On arriva dans cette ville par une pente si raide et si encaissée, dans une partie dont la surface glacée avait été si polie par la quantité d'hommes et de chevaux qui y avaient glissé, que nous fûmes obligés de faire comme tout le monde, de nous asseoir et de nous laisser glisser sur le derrière. L'Empereur dut faire de même, les mille bras qu'on lui offrait ne présentant aucune solidité.
Pendant quatorze jours et quatorze nuits, Caulaincourt, en tête-à-tête avec le maître de l'Europe, partage avec lui cet épisode unique dans l'Histoire. Durant ce voyage exceptionnel, Napoléon vit un moment capital de son fulgurant destin. Il médite sa défaite sur le sol russe, dresse un bilan provisoire de son oeuvre, mais est encore confiant en sa bonne étoile.
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Toutes les rigueurs de l'hiver n'arrivent pas en vingt-quatre heures, me dit-il. Moins acclimatés que les russes, nous sommes, au fond plus robustes qu'eux. Nous n'avons pas encore eu l'automne; nous aurons encore beaucoup de beaux jours avant l'hiver.
- Ne vous y fiez pas Sire, répondis-je. L'hiver arrivera comme une bombe, et vous ne sauriez trop le redouter dans l'état où est l'armée.
Les souverains, disait-il, ne doivent jamais ôter aux hommes tout espoir de pardon.
...l'Angleterre abuse bien réellement de sa force, de sa puissance isolée au milieu des tempêtes, et cela pour son seul intérêt, car celui de cette Europe qui semble l'entourer de sa bienveillance n'est compté pour rien par les marchands de Londres. Ils sacrifieraient tous les états de l'Europe, tout le monde entier même à une de leurs spéculations. Si la dette de l'Angleterre était moins considérable peut-être serait-elle plus raisonnable.
Quand on a été un fourbe, il ne faut pas devenir un sot.
C’est le caractère des courtisans de tous les temps : leur intérêt est tout ; la patrie n’est rien.