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Michèle Causse (Traducteur)
EAN : 9782869307476
160 pages
Payot et Rivages (01/03/1994)
4.29/5   12 notes
Résumé :

Dans une langue simple, au rythme presque biblique, Willa Cather nous livre une Amérique plus proche de Whitman que de James, en marge de la modernité et des métropoles, un univers d'une humanité bienveillante où chaque mot durement conquis s'efforce de traduire les sentiments des petites gens. Tourmentée par la mort imminente de sa mère. Willa Cather signe avec ces trois nouvelles, inspirées par le Nebraska de son ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique
Les trois nouvelles de ce recueil nous plongent dans une Amérique d'un autre temps où le rythme de la vie était bien plus lent. Les personnages sont bien ancrés dans leur présent et dans une vie aux joies simples. Cet univers qui n'existe plus est dépeint à merveille.
"Le Père Rosicky" est le portrait d'Anton Rosicky et de sa famille ; c'est un immigré tchèque, ancien garçon tailleur ayant choisi de quitter la ville pour devenir fermier dans le Midwest.
"La Vieille Madame Harris" dépeint par petites touches une grand-mère sudiste, qui a suivi sa fille, Victoria, son gendre et ses petits-enfants dans l'Est des Etats-Unis. le regard d'une voisine compréhensive permet de mesurer les écarts culturels entre Nord et Sud, et la difficulté à s'adapter à une époque nouvelle.
"Deux Amis" montre, vue par le regard d'un enfant, une amitié profonde et sincère entre deux hommes très différents, un banquier et un gros éleveur de bétail dans une petite ville du Kansas. Et la fin brutale de cette amitié à cause d'une querelle politique.
J'ai beaucoup aimé les deux premières nouvelles, centrées sur des gens très ordinaires. Il y a quelque chose d'élégant et de délicat dans l'écriture de Willa Cather ainsi que dans la manière dont elle nous fait découvrir ses personnages.
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Obscure Destinies
Traduction : Michèle Causse

Au fur et à mesure que je m'enfonçais au coeur des trois nouvelles qui composent ce recueil, c'est à la grande Katherine Mansfield que Willa Cather me faisait songer. Et pourtant, en apparence, toutes deux sont aux antipodes l'une de l'autre.

La première fixe en effet le Temps par petites goutte dorées et translucides, oeuvrant en joaillier perfectionniste, traquant au plus près du rêve et de l'indicible ces mille éclats kaléidoscopiques qui forment l'existence humaine. La seconde au contraire le travaille comme une couturière de génie, taillant à grands coups décomplexés dans une masse informe dont, au premier abord, on ne distingue absolument ni la grâce, ni l'intérêt. Les personnages de Mansfield ont la délicatesse et les préoccupations souvent complexes d'ombres qui fuient l'éclat trop brutal du soleil pour se réfugier dans la douceur lunaire, ceux de Cather s'enracinent dans une vie terrestre saine et robuste, en accord parfait avec la Nature qui les entoure et à l'abri de laquelle ils développent des joies et des soucis plus simples.

Cependant, les deux femmes ont en commun une formidable puissance d'évocation de l'instant qui passe, un génie naturel pour enlever le lecteur à son quotidien et le plonger en douceur dans un univers qui, bien qu'il lui soit en principe étranger, fait naître en son coeur de multiples et insaisissables remous. A peine perçue, l'émotion soulevée semble reculer et se dissoudre mais quand on referme le livre, on s'aperçoit qu'elle s'est fait une petite place au fond de nous, parmi nos souvenirs les plus chers.

Dans "Destins Obscurs", la seconde nouvelle - la plus longue - est celle où culmine l'art de Willa Cather. L'auteur y fait le portrait d'une grand-mère sudiste, "La Vieille Madame Harris", qui donne son nom au texte et s'est exilée dans l'Est des Etats-Unis pour ne pas abandonner à elle-même sa fille, Victoria, et ses petits-enfants.

