Dans un long monologue, un fils fait parler son père. Un père ouvrier, fils d'alcoolique, ayant quitté l'école à 13 ans pour entrer à l'usine comme on entre en sacerdoce, délégué syndical, communiste et croyant. Un père qui disparaît alors qu'il n'a que 7 ans, tué à l'usine un 16 juillet 1974, quelques semaines avant les vacances, écrasé sous un moule de 7 tonnes. Un accident qui aurait pu être évité. L'enfant est trop petit. On lui dénie le droit de faire le deuil de ce père qui devient alors trop présent dans son absence.
Et tout au long du livre, le père prend la parole par l'écriture du fils qui le réinvente et lui dessine une personnalité faussée par les souvenirs de ceux qui l'ont connu.
Didier Castino, d'une écriture fluide nous fait revivre une époque: la fin des années soixante-dix, la vie des ouvriers luttant contre l'exploitation, les occupations d'usine, les boîtes dans lesquelles on enferme les économies, la première voiture avec la barre au milieu qui rentre dans le « cul » des enfants assis à l'arrière, les gauloises bleues au bord des lèvres et les 45 tours de Johnny Halliday.
Excellent roman
Commenter  J’apprécie         120
C'est l'excellente critique parue dans le matricule des anges qui m'a soufflé l'envie d'acheter ce bouquin. Chose faite! Alors?
Eh bien j'ai failli arrêter la lecture plusieurs fois!!! Non que le style est déplaisant, au contraire. Non que l'histoire est inintéressante, au contraire. Mais ce long monologue... était long, justement. Trop de redites, et à la fois une envie d'aller jusqu'au bout, pour voir.
Donc j'ai vu ; je me suis demandé d'où ça sortait, tout ça, c'était quoi la vie de Didier Castino, d'où venait cette âpreté de l'usine, cette vie qui sent le vécu, ces combats d'ouvriers où on est "dedans", les misérables modernes, enfin modernes, c'est toujours une tuerie cette usine...
Je sais pertinemment qu'il ne me restera pas "dans le coeur", celui-là; mais je suis contente de l'avoir découvert!
Commenter  J’apprécie         60
Après le silence est un livre d'amour, profondément marquant. Tout simplement magnifique.
Lire la critique sur le site : Telerama
« Comment peut-on mourir avant les vacances, juste avant ? Quand j’y pense… Toute l’année travailler sans vacances d’été au bout, c’est du vol. Le mois d’août, il m’en manque un, on me le doit. Le mois d’aout raté sur le fil, pour presque rien. Le mois d’août 1974, sans moi. Rose et vous trois. Mes fils. Seize ans, dix et sept, c’est ça le mois d’aout 1974. Le mois d’aout que l’on voudrait repousser, que l’on n’attend plus avec impatience mais auquel il faut désormais penser comme un devoir, à une contrainte, comme à une épreuve. »
Je suis quelqu'un qui avant tout travaille, a toujours travaillé. C'est ma vie, la reconnaissance et la sécurité. (...)
Si tu veux raconter ma vie, tu ne peux parler de moi à l'école. J'ai dû y aller comme y vont les enfants de 1930, mais moi c'est le travail surtout. très peu d'argent à la maison , on le met dans des boites et on essaie de le garder , ne pas s'en servir pour être plus riche un jour, alors l'école... (...)Très tôt on comprend que certaines choses nous sont étrangères. (...) il n'y a pas de révolte, pas encore, la vie s'épuise ainsi (...) Aller à l'école, je n'y pense même pas, je gagnerai de l'argent et j'en mettrai dans des boites, à mon tour. (p. 11)
Je rentre à l'usine. J'ai treize ans. Je me souviens surtout de ça. Un nouvel élan, une ouverture sur un monde inconnu mais dont beaucoup parlent autour de moi, un monde difficile mais grâce auquel on devient un homme. L'usine est donc la promotion qui permet de rejoindre le sillage de mon père et de m'éloigner de celle qui aurait dû être ma soeur, de devenir un peu plus homme, un peu moins enfant. C'est peut-être pour ça que le souvenir est si aigu, me recouvre. Un sursaut, si tu veux, une prise de conscience, comme un traumatisme qui déterminera ma vie et mes désirs, mes révoltes et beaucoup de mes doutes. J'ai vraiment existé à partir de l'usine, comme si je venais d'elle. Excuse-moi d'insister, mais c'est par elle, l'usine, que j'ai pu grandir enfin et devenir un homme.
