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L'exemplaire Albin Michel propose en premier lieu la lecture de quatre nouvelles concernant Andréa Cort. Ces nouvelles me semblent essentielles avant d'entamer la lecture du roman. Celles-ci nous permettent d'intégrer l'univers proposé et d'apprendre à connaître le personnage principal d'André Cort. Que ce soit les missions qui lui sont confiées, et nous éclairent aussi sur son passé et comment elle a intégré le Corps diplomatique en tant qu'avocate et enquêtrice pour le bureau du Procureur Général.

Le roman proposé nous emmène dans une enquête confiée à André Cort, dans un univers bien particulier. Une petite compagnie d'humains y est installée comme observateurs d'un habitat artificiel et de sa « population ». Deux femmes sont décédées dans Hamac-ville, et Andréa s'efforce de comprendre ce qui s'est passé.

Le personnage d'André Cort est complexe, avec un passé douloureux qui la hante et qui la pousse à agir en toute conscience pour faire aboutir ses enquêtes. Elle ne se laisse influencer par personne, femme solitaire et avec de fortes convictions. Malgré son passé, qui lui vaut d'être qualifiée de monstre par toutes les espèces, elle est droite dans ses bottes et son seul objectif est de déterminer les faits et trouver le ou les coupables des meurtres commis.

La trame du livre nous conduit également à mieux cerner son histoire, ce qui se cache derrière les atrocités qu'elle a commise enfant et un début de réponse à son histoire.

Un space opéra à la fois complexe et très abordable et un thriller très abouti. Je découvre la collection imaginaire des éditions Albin Michel, et je dois dire que je ne suis pas déçue. J'espère lire la suite des aventures d'André Cort très prochainement, « La troisième griffe de Dieu » lorsque la médiathèque de ma commune l'aura entré dans son catalogue.
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Les éditions Albin Michel imaginaire ont eu la bonne idée d'éditer les aventures d'Andrea Cort dans l'ordre chronologique et non de parution, et alors qu'en général, je préfère suivre le cheminent de l'auteur, c'était cette fois-ci presque indispensable. En effet le recueil Émissaire des morts comprend le roman du même titre et qui fait plus de 380 pages et quatre nouvelles avec le même personnage. le roman a été écrit avant et constitue le premier volume d'une trilogie. Les 4 nouvelles ont été rédigées après coup mais reviennent sur le passé de l'héroïne. Mais ces nouvelles sont une excellent introduction au personnage et à son univers !
Andréa Cort est, en effet, un personnage très complexe, magistrate douée pour les enquêtes mais antisociale, violente et avec des tendances sociopathes. Sorte de Sherlock Holmes féminin du futur. Elle vit dans un avenir éloigné. L'humanité a pris son essor vers les étoiles et a essaimé dans la galaxie rencontrant, au passage, d'autres espèces intelligentes et parmi ces espèces des Intelligences artificielles (IA-sources). Les relations entres les espèces sont tendues mais pas forcément guerrières. Toutes ces espèces intelligentes (sentientes) sont protégées par une sorte de convention galactique. L'humanité vit dans un système mercantile dirigé par le corps diplomatique auquel appartient Andrea Cort. Elle est expédiée pour des enquêtes sur des planètes lointaines et se retrouve souvent devant des cas de conscience comme par exemple qu'est-ce réellement que l'intelligence. le meurtre n'étant puni que contre les espèces sentientes.
Les nouvelles sont une véritable révélation. Elles sont dynamiques, rythmées, inventives et nous permettent de connaître le personnage principal de façon progressive tout en étant mêlés à des intrigues excellentes. La forme de la nouvelle est vraiment idéale pour cela, comme pour découvrir Sherlock Holmes ou Arsène Lupin. On apprend au fur et à mesure par touches successives, le fonctionnement du régime mercantile, les contrats qui régissent les vies du corps diplomatique, les hiérarchies et les interactions entre les hommes et les femmes. On apprend qu'Andréa Cort appartient au corps diplomatique car coupable de massacre de masse dans son enfance lors d'une sorte de guerre incompréhensible entre les humains et une autre espèce sentiente. Les informations sur l'enfance d'Andréa irriguent les différentes intrigues et semblent prendre de plus en plus d'importance dans le roman. Que s'est-il réellement passé ? Pourquoi ? Comment ? A cause de qui ?
Le roman est, à mon avis, un ton en-dessous des nouvelles mais reste de très bonne facture. On est dans une enquête sous haut risque dans un monde dominé par les IA-sources. Les consignes d'Andréa sont de trouvé un coupable qui ne soit pas les IA pour éviter un incident diplomatique. Elle découvre le mode de vie sur une station spatiale (Un, un, un), cylindre crée par les IA qui ont aussi créée une espèce pour y vivre, les Brachiens. Ce cylindre n'est pas du tout adapté aux humains et plusieurs d'entre eux sont mort dans des conditions suspectes. L'enquête nous permet de découvrir de façon détaillée et passionnante le fonctionnement de cette station, l'organisation humaine, le notion de vie et de mort, différente selon les espèces et le rôle plus ou moins trouble des IA-source. Que veulent-ils à la fin ? D'où viennent-ils ?
Tout amateur de SF un peu exigeante trouvera son compte dans livre d'Adam-Troy Castro et je vais me procurer le deuxième tome rapidement. Car, même si les enquêtes sont à chaque fois résolues avec brio par l'héroïne, trop de questions sur son passé restent sans réponses !
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Albin Michel Imaginaire débute l'année 2021 (pandémie Covid-19 oblige, puisqu'il me semble que cet ouvrage était censé paraître fin 2020) en grande pompe avec un imposant ouvrage (plus de 700 pages) d'un auteur non connu pour le moment, Adam-Troy Castro, avec ses Émissaires des morts.

Construction éditoriale
Dès la préface, Gilles Dumay (l'éditeur) prévient : l'univers peut être un peu pesant, peut-être vaut-il mieux picorer pour entrer dedans. Et pourtant, c'est un très bon choix de publier le cycle d'Andrea Cort de cette façon ; en effet, le roman Émissaires des morts est le premier d'une trilogie (La Troisième griffe de Dieu en juin 2021, toujours chez Albin Michel Imaginaire, et La Guerre des Marionnettes sûrement ensuite), mais il a surtout été complété (après coup) par des nouvelles ou novellas dont l'action se situe avant. D'où l'importance, à mon sens, de lire dans l'ordre proposé par l'éditeur français, afin de tout se faire selon la vie d'Andrea Cort, et c'est qu'elle en a une complexe ! Dans tous les cas, ces différentes publications prennent place dans notre futur éloigné, à un moment où l'humanité « homo sapiens », les Homsap, s'est constitué en un Système mercantile guidé par le très bureaucratique Corps diplomatique, dont Andrea Cort est une magistrate, puisqu'elle a le titre d'enquêtrice judiciaire et de représentante du Procureur général.