En dépit de sa lassitude, qui s'accroît avec l'âge, Mrs Harris continue à assurer le bon fonctionnement d'une maison où l'argent fait un peu trop défaut et où les parents ne s'occupent guère de leur progéniture, tous deux ayant été élevés eux aussi dans la tradition du Sud qui voulait qu'une femme mariée confiât l'éducation de ses rejetons soit à sa mère, soit à une parente pauvre. Devenue véritable mode de vie, cette coutume ne tient pas compte des bouleversements apportés par la Guerre civile dans la société américaine : chez Mrs Harris, nulle "Mama" pour la soulager des servitudes ménagères, tout au plus une jeune domestique, Mandy, laquelle, plus compatissante que le reste de la maisonnée, propose tous les soirs à la vieille dame de lui masser ses pieds recrus de fatigue ...

La première nouvelle, "Le Père Rosicky", est aussi un hommage rendu par Cather aux Anciens Américains, en la personne d'un immigré tchèque, Anton Rosicky, ancien garçon-tailleur devenu fermier dans le Midwest, vieillard aimable et souriant qui, à la différence de Mrs Harris, est entouré d'une famille qui se rend compte de tout ce qu'il a fait - et continue à faire - pour elle.

Enfin, la nouvelle de clôture, "Deux Amis", analyse de manière mansfieldement subtile ;o) les ressorts de l'amitié entre le banquier Dillon et J. H. Trueman, gros éleveur de bétail dans une petite ville du Kansas. La chaleur de cette relation, la complicité des deux compères et plus tard la stupide querelle politique qui en vient à bout sont exposées par une narratrice qui se les remémore avec les yeux de l'enfant qu'elle était alors, ce qui parachève la nostalgie qui se dégage de l'ensemble.

Si vous ne connaissez pas Willa Cather et si vous avez un faible pour les nouvelles et textes courts, pourquoi ne pas commencer par ce recueil qui, tranquillement, sans avoir l'air d'y toucher, donne une grande leçon d'écriture ? ;o)
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Vous vous doutez bien qu'avec un titre pareil : "Destins Obscurs", les 3 nouvelles qui nous sont ici contées par Willa Cather, ne sont pas bien gaies!

En effet, chacune d'elle (Le père Rosicky, La vieille Mrs Harris et Deux amis) évoque à chaque fois les thèmes de la mort, la rupture et sont emplies de nostalgie.

Ces nouvelles assez denses n'en sont pas moins intéressantes que les autres livres de Willa Cather car celle-ci nous livre, une fois de plus, une belle galerie de portraits où l'accent est mis sur l'humain. Les personnages sont bienveillants, pleins d'humanité et très attachants : page 49 "Comme si Rosicky avait eu le don spécial d'aimer les gens, tout comme d'autres ont une oreille douée pour la musique ou un oeil doué pour la couleur. C'était une façon d'être, à la fois tranquille et discrète (...)".

Elle a le talent de mettre en lumière les "petites gens" tels qu'une blanchisseuse, des immigrés d'Europe de l'Est ou du Nord, qui après avoir tenté leur chance à Londres ou New York pour une vie meilleure, ont finalement choisis de s'implanter dans les inhospitalières campagnes américaines, là où leurs voisins sont parfois bien cruels ...

On a le temps de s'attacher aux personnages, de sentir leurs émotions tant Willa Cather prend le temps de nous les décrire en détails que ce soit dans leurs traits physiques , leurs caractères, ou leurs habitudes...

Ces nouvelles sont -à mes yeux- un précieux témoignage d'une époque révolue vécue par certains pionniers qui se sont installés en Amérique. Les modes de vie et les mentalités de l'époque y sont bien retranscrits. Elle pointe même certaines incohérences des communautés d'alors, par exemple en décrivant une ferme riche munie de toutes les techniques disponibles de l'époque mais dont le confort le plus élémentaire fait cruellement défaut.

