !!!!!!
Commenter  J’apprécie          70
Recueil terminé au début du mois. En musique de fond, du dark folk, l'album "Lunar Falls" de Suldusk, ce qui renforce l'immersion dans les huit nouvelles qui composent le livre.
Je me suis jetée dessus puisque j'ai une attirance assez forte pour les oeuvres sombres (même si je suis dubitative sur Notre part de nuit de Mariana Enriquez, je sais que l'univers peint me donne envie d'y retourner régulièrement, donc je suis en quête de livres de cette qualité).
Les différentes nouvelles de ce recueil sont très intéressantes. L'atmosphère est assez lancinante, lourde, et ne nous lâche pas. A certains moments, il y a un peu de poisse, mais toujours une poésie cachée derrière. Je trouve Ariadna Castellarnau moins sombre que Mariana Enriquez. Les deux univers des autrices pourraient s'entremêler, mais j'ai l'impression que chez Castellarnau, la poésie et la symbolique gagnent là où le Mal est irréversible chez Enriquez. Par exemple, certaines nouvelles de ce recueil me semblent moins pessimistes qu'elles ne le laissent paraître, comme "L'Obscurité est un lieu" et "Calypso". Les fins restent énigmatiques et reposent davantage sur notre capacité à imaginer un ailleurs plus ou moins désirable. Bien sûr, d'autres demeurent difficiles et brutales : "Les enfants jouent dans le jardin" par exemple, et "Calypso" dans une autre mesure, si l'on se penche du côté du ravisseur. Il est probable que celle-ci soit ma préférée de l'ouvrage, tant l'aspect fantomatique se veut moins vengeur que carnavalesque.
Dans l'ensemble, j'ai adoré l'expérience de cette lecture. Je ne suis pas habituée au format des nouvelles mais je vais réitérer prochainement, notamment avec le recueil "Les dangers de fumer au lit" d'Enriquez, d'ores et déjà dans ma pile de livres !
Commenter  J’apprécie          20
J'ai lu ce recueil en parallèle de Notre part de nuit de Mariana Enriquez et les deux m'ont paru très
complémentaires. Toutes les nouvelles ne m'ont pas secouée mais j'ai bien aimé l'étrangeté de l'univers de l'autrice. Les personnages mis en scène sont tous des êtres solitaires et/ou incompris à leur façon, face à un monde qui se transforme, en proie aux changements climatiques ou à la violence étatique. C'est très troublant, les fins de nouvelles m'ont pratiquement toutes semblé frustrantes, mais bizarrement j'ai vraiment accroché. Je suis très curieuse de lire d'autres titres d'Ariadna Castellarnau.
Commenter  J’apprécie          50

Citations et extraits (3) Ajouter une citation
Cette terre est rouge sans raison : pour désespérer, pour que l'impression de chaleur et d'étouffement soit plus forte. Lorsqu'il pleut, ce qui arrive fréquemment et de façon imprévue, se forment des rigoles qui ressemblent à du sang.
Commenter  J’apprécie          141
Tu sais comment ça se passe. La douleur vient d'un coup, comme arrive soudain un déluge.
Commenter  J’apprécie          10
La lumière est un lieu, l'obscurité en est un autre. Où veux-tu être Lucia ?
Commenter  J’apprécie          10

Video de Ariadna Castellarnau (1) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Ariadna Castellarnau
Ariadna Castellarnau - Finalista "Almacellenc de l'any!
autres livres classés : nouvellesVoir plus
Les plus populaires : Littérature étrangère Voir plus


Lecteurs (164) Voir plus



Quiz Voir plus

Ce film d'horreur et d'épouvante est (aussi) un roman

Jack Torrance, gardien d'un hôtel fermé l'hiver, sa femme et son fils Danny s'apprêtent à vivre de longs mois de solitude. Ce film réalisé en 1980 par Stanley Kubrick avec Jack NIcholson et Shelley Duvall est adapté d'un roman de Stephen King publié en 1977

Le silence des agneaux
Psychose
Shinning
La nuit du chasseur
Les diaboliques
Rosemary's Baby
Frankenstein
The thing
La mouche
Les Yeux sans visage

10 questions
966 lecteurs ont répondu
Thèmes : cinema , horreur , epouvanteCréer un quiz sur ce livre

{* *}