Novellas introductives
Dans « Avec du sang sur les mains », les Zinns, un peuple au crépuscule de son existence mais bien plus avancé que les Homo Sapiens, proposent un important échange commercial contre la possibilité d'héberger Simon Farr, un criminel multirécidiviste. Cet accord donne lieu à des rencontres d'ambassadeurs auxquelles Andrea Cort participe. Dès le départ, la condition de l'enquêtrice pose problème : enfant, elle a échappé (et participé !) à un génocide sur la planète où elle vivait, depuis elle est la propriété du Corps diplomatique et travaille donc à son service exclusif. Or, dans cette affaire, elle est débutante, son avis est peu pris en compte alors même que les indices sont criants de mystère dans cet accord si original.
Avec « Une défense infaillible », une ancienne collègue d'Andrea Cort, Tasha Coombs est en fâcheuse posture qui travaillait sur des fuites d'informations sensibles à résorber. Texte peut-être moins marquant que les autres, il permet de mettre en place les techniques d'investigation d'Andrea Cort afin de confondre l'espion dissimulé dans les rangs du Corps diplomatique : enchaînement des entretiens de plus en plus fouillés et psychologiques, confrontation avec l'environnement et notamment des représentants de d'autres espèces si besoin, mise en lumière d'un outil technologique, ici l'auto-conditionnement afin de préserver son propre esprit face à une corruption extérieure.
La novella la plus percutante est sûrement « Les lâches n'ont pas de secret », où Andrea Cort se voit assigner la mission de régler, sur la planète Caithiriin, l'application de la peine de Griff Varrick, attaché local du Corps diplomatique ; elle est son dernier recours avant d'être confié à l'espèce des Caiths, avec une horrible mise à mort en perspective. Or, si son crime semble avéré, il conteste la peine et cherche à obtenir un droit local, l'annihilation par un implant de toute velléité criminelle. Andrea Cort est confrontée aux autres strates du Corps diplomatique, à commencer par l'ambassadrice qui voit d'un mauvais oeil l'enquête trop poussée de la représentante du Procureur général. La vie sur cette planète n'est pas aussi développé que dans d'autres récits de cet ouvrage, mais Andrea Cort s'attache à nouveau à comprendre au maximum, dans les moindres détails, tous les acteurs de ce huis-clos : des envies du criminel aux manigances des dirigeants, en passant par la politique judiciaire des autochtones et les changements géopolitiques qu'entraîne chacune de ses décisions. Là, en l'occurrence, et en faisant toujours plein de parallèles très intéressants avec notre société (sa gestion des prisons, des peines pour viol, meurtre, etc.), elle va devoir comprendre au plus vite pourquoi ce contrôle des pulsions criminelles semble si compliqué à obtenir pour cet homsap.
Enfin, les « Démons invisibles » d'Andrea Cort s'affirment davantage dans cette quatrième novella, quand elle doit se rendre sur Catarkhus (le nom n'est pas choisi au hasard…) pour démêler une affaire fondée sur les atrocités d'Emil Sandburg, homsap de la délégation du Corps diplomatique qui a assassiné plusieurs autochtones de cette planète où se trouvent stationnées plusieurs espèces différentes. Mais voilà, est-ce que les autochtones, ces Catarkhiens, représentent une espèce sentiente ? car s'ils réagissent à divers stimuli et qu'ils s'organisent en immenses ruches, ils ne semblent ni voir, ni entendre, ni ressentir quoi que ce soit vis-à-vis de leurs voisins. À vouloir comprendre la monstruosité de l'accusé, Andrea Cort analyse surtout la sienne jusque dans la plaidoirie qui doit conclure sa visite judiciaire.

Enquête au fin fond de la galaxie
Dans le roman Émissaires des morts, Andrea Cort est dépêchée en catastrophe sur un monde-artefact, Un Un Un, cylindre créé par des intelligences artificielles qui sont à la fois créatrices de ses habitants et hôtes de la colonie homsap qui a été autorisée à venir les observer. Andrea Cort a été expressément dépêchée pour régler deux meurtres survenus sur ce monde de poche, mais avec un objectif de ses supérieurs : trouver un coupable qui ne soit pas les intelligences artificielles elles-mêmes afin d'éviter tout incident diplomatique. Cet habitat est particulièrement inapproprié pour les homsap, mais les Brachiens ont donc eux été créés pour y être parfaitement acclimatés. Toutefois, ils semblent avoir une conception de la Vie et de la Mort différentes de celle des homsap, ce qui fragilise leurs échanges. Dans Émissaires des morts, chaque aspect de l'enquête est particulièrement développé ; chaque entretien donne à comprendre tant et tant de l'organisation très hiérarchique du Système mercantile, chaque entrevue avec les intelligences artificielles nous éclaire sur la prétendue unicité de ce groupe, chaque moment de repos fait réfléchir Andrea Cort sur sa propre condition de « monstre » et d'« esclave au service du Corps diplomatique ». Bref, le roman en lui-même est touffu, mais lire les novellas précédemment aide grandement à s'habituer à l'esprit très tortueux de l'héroïne…

Émissaires des morts, le roman accompagné de nouvelles sur le même personnage, recèle donc d'éléments diablement intéressants. C'est une vision du space opera à la fois complexe prise dans son ensemble et simplement concrète dans chaque aspect travaillé de la vie quotidienne. L'ensemble peut paraître pesant dès qu'on parle de génocide, mais cela donne surtout lieu à de belles réflexions sur les sociétés humaines. Vivement que les romans suivants arrivent en version française, car Andrea Cort vaut le détour !

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Andrea Cort est une avocate du futur, propriété du Corps Diplomatique qui l'envoie de planète en planète s'assurer que les humains meurtriers d'un membre d'une autre espèce bénéficient d'un juste respect des lois, même si celles-ci impliquent la peine de mort. Dans une autre mission d'importance que nous découvrirons, son employeur lui demande de démasquer l'assassin. Revêche aux relations humaines, elle ressasse le génocide qui a marqué son enfance et auquel elle a participé, ainsi que sa jeunesse en prison. Un personnage a priori antipathique et froid, mais qui dévoile peu à peu au lecteur une grande intelligence et une sensibilité.

