Le roi des ombres

Les soldats trouvent naturel de mourir au combat pour la grandeur du royaume mais ils jugent beaucoup moins acceptable de crever de fièvre ou de dysenterie pour que Louis XIV puisse promener des dames en gondole au pied de leur château.
(A propos de la création du Grand Canal où des soldats sont réquisitionnés et tombent comme des mouches par les miasmes qui en sont dégagés)

En Italie, d'où vient ma famille, nous avons une prière qui dit : " Seigneur, donnez-moi la force de changer ce que je peux changer, l'humilité d'accepter ce que je ne puis changer, et la sagesse de reconnaître le différence."

En Italie, d'où vient ma famille, nous avons une prière qui dit : " Seigneur, donnez-moi la force de changer ce que je peux changer, l'humilité d'accepter ce que je ne puis changer, et la sagesse de reconnaître le différence."

Oui, Monsieur, à la Cour, il vous faudra porter perruque. Le roi sous l'impressionnant échafaudage capillaire que vous lui verrez n'a plus aujourd'hui le poil vaillant , il se fait raser le peu qu'il lui reste et personne n'oserait afficher près de lui une chevelure en pleine santé. Mais ne vous souciez pas d'acheter un postiche, il s'en loue à chaque coin du château. Vous choisirez une coiffure courte pour assister à la messe de sa Majesté, une bien serrée pour jouer à la paume ou chasser, et une mi-longue pour le jeu ou le bal. Demandez ce qui sied à votre âge, et si vous hésitez, prenez conseil du Duc de Chartres, le fils de Monsieur, il saura ce qui convient. Par contre dans les rues de Paris, dans les jardins du palais-Royal ou à la Comédie, vous pourrez aller au naturel. Tirez vos boucles en arrière en les faisant un peu bouffer, comme je vous ai montrė et poudrez les å l'amidon de riz plutôt que de maïs, legèrement le matin, généreusement le soir. Lavez votre tête au moins une fois le mois, peignez-vous en veillant à décoller les croûtes, usez de la lotion vivifiante que je vous ai laissé et je vous promets qu'à mon âge vous ne serez pas chauve.

Certes Versailles est un prodige. Mais ne vous y trompez pas. Versailles est aussi un monstre.
Si, je vous assure.
Comme les badauds qui pour visiter les grands appartements louent un costume dans l'une des baraques accolées à l'aile des ministres, vous vous extasiez sur la rose des colonnes, l'or des grilles, la féerie des bassins?
Ce que vous admirez est un leurre, un piège. Ici la pierre, les eaux, les bosquets sont vivants et affamés, sous leur beauté ils cachent coeur, poumons, entrailles, et surtout une volonté démesurée au service d'un appétit insatiable. Obsédé par sa grandeur, soucieux seulement de croître et de fasciner, Versailles se nourrit de chair humaine, réduit, les âmes en esclavage, dévore ce qui lui résiste. Ne souriez pas, ce que je vous dis est vrai. Ce palais n'est pas un palais. Il est le reflet immuable de son créateur.

Vous pouvez contester Platon sans que Zeus vous foudroie et réfuter l'apôtre Paul sans que les Enfers vous engloutissent.

Je crois, moi, que les gens ordinaires, lorsqu'ils sont doués de finesse et de curiosité, peuvent comprendre beaucoup de choses. Il suffit souvent pour dessiller leur esprit de changer l'éclairage du paysage ou de la scène qui leur semblent familiers. Surpris d'envisager sous un jour neuf ce qu'ils pensaient connaître, ils ouvrent plus grand leurs yeux, ils fixent leur attention, ils regardent autrement. Et là, ils voient. Il leur arrive même de découvrir ce qu'on avait soigneusement essayé de leur cacher.

Demandez une provision de bûche, renvoyez votre valet, installez-vous confortablement. Vous dormirez peu cette nuit et les suivantes pas d’avantage. Les ombres qui sont sur le point d’entrer dans votre vie, vous ne les avez jamais côtoyées, c’est à peine si vous concevez leur existence. Pourtant elles vont devenir vos intimes, et lorsque vous aurez fini de me lire, elles feront partie de vous.
Vos jambes sont allongées sur le tabouret vert ? C’est bien. Approchez la bougie et ouvrez grand vos yeux…

Vous êtes bien sûr de vous, d’être ainsi sûr de moi.

Très bon roman historique, un peu dans la veine des Piliers de la Terre, même s'il n'est pas aussi fort. Il m'a donné envie d'en savoir plus sur ce complot ourdi entre autres par le Chevalier de Rohan, et qui visait à établir en Normandie une république inspirée par les idées du médecin/philosophe Van den Enden.