Une monographie sur l'oeuvre de bâtisseur de
Léopold II. La documentation est fouillée mais le ton est souvent polémique et la structure quelque peu brouillonne du texte l'apparente plus à une collection d'informations décousues qu'à une monographie démontrant une thèse. En caricaturant, j'avoue, je dirais que la lecture de ce livre donne le même plaisir que celui de fouiller un bac de vieilles cartes postales.
Ce livre est paru en version originale sous le titre « Bouwen met zwart geld - de grootheidswaanzin van
Leopold II » (« Construire avec de l'argent noir - La folie des grandeurs de
Léopold II »). Ce titre résume mieux l'objectif polémique de l'auteur: montrer comment la fortune colossale que le Congo aurait apportée à
Léopold II lui aurait permis d'assouvir des desseins architecturaux mégalomanes, en particulier à Bruxelles. « Léopold est un produit de son époque, à laquelle le pillage des continents était pratiqué par toutes les nations. »
Mon manque criant de culture historique, y compris pour ce qui concerne mon pays, ne me permet pas d'émettre un jugement de valeur. Néanmoins, j'ai retrouvé l'expression « folie des grandeurs » dans un livre plus pondéré: l' « Histoire de
la Belgique » de l'éminent historien
Georges-Henri Dumont. Je cite: « La majorité des gens s'imaginaient que le roi avait la folie des grandeurs. On dénigrait son oeuvre de bâtisseur et d'urbaniste, parce qu'il voyait grand; on se demandait pourquoi il voulait répandre l'air et la lumière dans les agglomérations populeuses; on se moquait de son désir d'élargir les routes. le destin de ce génie fut d'être incompris. »
Je prendrais donc avec un grain de sel les affirmations à l'emporte-pièce de Lucas Catherine.
Le livre fourmille de détails sur des points d'histoire du règne de
Léopold II ou d'histoire de quartiers de Bruxelles. Certes, ces points d'histoire me semblent soigneusement documentés. Mais comme je le mentionnais au début, ce livre n'a pas la rigueur d'une monographie d'historien qui voudrait démontrer une thèse (Lucas Catherine n'est d'ailleurs pas historien). J'en sors avec l'impression d'avoir lu des détails de points d'histoire replacés dans un contexte historique pas très fouillé, plutôt que d'avoir lu un exposé historique illustré de quelques détails. Mon attente ayant été de trouver un exposé historique neutre et solide, j'ai donc été déçu.
Néanmoins, chacun des tableaux présentés par Lucas Catherine ne manque pas d'intérêt, en particulier pour les amoureux de Bruxelles: les influences de la famille anglaise de
Léopold II, les expositions universelles de 1897 et 1910, le Crystal Palace et les serres de Laeken, la transformation radicale de quartiers bruxellois pour tracer de grandes avenues, pour aménager le Coudenberg et le Mont des Arts ou pour voûter la Senne, sans parler de l'aménagement d'Ostende et de la ligne de train Ostende-Vienne. À travers tous ces projets, on peut se faire une idée de la personnalité de
Léopold II, même s'il faudrait lire encore d'autres textes pour décider s'il s'agisssait d'une sorte de mégalomane intriguant et manipulateur, comme l'auteur pourrait le laisser croire, ou plutôt d'un génie clairvoyant et obstiné. le chapitre consacré à la fortune de
Léopold II pose question, mais il est assez court et polémique; notons que l'auteur fait remarquer qu'il est prévu que la « Donation royale » de
Léopold II à l'État belge, estimée à 849 millions d'euros en 2018, revienne à la famille royale en cas de destitution de la monarchie.