Ce premier tome en VF, publié début 2021, regroupe quatre nouvelles et un roman retraçant les enquêtes de l'héroïne. Ma critique suit l'ordre choisi par l'éditeur, et le plus gros morceau est pour la fin !

1. Les nouvelles :

Avec du sang sur les mains (With Unclean Hands, 2011) : ma première rencontre avec Andrea Cort, et coup de coeur ! L'avocate est chargée d'accompagner un criminel humain « offert » en échange de connaissances à une espèce pacifique en voie d'extinction, mais très avancée technologiquement. Andrea enquête pour comprendre le surprenant intérêt des Zinn pour cet assassin. Au-delà de la variation sur le thème des différences culturelles, ou plutôt ici des différences psychologiques entre espèces intelligentes, j'ai été impressionnée par la capacité de l'auteur à nous émouvoir pour une enfant si différente de nous. Les « sacs » qui gonflent, se dégonflent ou perdent du sang sont une magnifique allégorie des sentiments.

Une défense infaillible (Tasha's Fail-Safe, 2015) : Andrea est appelée à la rescousse suite à la tentative de meurtre contre une collègue qu'elle n'apprécie guère (mais qui apprécie-t-elle ?), Tasha Coombs. C'est l'occasion de découvrir Nouvelle Londres, le monde-cylindre où elle vit et travaille, ses rapports avec son supérieur qu'elle déteste, des détails sur les technologies de ce futur et leur utilisation. Andrea est une personnalité complexe de plus en plus intéressante, qui maîtrise l'art des enquêtes fouillées et des interrogatoires.

Les lâches n'ont pas de secret, (The Coward's Option, 2016) : Andrea est envoyée sur une planète glacée et inhospitalière pour s'assurer qu'un meurtrier humain, l'image même du « pauvre type », a été correctement jugé selon les lois, alors qu'il est condamné à mort par l'espèce indigène intelligente mais méprisante envers les humains. le sadisme des Caiths atteint une échelle très élevée ! le court récit est dense et offre beaucoup de surprises. Une plongée dans les arcanes juridiques de cet univers, accompagnée d'une réflexion sur les dérives possibles des moyens de contrôle des esprits déviants.

Démons invisibles (Unseen Demons, 2002) : Andrea se rend sur une planète où un humain a torturé et massacré des représentants de l'espèce locale. Problème ? Les Catarkhans sont incapables de communication avec les autres, au point de ne pas se rendre compte de la présence d'étrangers sur leur planète. Dans ce cadre, comment leur demander de constituer un jury et de désigner un juge pour traiter l'affaire ? Découverte d'une espèce étrange qu'on a envie de protéger en dépit de son indifférence, cette nouvelle explore aussi les limites de lois qui ne peuvent s'appliquer à tous les êtres intelligents si ces derniers vivent dans un univers qui leur est propre et auquel nous n'avons pas accès. La justification finale du titre suggère des perspectives vertigineuses.

2. le roman :

Émissaires des morts, (Emissaries from the Dead, 2008) : suite des nouvelles précédentes, Andrea rejoint une mission sur – ou plutôt dans — un monde créé par les IA (Intelligences Artificielles), qui y ont même façonné une espèce intelligente : les Brachiens, proches de grands singes mais plus évolués, et se déplaçant dans des branches au-dessus d'une mer acide qui condamne à mort quiconque tombe. Au milieu d'une nature étrange où les repères habituels sont remis en cause, une femme humaine a été tuée. À son arrivée, Andrea apprend qu'un deuxième meurtre a été commis, mais pour des raisons politiques elle reçoit l'ordre de ne pas désigner les suspects les plus évidents, à savoir les IA. Car dans le Corps Diplomatique auquel appartient Andrea, la politique écrase parfois la justice, et les IA sont une « espèce » à part entière qu'il convient de ménager dans l'univers créé par l'auteur.

En parallèle de l'enquête sur les crimes, Andrea s'interroge sur le comportement des IA : pourquoi ont-ils révélé aux autres espèces intelligentes l'existence de ce monde — en réalité une immense construction qui protège des vies artificiellement créées — alors qu'elles auraient pu le cacher indéfiniment, tout en refusant la présence d'une vraie ambassade ?

Ce roman met encore plus en lumière ce qu'on ressentait à la lecture des nouvelles précédentes : un mélange de Space-Opera très inventif mêlé à des enquêtes poussées, une imagination débordante de l'auteur pour nous offrir des mondes et des espèces fascinants, un sens du dialogue qui confine parfois à la boxe entre deux protagonistes, des personnages divers et hauts en couleur, sans compter un scénario qui n'est pas cousu de fil blanc mais reste cohérent. Et c'est un grand plaisir d'avoir une héroïne qui possède une grande part d'ombre, à cause de son enfance, et qui peu à peu évolue. Andrea bénéficie d'une grande intelligence, une capacité de déduction hors norme, et, malgré sa misanthropie, elle apparaît plus humaine que maints de ses congénères.

Ce huis clos de l'espace est très addictif grâce à l'enquête dont le lecteur veut connaître le fin mot, tout en proposant des réflexions sur un futur avec des systèmes politiques qui offrent peu voire pas de libertés et qui sont pilotés par des entreprises, à tel point que les années se comptent en « système mercantile ». Dans ce contexte, les comportements humains sont poussés par des besoins basiques : survivre et durer. Une certaine vision de l'évolution de la civilisation qui déshumaniserait.

Andrea poursuit sa quête personnelle entamée lors de la dernière nouvelle : retrouver les Démons Invisibles. C'est la seule petite critique que je ferais à l'auteur : tenter d'expliquer l'inexplicable, parce que nous refusons d'admettre que la folie peut s'emparer des hommes… sans qu'ils aient besoin d'être poussés par des forces extérieures. Mais je chipote !

Des nouvelles et un roman hautement recommandables, et je suis ravie d'avoir découvert cet auteur.

