Un livre qui évoque l'adolescence délicate de Kévin, fils d'immigrés chinois ayant fui la dictature de Mao Zedong. Ce jeune garçon de 16 ans, brillant élève de 1ère S, vit à Lille avec son père et son frère, Mickaël, depuis que leur mère est décédée d'un cancer.
Lors des vacances, M. Zhang emmène ses fils à Pékin pour parfaire leur éducation. Les deux frères en ont assez de la forte pression scolaire exercée par leur père et aimeraient connaître leur famille maternelle qu'ils n'ont jamais pu rencontrer jusqu'alors.
A force de persévérance, Kévin obtient de sa tante, Ah Min, qu'elle lui fasse rencontrer sa grand-mère maternelle, Maître Li, sous couvert de leçons de calligraphie.
La vieille femme lui raconte alors comment elle a perdu son fils, étudiant dans le domaine du cinéma, le 4 juin 1989, lors de la manifestation de Tian-anmen, sévèrement réprimée par la dictature maoïste. Sa fille, la mère du protagoniste, était journaliste dans un quotidien asservi à la propagande du régime. C'est elle qui a demandé à son frère,
Wang Gang, de venir de Xi'an à Pékin pour soutenir les étudiants de l'Institut du cinéma réclamant une totale liberté de création. C'est elle qui a ensuite parcouru les rues et les hôpitaux jonchés de cadavres avant de retrouver son corps au milieu de ceux d'autres jeunes gens assassinés par l'armée. C'est elle qui a dû dénigrer son frère et sa mère en public afin de pouvoir émigrer en France et rejoindre son époux. Enfin c'est elle qui, à la demande de sa mère, a dû quitter son pays pour construire une famille ailleurs et laisser sa génitrice défendre seule la mémoire de son frère.
Kévin et Mickaël comprennent que c'est pour les épargner leur père a gardé secrets ces événements familiaux tragiques. Maintenant que ce fardeau qui les minait tous est en partie évacué, ils vont pouvoir aller de l'avant : Kévin va oser présenter son amoureuse, Laura, à son père et il va enfin pouvoir rencontrer la fille de son défunt oncle, Xiao Hui.
Ce roman évoque subtilement les clichés dont sont victimes les enfants d'immigrés chinois. D'aucuns pensent qu'ils sont forcément très travailleurs et bons en calculs. Ce à quoi l'on songe moins, c'est qu'ils ont besoin d'amour et qu'ils sont parfois minés par de terribles secrets familiaux liés à la dictature maoïste.
Chloé Cattelain a réussi à évoquer un sujet difficile et à nous faire réfléchir sans tomber dans une narration glauque et déprimante. Kévin, son protagoniste, est très attachant et sait faire preuve d'humour pour dédramatiser la situation. L'amour qui l'unit à son frère est aussi une bouée précieuse qui apporte une touche de lumière dans leur existence qui n'est pas toujours facile.
Dommage que l'intériorité du père ne soit pas davantage creusée : le point de vue du mari ayant vécu les événements de l'extérieur, depuis d'Occident, aurait pu être intéressant.