J'ai retrouvé dans ce livre le ton de "Mon Antonia" plein de beauté et de cruauté à la fois, de nostalgie et d'humanité, en un peu plus sombre.
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Voici trois longues nouvelles. Trois destins que Willa Cather nous livre de manière limpide avec des mots justes et des émotions fortes posées avec une grande délicatesse alliée à une fine analyse des sentiments profonds que ressentent ses héros.
Très vite chaque personnage nous semble attachant et les quitter nous laisse un peu de tristesse en marge du souvenir de cette belle lecture passée. Entre les lignes, règnent la tendresse, l'attention portée aux autres, l'amitié sincère et entière. Sur le rythme lent de cette Amérique d'un autre temps, d'autres moeurs Willa Cather nous offre une traversée au coeur des âmes élégantes et nobles, loin de l'individualisme et de la recherche de la réussite forcenée...
Lien : http://lecandidelitteraire.b..
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Citations et extraits (4) Ajouter une citation
Comme si Rosicky avait eu le don spécial d'aimer les gens, tout comme d'autres ont une oreille douée pour la musique ou un oeil doué pour la couleur. C'était une façon d'être à la fois tranquille et discrète : elle était tout simplement là. On le sentait à ses mains aussi.
(...)
Elle se demanda si ce n'était pas une main de Tzigane, vive, rapide et légère dans sa façon de communiquer : une main étrange pour un fermier.
(...)
C'était une main humaine et chaleureuse, non dépourvue d'adresse, pleine de générosité et de cette qualité que Polly appelait "tzigane" - quelque chose de leste, de vivant et de sûr, qui n'était pas sans évoquer la patte des animaux.
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[Mandy] plaça les pieds de grand-maman dans le tub et, accroupie à côté d'elle, lentement, doucement, elle se mit à frotter les jambes gonflées. Mandy était fatiguée aussi. Mrs Harris était assise, un bonnet de nuit sur la tête et un châle sur les épaules, les mains croisées sur la poitrine. Elle ne réclamait jamais ce moment d'apaisement ; c'était Mandy qui, n'ayant rien d'autre à offrir, lui en faisait cadeau. Si une comparaison entre deux absolus était chose possible, on eût dit que la plus nécessiteuse des deux était Mandy, mais c'était elle la plus jeune. La cuisine était tranquille et plongée dans l'ombre, sans autre lumière que celle d'une vieille lanterne. Elles ne parlaient ni l'une, ni l'autre. Mrs Harris s'endormit de bien-être et c'est à demi endormie elle aussi que Mandy se livra à l'un des plus vieux rites de compassion qui soient au monde.

Bien que le canapé de Mrs Harris fût privé de ressorts et que seul un mince matelas de coton la séparât des planches en bois, elle s'endormait dès qu'elle posait la tête sur l'oreiller. Tout ce qu'elle demandait, c'était de ne plus être debout sur ses jambes, d'être allongée, de réciter le psaume qui commençait par "Le Seigneur est mon berger." Vers quatre heures du matin cependant, elle commençait à sentir la dureté des planches sous son dos. La lourdeur des vieux duvets confectionnés à la maison lui pesait sans dégager de vraie chaleur autour de son ventre. Alors, elle prenait sous son oreiller le petit réconfort (comme elle l'appelait) que lui avait donné Mrs Rosen [l'une des rares à se rendre compte de l'égoïsme qui entoure Mrs Harris]. C'était un doux chandail de laine brossée dont l'une des manches était toute déchirée.
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C'était un cimetière plaisant, songea Rosicky, à la fois douillet et familier, ni bondé ni lugubre - entouré d'un bel espace. Gisant dans l'herbe haute, un homme pouvait embrasser du regard toute la voûte céleste au-dessus de lui, entendre le bruit des chariots et, en été, suivre les faucheuses qui, dans un grand cliquetis, venaient frôler la clôture. En outre, le cimetière était tout proche de la maison. Au-delà des tiges de maïs, son toit et son éolienne lui furent soudain si chers qu'il se promit d'écouter le médecin et de prendre soin de lui-même. Il était terriblement attaché à ces lieux, il devait l'admettre. Il n'était pas pressé de les quitter. Et il était réconfortant de penser que jamais il ne devrait aller plus loin que la lisière de son propre champ. La neige, qui tombait sur le cimetière et sur la neige, semblait unir les lieux. Dans le cimetière étaient enterrés de vieux voisins, pour la plupart des amis. En vérité, rien dans cet enclos ne pouvait susciter la gêne ou l'embarras. Or, l'embarras était le sentiment le plus désagréable que connût Rosicky. Il ne l'éprouvait pas souvent, il est vrai, sinon avec certaines gens qu'il ne comprenait pas du tout.