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Ce roman figure au sommaire du volume L'Émissaire des morts publié par les éditions Albin Michel Imaginaire. Nous traiterons de façon séparé les 4 novella/nouvelles et le roman lui-même pour donner une vision la plus précise possible de l'oeuvre publiée ici.
Pour débuter l'année 2021, les éditions Albin Michel Imaginaire ont décidé d'ouvrir le bal par la publication d'un pavé de 700 pages de l'auteur américain Adam-Troy Castro.
Si ce nom vous est inconnu, c'est que vous n'avez pas suivi les premières traductions en langue française de cet écrivain de science-fiction au sein de l'excellente revue Angle Mort. On se souvient notamment de la géniale Une brève histoire des formes à venir où l'auteur cause déjà d'un sujet qu'il affectionne particulièrement : comment communiquer avec des espèces qui ne nous ressemblent pas ?
Après avoir prolongé cette réflexion dans Démons Invisibles, le premier texte rattaché au cycle de la détective-diplomate Andrea Cort, l'américain se lance dans la forme longue avec Émissaires des Morts en reprenant la quasi-totalité des éléments mis en place dans le précédent texte. Voyons à présent comment Adam-Troy Castro compte se renouveler… ou pas !

Monde-cylindre
Tout débute par une réminiscence. Celle d'Andrea Cort, l'une des envoyées du Corps Diplomatique de la Confédération Humaine, qui se rappelle le jour où sa vie a basculé lorsque les deux communautés vivant sur la planète Bocai se sont entretuées…et qu'elle est devenue un monstre en y prenant part elle-même.
Rappel rapide du passé qui hante l'héroïne, le prologue enchaîne sur l'arrivée d'Andrea Cort au sein d'un monde artificiel construit par les IAs-Sources, cette forme de vie sentiente née de la rencontre d'une multitude de programmes intelligents émancipés/abandonnés par leurs civilisations progénitrices respectives. Un Un Un n'est pas vraiment fait pour accueillir la vie humaine, c'est le moins que l'on puisse dire.
Dans ce monde-cylindre aux dimensions colossales, les Frondaisons (sorte de réseaux d'arbres noueux et ultra-résistant) font office de plafond alors qu'un immense océan toxique recouvert d'une dense couche de nuages parcourue par des dragons (oui, des dragons, comme dans Game of Thrones) représente le plancher…pour autant qu'on puisse parler de plancher dans une telle situation. Des Frondaisons partent à intervalles réguliers d'immenses pylônes où s'attachent des soleils capables de simuler le cycle jour-nuit de l'habitat.
Outre le sense-of-wonder offert par l'auteur, le décor ainsi constitué possède quelque chose d'à la fois hautement fascinant… et terrifiant (surtout si l'on a le vertige). Pendu aux Frondaisons, deux éléments remarquables : une ville de corde en forme de hamac qui accueille la délégation humaine venue étudiée… les Brachiens, une espèce sentiente créée par les IAs-Sources au mépris de pas mal de règles éthiques intergalactiques. du moins, de prime abord…
Car le coeur du problème ici n'est pas de savoir si les Brachiens sont doués d'intelligence ou pas (comme c'était le cas pour les Catarkhiens dans Démons Invisibles) mais d'élucider deux meurtres commis au sein de la délégation humaine. Comme précédemment, et devant le caractère sensible sur le plan diplomatique de l'affaire, c'est Andrea Cort que l'on envoie sur Un Un Un.
Une Andrea Cort toujours rongée par son passé et par ses crimes mais qui, cette fois, s'est trouvée un nouveau but : démasquer les Démons Invisibles qui ont conduit à la tuerie de Bocai, sa planète natale. Adam-Troy Castro troque donc la multiplicité des espèces de son précédent opus pour se recentrer sur deux races en particulier : les humains et les IA-Sources (qui n'occupaient auparavant qu'un rôle très secondaire). Un choix risqué d'autant plus que le roman nous rejoue un peu le même couplet narratif que précédemment.

Policier-Opera
En effet, Adam-Troy Castro choisit une nouvelle fois de camoufler son intrigue purement policière et les poncifs qui vont avec sous le dense feuillage des Frondaisons et du monde-cylindre des IAs-Sources. On retrouve donc les mécanismes du polar avec une enquêtrice torturée au passé trouble, des suspects plus moins suspects, des crimes à la mise en scène savamment étudiée (avec au moins une crucifixion dans le tas), des révélations tonitruantes et un compte-rendu exhaustif du pourquoi du comment en fin de récit. C'est là d'ailleurs l'autre gros défaut d'Émissaires des Morts qui prend souvent bien (trop) son temps pour décortiquer les évènements afin de ne pas perdre son lecteur. Ce côté sur-explicatif atteint son paroxysme dans un dernier chapitre où l'on sent qu'Adam-Troy Castro veut bien que le lecteur ait compris l'entièreté des rouages de son enquête. Agaçant même si l'on comprend le désir sous-jacent de rendre le roman accessible au plus grand nombre.
Passé ces deux réserves, le roman montre une efficacité redoutable pour enchaîner les péripéties et les révélations au cours de l'enquête d'Andrea Cort tout en profitant toujours au maximum des possibilités offertes par son décor science-fictif saisissant.
Émissaires des Morts ne serait-il donc qu'un divertissement destiné à rassembler lecteur de polar et de science-fiction sous une même bannière ?
Pas seulement. En réalité, et comme toujours, même si le roman reprend une trame classique et des poncifs que l'on connaît par coeur dans le genre du policier, c'est à nouveau par la roublardise de la réflexion philosophique et anthropologique menée qu'Adam-Troy Castro arrive à se hisser au-dessus de la masse, un peu à la façon des aventures de l'inquisiteur Nicolas Eymerich de Valerio Evangelisti.

