SOLAIRE
Brusquement l’épaule d’une image
intrépide dérision du poète
devant l’herbe endormie au piège
des doigts
nos rêves ont pris l’habitude
de regarder par la fenêtre
les fleurs qui délugent
la foudre qui s’appuie contre ta joue
le sauve-qui-peut des arbres
et des robes
( tu sais
les robes s’ennuient dans les armoires
sans tes frissons de nuits cachées )
l’enfant que tu redeviens tremble
comme une feuille de papier
pourtant lourde de la ponte
des mots
je suis là comme une ville abandonnée
à la pointe du feuillage
je suis là comme une ville offerte
à ton sourire
le soleil est heureux d’habiter
tes yeux
LA FEMME QUI PARFUME MON SILENCE
Elle
c’est sous la pluie duveteuse
de son intimité
une femme couleur de cruche de rêve
couleur de la distance
entre deux poteaux indicateurs
de fausses pistes
une femme aussi belle que l’éternité
une femme aux rires impénétrables
et chantants
comme la chute d’un empire
une femme que j’aime
par marées successives et
longuement lapée par mes désirs
l’embrasser n’est pas une fiction
de plus
sur les étagères vides du souffle
je n’ai pas cherché l’alignement
des chemins du réel qui perpétuent
l’imagerie abrupte de l’absence
elle
c’est la femme qui parfume mon
silence
point
J’AI OUVERT AUX MOTS…
J’ai ouvert aux mots
l’espace de ton désir
pour tout prendre
pour tout voir
prendre la terre par ses racines
le soleil par ses branches
carnivores qui enjambent
la nuit
voir au travers du vertige
et boire au goulot
des syllabes bavardes de ta bouche
notre amour a la témérité
de franchir le vide à pied
en jetant au loin
la clef de l’épouvante
la belle clef qui piège
la raison
PETIT RÉCIT D’AFFIRMATION
J’avais une corde dans la main
et ne trouvais pas l’arbre
fort robuste
ni la branche assez haute
pour laisser flotter mes pieds
je suis parti vers la mer
elle n’avait plus assez d’eau
je me suis assis pour attendre
que l’arbre ait des branches
et que la mer se remplisse
d’eau
à force d’attendre
j’ai longtemps habité les mots
en solitaire
tu passais par là par hasard
intarissable de beauté
et de bonté curieusement
j’ai raté ma mort
REFAIS TA FORÊT…
Refais ta forêt
apprends-lui à pleuvoir
à pouvoir
à voir aussi loin que la queue
d’un arc-en-ciel
aussi loin que le soleil
qui pousse joyeux
dans ta main
la poésie reçoit sur rendez-vous
Extrait du recueil LE COEUR SUR LA MAIN de Georges Castera
Aller à la découverte des mots. Être dans un univers prodigieux à l'écoute des oiseaux, des fleuves, des mers, des voyages, des terres et des villes !
Poète et dessinateur, Georges Castera est né en Pétionville en Haïti.
Dès les années cinquante, sa poésie est chaleureusement accueillie dans les milieux littéraires. Il a vécu en France, en Espagne et aux États-Unis. Son oeuvre, une trentaine de recueils de poèmes – en créole et en français -, est un hymne à la vie, à l'amour, à la liberté et à la révolte. Il a notamment le Prix Carbet de la Caraïbe (2006). Il vit à Port-au-Prince.
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