Très tôt on comprend que certaines choses nous sont étrangères, tout s'organise entre ceux qui peuvent et ceux qui ne peuvent pas, ceux qui vont à l'école et ceux qui travaillent, c'est l'un ou l'autre. Il n'y a pas de révolte, pas encore, la vie s'épuise ainsi (...) (p. 11)
Moi, ce n'est pas pareil. Je ne lis pas mais j'aime les livres. Je choisis des titres. Des auteurs dont j'entend parler autour de moi, dans le journal, au parti... Aragon, je pourrais, mais je me dis que j'aurai toujours le temps. On sait qu'il faut le lire, tout le monde le connaît, on le lira plus tard. Je préfère offrir des classiques. C'est plus solennel, il ne faut pas choisir à l'aveuglette. J'aime les livres parce qu'il y a tout. J'aime le temps que l'on prend, aller lire et revenir muet, maladroit, ne rien dire, ne pas raconter. Lire ne se raconte pas.
Brigitte Giraud et ses invités, Didier Castino et Nine Antico.
Oh les beaux jours ! est heureux d'accueillir à Marseille la lauréate du prix Goncourt 2022, Brigitte Giraud. Si cette récompense suprême l'a particulièrement mise en lumière ces derniers mois, elle est l'autrice depuis 1997 d'une oeuvre conséquente – romans, récits, recueil de nouvelles – que ce rendez-vous privilégié avec elle nous propose de découvrir.
Au cours de ce grand entretien, il sera aussi question de sa passion pour la musique, particulièrement pour Rachid Taha, qui lui rappelle son adolescence dans la banlieue de Lyon, où ils ont grandi tous les deux ; du chanteur et écrivain Dominique A, complice de longue date, dont elle a édité un texte et que nous sommes allés interviewer pour l'occasion ; de son lien à l'Algérie, son pays natal (elle est née à Sidi Bel Abbès en 1960), et de la manière dont les relations complexes entre l'Algérie et la France continuent de jouer un rôle dans nos sociétés.
L'écrivaine évoquera également l'adolescence et la difficulté à trouver sa place dans un monde fragilisé et, bien sûr, le deuil, thème qui parcourt son dernier roman, Vivre vite. Plus de vingt ans après ce drame intime, elle y fait le récit, à partir d'une succession d'hypothèses qui interrogent intelligemment la notion de destin et de choix, des événements qui ont précédé la mort en 1999 de son mari, Claude, dans un accident de moto alors qu'il allait chercher leur fils à l'école.
Sur le plateau de la Criée, Brigitte Giraud a souhaité s'entretenir avec deux auteurs dont elle apprécie le travail et les engagements, tous deux marseillais : l'écrivain Didier Castino, par ailleurs professeur à Marseille, et l'autrice, dessinatrice et réalisatrice Nine Antico.
Une rencontre passionnante avec une écrivaine dont la langue au tempo musical sonde avec émotion les fractures du temps et celles des âmes, car, dit-elle, «l'intime, la décence, c'est ce qui relie au collectif».
À lire (bibliographie sélective)
— « Vivre vite », Flammarion, 2022 (prix Goncourt).
— « Nous serons des héros », Stock, 2015.
— « Avoir un corps », Stock, 2013.
— « Une année étrangère », Stock, 2009 (prix du jury Jean Giono).
— « L'amour est très surestimé », Stock, 2007 (prix Goncourt de la nouvelle).
Un grand entretien animé par Olivia Gesbert et enregistré en public le 27 mai 2023 au théâtre de la Criée, à Marseille, lors de la 7e édition du festival Oh les beaux jours !
Podcasts & replay sur http://ohlesbeauxjours.fr
#OhLesBeauxJours #OLBJ2023
+ Lire la suite