Le choix d'être ensemble
Alors que Démons Invisibles mettait l'accent sur la question de la conscience de soi et la définition d'un être intelligent, Émissaires des Morts s'intéresse à la fois à la caractérisation du réel par l'intermédiaire des Brachiens — cette espèce arboricole à la lenteur exaspérante qui pense que les humains sont des morts et que seuls les Brachiens eux-mêmes sont en vie — mais aussi à l'altérité et à ce qui fait de nous des êtres capables d'agir selon notre libre-arbitre. Tout commence d'ailleurs par l'exploration de l'espace Confédéré humain lorsque la détective se penche sur le passé des victimes et des gens engagés par le Corps Diplomatique. On découvre que la Confédération n'a rien d'une entité homogène et que l'ultra-capitalisme fait des ravages sur nombre de planètes transformant les habitants en esclave-à-vie d'une façon ou d'une autre… et que le Corps Diplomatique ne promet pas grand chose de mieux que de changer de maître. Ce questionnement infuse par la suite dans la totalité du récit puisque l'on retrouve cette interrogation vis-à-vis de la responsabilité des IAs-Sources envers les Brachiens qu'ils ont créé (et Adam-Troy Castro va donc encore plus loin en mêlant le concept de Dieu-créateur dans sa problématique de propriété/esclavagisme). de même, les êtres conscients ne sont-ils pas tous esclave de la Vie, cette jalouse maîtresse qui ne cède sa place qu'à un maître plus tyrannique encore…la Mort !
Ce n'est d'ailleurs pas un hasard si l'un des meurtres prend l'apparence d'une crucifixion…
Reste alors que le récit passionne dès lors qu'il s'intéresse à notre perception du monde. Les Brachiens le perçoivent d'une façon radicalement différente du fait de leur mode d'existence ET de leur nature, les IAs-Sources d'une autre façon à cause de leur toute-puissance apparente, les humains enfin l'appréhendent avec toute la diversité que l'on connait à cette espèce turbulente.
La véritable force du récit se niche dans la capacité de l'écrivain américain à imbriquer ces éléments divers pour en faire un vaste puzzle sur la réflexion politique et philosophique de la possession de soi et de l'autre. Même les relations amoureuses entre Andrea et l'excellent personnage des Porrinyards prennent en compte cette facette pour retranscrire la difficulté d'être un ou plusieurs, de s'unir totalement ou de s'entredéchirer individuellement. Tout le problème posé par l'alliance entre deux individus ou deux milliards se retrouve dans la capacité à rassembler sur les opinions et les perspectives du réel que l'on affronte. Émissaires des Morts parle donc d'une certaine forme de communisme étouffant face à un capitalisme esclavagiste…à moins qu'une majorité impose ses vue à certaines minorités. En arrivant à rejoindre cette préoccupation politico-anthropologique avec celle du libre-arbitre puis à en extirper des conséquences philosophiques quant à la vie et à la mort, Adam-Troy Castro parvient à nouveau à faire la différence.

Outre son monde-cylindre fascinant, Émissaires des morts fait à nouveau le pari d'une enquête policière relativement banale pour se pencher sur des thématiques science-fictives, politiques et philosophiques passionnantes. Malgré sa tendance à sur-expliquer tout ce qu'il montre, Adam-Troy Castro offre à nouveau au lecteur une aventure passionnante et intelligente… à condition de ne pas avoir trop peur du vide !

(Retrouvez les critiques des 4 autres textes contenu dans ce recueil directement sur le site Justaword.fr)
Lien : https://justaword.fr/andrea-..
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Dans le système pénal de la Confédération, le Corps diplomatique est représenté par deux groupes distincts, mais d'égale importance : les diplomates, des fainéants plein de vices, et le procureur, qui poursuit les criminels. Voici leur histoire.

Voici la nouveauté-vieillerie (les textes étant parus entre 2002 et 2016 en VO) de chez Albin Michel Imaginaire, un pavé de 720 pages par un auteur quasi inconnu sous nos latitudes. L'éditeur nous offre ici un joli cadeau car le livre se compose de 4 novellas et d'un roman pour quasi le même prix d'un bouquin grand format.
Le pitch est somme tout assez simple : un crime, une enquête et un coupable débusqué. Vu, re-vu et re-re-vu. Mais lorsque l'auteur a du talent, ça fonctionne et on en redemande et c'est exactement le cas ici.

Première chose qui m'a plu : l'univers. Ici l'espace est notre maison, nous avons fait la connaissance de pleins d'aliens plus ou moins sympathiques et lorsqu'un crime est commis entre les humains et un ET, on envoie un enquêteur pour éviter une guerre inter-espèces. Les aliens sont profondément autre, ce ne sont pas des humanoïdes déguisés comme bien souvent. Leur forme est étrange, leur comportement aussi, quand à comprendre leur fonctionnement... C'est une réussite totale de ce côté.
En outre, il n'est pas nécessaire d'être un amateur de SF pour apprécier, car l'univers est assez simple, sauf peut être pour le roman. Cerise sur le gâteau, chaque enquête est indépendante.

Deuxième chose qui m'a plu : Andrea Cort, l'enquêtrice. C'est franchement pas la personne qu'il faut invité dans une soirée, c'est une chambre froide. Elle n'hésite pas à dire ce qu'elle pense, surtout si c'est pour te rabrouer. Par contre, elle est très intelligente et arrive à se mettre à la place de l'autre, ce qui est un formidable atout avec des formes de vie incompréhensible de prime abord. Et elle a aussi un humour pince sans rire et une vision de l'humanité assez noire.
Bémol, elle est un peu trop tiraillée par le traumatisme de ses "démons invisibles", mais d'un autre côté, ce trouble passé - servant de fil rouge entre les textes - donne très envie de le découvrir.

Troisième chose qui m'a plu : l'intelligence du fond. Un excellent Whodunit, une anti héroïne charismatique et l'auteur se paye le luxe de traiter des sujets sans avoir l'air d'y toucher : racisme, libre arbitre, prédominance du Mal, esclavagisme... Cela m'a un peu fait penser à Scalzi - l'humour en moins - qui sous le divertissement, pose de réelles questions.
J'ai trouvé excellent le nom de la langue utilisé pour favoriser la communication : le mercantile, "La langue dominante du commerce et de la diplomatie des humains était un idiome aussi fruste que peu poétique, conçu pour ménager les susceptibilités de milliers de subcultures chicaneuses."
L'auteur a tout de même une dent contre les fonctionnaires et la bureaucratie, ce qui est parfois assez lassant...

Résultat : un excellent divertissement, intelligent et se lisant tout seul.
Bonne nouvelle, le tome 2 arrive bientôt suivi peut-être par un troisième.
Et si tu ne me crois pas, va lire la première enquête mis à disposition gratuitement par l'éditeur : Avec du sans sur les mains : https://www.albin-michel-imaginaire.fr/livre/avec-du-sang-sur-les-mains/
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J'avais fait la connaissance d'Andrea Cort, enquêtrice pour le bureau du Procureur, dans « Avec du sang sur les mains« .

L'univers de cette novella, assez riche, m'avait donné envie de continuer l'aventure avec ce pavé de 700 pages.

Attention, ceci n'est pas une histoire entière !