C'était une belle tempête de neige : rien n'était plus gracieux que cette neige floconnant doucement sur une campagne aussi offerte. Elle tombait, légère, délicate, mystérieuse, sur sa casquette, sur l'échine et la crinière des chevaux. Et avec elle se répandait dans l'air un parfum sec et frais. Elle annonçait le repos de la végétation, des hommes et des bêtes, du sol lui-même, et elle promettait une saison de longues nuits de sommeil, de petits déjeuners tranquilles, de moments paisibles au coin du feu. Ces pensées, ainsi que bien d'autres, se pressèrent dans l'esprit de Rosicky mais il finit tout bonnement par conclure que l'hiver approchait ; il claqua de la langue pour faire avancer les chevaux et continua son chemin.
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Il arrive que des merveilles surviennent dans les pays les plus mornes - voire même dans les champs de maïs et de blé. Assise un soir au bord du trottoir, les pieds dans la poussière chaude, je vis une éclipse de Vénus. Nous étions alors seuls tous les trois. C'était par une nuit chaude, et les commis étaient rentrés chez eux après avoir fermé le magasin. Mr Dillon et Mr Trueman s'attardèrent un moment pour regarder le phénomène. C'était une nuit toute bleue, sans un souffle, et claire, sans le moindre nuage d'un horizon à l'autre. Tout semblait comme d'habitude au-dessus de nos têtes : c'était le ciel familier d'une nuit d'été ordinaire. Mais bientôt, nous vîmes une étoile brillante se déplacer. Mr Dillon me héla. Il me dit de regarder ce qui allait se passer car je pouvais, de toute ma vie, ne jamais plus voir un tel spectacle.

Cette grosse étoile s'approcha de la lune, toujours plus près, vite, très vite, jusqu'à ce que seule les sépare la largeur de la main, puis celle de deux doigts ; et alors elle disparut entièrement sous la masse de la lune, au beau milieu de sa circonférence. L'étoile que nous avions contemplée s'était évanouie. Nous attendîmes, durant je ne sais combien de temps, peut-être une quinzaine de minutes. Enfin nous vîmes une verrue brillante surgir de l'autre côté de la lune, pour une seule seconde, tant la mécanique du ciel est rapide. Pendant que les deux hommes poussaient des exclamations et m'invitaient à regarder le phénomène, la planète sortit complètement du disque doré et seule une fissure bleue la sépara de la lune : une fissure qui alla en grandissant très vite. La planète n'avait pas l'air de bouger mais l'espace de couleur bleu encre qui la séparait de la lune s'élargit. Et bientôt tout fut fini.
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Mathieu Lindon "Ce qu'aimer veut dire" - Où il est question notamment de Michel Foucault et d'Hervé Guibert, de Jérôme Lindon, de Samuel Beckett, Marguerite du ras, Alain Robbe-Grillet, Claude Simon, Robert Pinget, Pierre Bourdieu et de Gilles Deleuze, d'un père et d'un fils et de filiation, d'amitié et d'amour, de littérature, de la rue de Vaugirad et de LSD et d'opium, d'impudeur et d'indiscrétion,de rencontres, de Willa Cather et de Caroline Flaubert, , et aussi des larmes aux yeux, à l'occasion de la parution de "Ce qu'aimer veut dire" de Mathieu Lindon aux éditions POL, à Paris le 13 janvier 2011
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