Dans ce recueil, l'éditeur Albin Michel a eu la bonne idée de regrouper les différentes novellas qui avaient été publiées après "Émissaire des morts" (premier tome d'une trilogie).

Postérieurement, l'auteur avait écrit des novellas mettant en scène Andrea Cort, celles-ci se déroulant avant cette grande enquête.

Ainsi, le lecteur peut se familiariser avec l'univers, ainsi qu'avec le personnage assez froid et complexe d'Andrea, avant de plonger dans une plus grande histoire "Émissaire des morts".

De plus, dans ce recueil, l'éditeur a mis les novellas dans l'ordre chronologique de lecture. Une bonne idée qui empêchera les lecteurs de les lire dans le désordre (après, le lecteur fait ce qu'il veut et la lectrice aussi).

Nous sommes dans un futur où les voyages dans l'espace sont permis, où les Homsap (Homo sapiens) vivent sur d'autres planètes et où nous ne sommes pas seuls (Fox Mulder avait raison avant tout le monde).

Andrea Cort appartient au Corps diplomatique (et à vie, suite à son crime), c'est une magistrate, une enquêtrice judiciaire qui représente le Procureur général sur les planètes où elle est appelée.

Que les allergiques à la SF se tranquillisent, l'univers décrit par l'auteur reste facilement accessible, il suffit juste de faire marcher son imagination pour voir les autres peuples que nous allons croiser.

Comme toujours, nous avons beau être dans l'espace, l'Humain reste le même (une saloperie) et certains autres peuples n'ont rien à nous envier, bien que nous restions sur les plus hautes marches du podium, médaillés d'or en meurtres ou autres crasses que l'on peut faire.

Dans ces différentes enquêtes, ce n'est pas toujours sur un crime commis qu'Andrea doit faire la lumière. Nous sommes loin du colonel Moutarde, avec le pistolet laser dans le croiseur. La diplomatie doit être respectée, la politique est très présente et lorsqu'elle enquête, Andrea met souvent les pieds dans le plat.

Le côté psychologique des personnages est important, il joue un rôle prépondérant dans ses investigations (où elle "investigue" à fond). Ses entretiens avec différentes personnes sont toujours intéressants et empreint de profondeur. Bien des détails primordiaux se retrouvent dans ces conversations.

L'auteur nous a créé un personnage féminin qui n'a pas froid aux yeux, qui est misanthrope, asociale et précédée de sa réputation d'être un monstre. Bizarrement, on s'attache à elle facilement.

Ses blessures, elle arrive à les surmonter, à ne plus faire attention aux regards qu'on lui lance et au fil des histoires, on en apprendra plus sur elle, notamment sur le génocide qui entache son passé (deux peuples pacifiques se sont entretués, comme pris d'une folie subite).

Si l'écriture est assez simple (facile à aborder), le contenu des scénarios n'est en rien simpliste, que du contraire. Comme je l'ai dit, il y a de la profondeur dans les différentes novellas et on ne sait jamais comment cela va tourner, se terminer.

Bien souvent, alors que l'on pensait avoir affaire à une histoire sans importance, le diable, qui se cachait dans un détail, fait tout exploser et j'ai été surprise plusieurs fois, pour mon plus grand plaisir.

La plus grande histoire est une véritable enquête puisqu'il y a une disparition (vu la hauteur de la chute, la personne est morte et c'était un sabotage) et un meurtre par crucifixion. Là, c'est un véritable sac de noeud, surtout avec les IAs-sources (intelligences artificielles) qui ont créés le monde-artefact de Un Un Un et une partie de ses habitants (les Brachiens).

Très complexe, cette histoire va explorer plusieurs pistes avant de nous emmener vers la solution, qui ne sera pas des plus simples, comme nous le constaterons et qui en fera voir de toutes les couleurs à Andrea Cort. J'ai eu beau chercher, impossible de trouver la solution, même si, j'avais eu un soupçon et qu'il s'est révélé être bon.

Finalement, même dans l'espace, on rencontre les mêmes sujets de société que sur la Terre ferme… Les fonctionnaires qui ne foutent rien, la lenteur de l'administration, le sexisme, le racisme, le harcèlement sexuel sont, hélas, universels.

Les descriptions des mondes, des décors, des populations, sont riches, denses, importantes. Elles permettent de poser les bases de ce qui entoure Andrea Cort et d'emporter le lecteur dans l'espace.

Attention, tout cela est très épais, il est déconseillé de lire tout le pavé d'un coup. Vu la richesse de ce qui se trouve dans ses pages, j'ai pris mon temps, lisant une novellas tous les jours ou, entrecoupant ma lecture avec un autre roman, afin de profiter au maximum, sans rencontrer de lassitude.

Une chose est sûre, c'est que ce recueil est prenant, addictif et qu'il permet de se promener dans l'espace sans risque, en suivant Andrea Cort, sorte de Sherlock Holmes au féminin, le Watson en moins (et le lourd poids de son passé en plus) qui va devoir résoudre des mystères, des enquêtes, le tout sans se prendre les pieds dans le tapis, sans faire de faute diplomatique (oups) et sans suivre les ordres.

Un très bon roman qui mélange la SF, le roman policier, le thriller psychologique, les sujets de sociétés, le tout servi par des scénarios possédant de la profondeur.

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Andrea Cort a du mal avec les autres humains. Pas seulement les humains, d'ailleurs. Avec les autres êtres vivants, terrestres ou extra-terrestres, humanoïdes ou no. Mais elle a des excuses. Suite à un dérèglement incontrôlé, une pulsion incomprise, elle a participé à un massacre alors qu'elle était encore enfant. Tous les habitants d'une colonie se sont massacrés. Elle a survécu. Passe encore. Mais elle retient de cette expérience traumatisante une donnée tout aussi traumatisante : elle a pris du plaisir au meurtre. Même si elle a a agi sans être réellement consciente de ce qu'elle faisait, elle a aimé ça. Difficile de vivre avec cette idée, ensuite !

Andrea Cort, une garce ?
Pourtant, c'est ce qu'elle fait. Mais en pensant sans cesse au suicide. Et son intégration (ou plutôt, son asservissement, car elle a été « achetée », en quelque sorte) au Corps Diplomatique, où on la cantonne, du moins au début, à des taches subalternes, sans réel pouvoir (de nuisance diraient certains), car on n'a aucune confiance en elle, n'est pas nécessairement gratifiante ou enrichissante. de plus, son attitude envers les autres n'aide pas. Elle ne se contente pas de fuir les relations, elle se montre souvent franchement hostile. Entre l'ignorance du comportement adéquat et le « rien à fiche », elle est particulièrement désagréable. Mais cela ne l'empêche pas d'être un atout précieux, tant sa capacité de raisonnement est remarquable. Elle sait mettre en place les différents indices là où d'autres ne voient que des éléments disparates. Elle est brillante. Mais invivable. Et très attachante.

Des races extra-terrestres hautes en couleurs
Andrea Cort n'est pas seule, loin de là. Adam-Troy Castro a choisi d'emplir son univers de plusieurs peuples, tous très différents les uns des autres. Outre les homsaps (homo sapiens, en toute modestie), on trouve les Riirgaan, les Tchi, les Busteeni et les IA-source. Pour les principaux, car d'autres, plus modestes, parsèment les galaxies. Cela rappelle les bonnes heures des séries (livresques, cinématographiques ou télévisuelles), avec des galeries baroques, mais pas ridicules, dont on imagine qu'elles feraient le bonheur de responsables des costumes et des effets spéciaux. Et ce qui est valable pour le physique des E.T. l'est tout autant pour le caractère et la structure de leurs sociétés. Mais l'auteur évite le manichéisme bas de gamme : le vilain peuple qui n'aime pas les humains versus l'humanité bercée par ses idéaux. On en est loin. Tout d'abord, les différents textes mettent en scène des humains criminels. Et, en plus, les extra-terrestres eux-mêmes ne présentent pas nécessairement un front uni face à l'adversité. Des fractures se forment dans leurs opinions, des factions prennent de l'importance et poussent à certaines actions. Adam-Troy Castro s'est donc offert un univers bien peuplé et de bien belle façon, ce qui lui permet de mettre en scène des situations multiples et variées. Une chance pour le lecteur.

De la nouvelle au roman
Ce gros pavé est composé de cinq textes : quatre nouvelles et un roman éponyme. Les textes ont été placés dans l'ordre chronologique de l'histoire d'Andrea Cort, pas dans l'ordre d'écriture. Et c'est totalement justifié. On trouve donc : « Avec du sang sur les mains » (« With Unclean Hands » – 2011), « Une défense infaillible » (« Tasha's Fail-Safe » – 2015), « Les lâches n'ont pas de secret » (« The Coward's Option » – 2016), « Démons invisibles » (« Unseen Demons » – 2002) et le roman Émissaires des morts (« Emissaries from the dead » – 2008). L'éditeur aurait pu faire deux volumes (qui auraient donc été moins chers, pour chacun d'entre eux à l'achat, mais plus cher au total). Il a préféré tout réunir en un gros livre. Et, à la lecture, c'est totalement justifié.
Même si, après avoir lu (et dévoré) les quatre nouvelles de cet ouvrage, j'étais un peu inquiet pour le roman, assez long, tant j'avais trouvé Adam-Troy Castro à l'aise dans le format court. Celui-ci lui permettait de présenter le monde où allait se situer l'action, de nous donner les éléments principaux de la situation, de l'enquête, et d'embrayer rapidement sur la résolution victorieuse, mais souvent douloureuse, d'Andrea. Mais mon appréhension était sans fondement. L'auteur manie aussi bien les formes courtes que les formes longues. le roman lui permet de nous entrainer dans une histoire haletante et diablement bien ficelée, tout en faisant avancer considérablement le récit d'Andrea Cort. Et, à la différence de certains auteurs hélas prolixes, Adam-Troy Castro ne nous fait pas perdre notre temps. Les pages sont bien remplies et les intrigues, mêlées, suffisamment bien foutues pour que l'attente de leur résolution occupe. Pas d'ennui, pas d'impression de lassitude, ni de sentiment de redite vaine.

Des enquêtes précises et haletantes
Car comme dans tout bon récit judiciaire à l'américaine, l'enquêtrice (Andrea Cort) se doit de faire toute la lumière sur la situation qui lui est confiée. Afin d'arranger au mieux les tensions diplomatiques créées pas un individu accusé d'actions violentes et, souvent, immorales. Et c'est là qu'intervient le « plus » de ces récits. Il faut tenir compte des différentes coutumes et autres moeurs des espèces incriminées. Tous les extra-terrestres ne réagissent pas de la même façon aux mêmes évènements. Andrea doit les comprendre et les intégrer à ses déductions. Pour cela, elle utilise son esprit de déduction qui fait sa réputation. À juste titre. Car elle finit toujours par comprendre le fin mot de l'histoire, pour notre plus grand bonheur. Et parfois, ce n'est pas simple. D'ailleurs, pour ménager le suspens, l'auteur use de ce truc qui finit parfois par agacer (comme dans les romans d'Asimov ou le héros avait la solution à portée de son esprit mais n'arrivait pas à l'atteindre, et ce, jusqu'à la fin du récit) : Andrea sent que la réponse est proche, mais il lui manque un petit quelque chose. Et nous voilà, lecteur désolé, obligé d'attendre encore. Mais cela ne fait qu'attiser notre plaisir et notre désir de découvrir le dénouement. Il y aurait encore beaucoup à dire tant le travail d'Adam-Troy Castro de développe dans de multiples directions. Mais il est temps de laisser là le clavier.

Ouaouh ! C'est un peu court jeune homme, mais cela résume bien mon sentiment après la lecture de cet épais volume. Je ne connaissais pas du tout l'auteur ni son héroïne et je suis donc entré dans ce livre sans a priori. Mais j'en ressors totalement accroc. Andrea Cort est un personnage d'une présence, d'une force phénoménales. Et les aventures dans lesquelles elle se débat sont passionnantes de bout en bout. Pour finir, merveilleuse nouvelle pour moi, le deuxième tome, La troisième griffe de Dieu, vient de paraître. Vu la fin du précédent, je ne vais pas tarder à me jeter dessus pour découvrir ce qu'Adam-Troy Castro a bien pu réserver à cette femme au parcours si original.
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Ce livre est un sacré morceau, un bon pavé constitué de quatre nouvelles et d'un roman le tout en ordre chronologique.

Le tout retrace les enquêtes d'un personnage très atypique : "Andrea Cort", diplomate et enquêtrice au passé tumultueux devant démêler des conflits, escorter des prisonniers, défendre les intérêts humains, ou encore résoudre des crimes dans tous les recoins de l'espace, sous la gouverne du "Corps diplomatique" de la "race humaine" et ce à vie pour éponger ses crimes, ce qui se résume ni plus ni moins à de l'esclavage.

Le personnage d'Andrea est vraiment le gros atout de cet ouvrage, une femme tellement complexe, butée, n'ayant pas d'affinités avec les autres, quelques soit leurs origines, humaines ou autres, une femme solitaire, obligée de jouer dans un monde qu'elle répugne. En vérité, une femme également très angoissée, rigide et n'ayant confiance en personne, mais alors je l'ai adorée, un sacré personnage !

Côté histoire, que ce soit dans les nouvelles ou dans le roman qui suit, c'est du sur mesure pour le personnage, on ne s'ennuie jamais, malgré des passages assez lents et pas mal de descriptions, il y a toujours des passages surprenants qui vous emmènent à poursuivre l'aventure.

Le "bestiaire extraterrestre" est lui très varié.

J'ai hâte de pouvoir lire la suite des péripéties d'Andrea Cort.
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J'ai reçu Emissaires des morts de la part des éditions Albin Michel Imaginaire, je remercie Gilles Dumay ! le résumé indiquait clairement le genre de lecture qui pouvait plus que me plaire : Andréa Cort, qui a participé à un génocide dans son enfance, est devenue propriété éternelle du bureau du Procureur et enquête dans un univers peuplé de races extraterrestres étranges. le livre est composé de quatre nouvelles et du premier roman de la saga ! Je vais faire une chronique sur l'ensemble du livre.

J'ai beaucoup apprécié le concept du roman et des nouvelles. L'idée de créer une juridiction humaine dans un monde avec plusieurs races complexes est brillante. Nous suivons ainsi des histoires judiciaires, d'espionnage ou de diplomatie dans un futur distant. L'humanité ne provoque que la méfiance parmi des extraterrestres qui sont régulièrement témoins des massacres et des luttes de pouvoir. Nous sommes donc loin des imaginaires habituels de space opera où les humains deviennent rapidement le centre de l'univers, comme dans Mass Effect par exemple, sans raison apparente. Ici, les humains sont une espèce parmi d'autres, sans privilèges spécifiques autres que les accords en vigueur. Nous faisons donc face à une vision singulière.

De plus, l'aspect juridique et judiciaire rend les histoires particulièrement fascinantes. Ainsi, loin de se concentrer sur les aspects scientifiques, l'ensemble des oeuvres se base sur la compréhension de la mentalité des extraterrestres. Andréa Cort a de nombreux rôles, mais le plus exploité est celui d'enquêtrice. Elle est notamment en charge de faire la lumière sur les assassinats et les crimes menés par ou à l'encontre des humains, notamment pour éviter qu'iels soient lesé.e.s dans le droit qui leur est dû et qu'iels soient condamnés de manière abusive.

Chaque nouvelle prépare au premier roman. Elles nous permettent de mieux connaître la redoutable Andrea Cort. J'ai rarement connu un personnage aussi bien construit. Andrea n'a rien d'une sainte mais n'est pas non plus un démon. Rigoureuse, franche et asociale, elle ne se fait pas d'amis mais a un sens de la justice et une probité professionnelle à toute épreuve. Durement marquée par la violence puis par une incarcération tout aussi traumatisante, c'est une femme hantée par son passé sanglant qui s'accroche à son unique but dans cet univers infernal : tuer les monstres. le récit est à la première personne, ce qui est extrêmement bien exploité pour nous faire entrer dans les pensées intimes d'un personnage qu'il aurait été difficile de comprendre d'un point de vue externe.

Andrea est un personnage attachant car elle a un certain mordant. Sa franchise brusque fait qu'elle n'a pas de tolérance pour les médiocres, pire, les nuisibles et les lâches. Chaque récit nous fait découvrir une partie de sa personnalité mais construit également son apprentissage. En effet, loin de rester bloquée dans une posture monolithique de détestable asociale, elle évolue au fil de son histoire pour dévoiler des fêlures qui la rendent plus humaine qu'elle ne le laisserait croire. C'est en réalité un personnage d'une grande empathie, dans le sens où elle parvient à comprendre les agissements d'espèces complètement différentes des humains. Ce qui est d'autant plus une prouesse que l'auteur évite soigneusement les anthropomorphismes excessifs.

Adam-Troy Castro construit des enquêtes complexes qui mêlent plusieurs éléments, en particulier dans le roman. Émissaires des morts se développe à plusieurs niveaux, tout comme Un Un Un, la cité qui est évoquée. Outre les problèmes humains, l'auteur ajoute des extraterrestres variés qui ont chacun leurs traditions et leurs façons de pensée, qui est souvent la clef d'un mystère. L'ensemble est très bien agencé et est également entrecoupé de scènes d'action plutôt bien écrites. le seul défaut est la présence de quelques longueurs, car l'auteur a tendance à sur-expliquer certains éléments de son intrigue. L'intension est louable, mais l'enquête du roman est un peu ralentie à certains passages.

Les personnages secondaires donnent également du corps à l'histoire et forment les principaux ressors des différents scénarios. En effet, les récits étant des enquêtes, les personnes en présence cachent de nombreux secrets qu'il faut démêler. L'auteur maîtrise très bien les ressorts classiques des romans policiers : les intrications autres se mêlent à la vérité pour mieux perdre le lecteur. Tout comme il a su bien croquer Andrea Cort, les autres personnages ont tous des personnalités spécifiques que nous voyons à travers l'oeil de cette dernière. le récit se permet donc d'être parfois très psychologique dans son déroulé. le futur présenté est également très sombre, avec des génocides et de l'esclavage sous forme de volontariat plus ou moins forcé.

Émissaires des morts est une excellente lecture. Dans un premier temps, l'univers adopte un point de vue singulier, en présentant les humains comme une espèce belliqueuse qui provoque surtout la méfiance chez les autres espèces. L'aspect des enquêtes renforce un univers loin d'être exempt de racisme ou de conflits, et montre également une grande maîtrise de la part d'Adam-Troy Castro des codes des romans policiers et thrillers judiciaires. Cela se remarque à travers un personnage principal nuancé et torturé, mais avec assez de singularité pour ne pas être un cliché. Autre point réjouissant, l'auteur dévoile une SF fondée sur des aspects anthropologiques et sociologiques : tout est affaire de communication inter-espèces, compréhension des traditions et des croyances, mais aussi relations entre ces différentes espèces.
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