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Marguerite Yourcenar (Traducteur)Konstantínos Th. Dimarás (Traducteur)
EAN : 9782070321759
272 pages
Gallimard (07/12/1978)
4.32/5   37 notes
Résumé :
NOTE A LA PRÉSENTE ÉDITION
Ange S. Vlachos (1915-2003) a traduit du grec moderne de nombreux classiques de la Grèce antique, tout comme des écrivains du XXè siècle tels que Camus et Woodhouse. Parfaitement imprégné de langue et de culture françaises - son grand-père est le rédacteur, à la fin du XIXè siècle, d'un des premiers dictionnaires grec moderne-français - Vlachos est un grand connaisseur de l’œuvre de Constantin Cavafy, qu'il a personnellement fréqu... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique
La lecture des poèmes de Cavafy est à première vue déroutante. J'ai commencé par ne pas trouver cela très poétique. Et puis, petit à petit, je suis entré dans les subtilités et l'infinie délicatesse de cet auteur. Cavafy se cache et ne se dévoile que par petites touches, de plus en plus explicites au fil du temps. Cela tient à son homosexualité, vécue dans la clandestinité, comme toujours à son époque.
De nombreux poèmes sont inspirés de récits antiques, réels ou imaginaires. L'art de Cavafy est d'investir ces très courts récits de toute sa sensibilité. C'est aussi l'attachement à l'identité grecque à travers les lieux et les époques qui s'exprime. L'auteur vivait dans la diaspora grecque d'Alexandrie d'Égypte. Il faut dire que les notes et la magistrale étude de Marguerite Yourcenar aident à enrichir notre lecture de textes dont les références nous seraient inconnues autrement.
C'est une très belle découverte, à faire patiemment: la poésie, le lyrisme discret, l'histoire, et le peuple grec dispersé.
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N° 1499- Septembre 2020.

PoèmesConstantin Cavafy – Gallimard.
Traduits du grec par Marguerite Yourcenar et Constantin Dimiras.

Constantin Cavafy est parmi les poètes grecs modernes l'un des plus connus. Pourtant il est né à Alexandrie en 1863 et c'est là qu'il mourut en 1933 . Il n'a publié aucun recueil de son vivant se contentant de distribuer chichement des poèmes à des amis ou à des revues (ce qui était une certaine forme de publication) des poèmes qu'il remaniait sans cesse et même pour certains qu'il rejetait (Une première édition posthume et partielle est parue en 1935 suivie en 1963 de l'édition de ses oeuvres complètes puis en 1968 une autre consacrée aux poèmes de jeunesse). Il a été une grande partie de sa vie fonctionnaire au ministère de l'irrigation et courtier à la bourse et pendant longtemps son oeuvre a été inconnue du grand public. Il est resté très secret, sauf peut-être vers la fin de sa vie où le succès est enfin venu. Dans son oeuvre, bien qu'il parlât anglais, français et un peu italien, il est resté grec et s'exprimait dans cette langue, ne faisant aucune place dans son écriture au monde arabe et musulman qui pourtant était son quotidien. Il était un émigré grec à Alexandrie, un levantin, mais, et peut-être malgré lui, il a considérablement marqué la poésie grecque de son temps . Ce qui frappe c'est une poésie qui n'est pas lyrique, qui ne parle pas de la nature, qui est laconique, évocatrice de la rue parfois inquiétante, malfamée, des quartiers interlopes, des lupanars sordides à la recherche de jeunes garçons, des cafés populaires… Elle évoque aussi la rencontre fortuite et éphémère d'éphèbes qui sont ses amants et de leur départ qu'il déplore tout en notant leur âge ce qui traduit à la fois son obsession du temps qui passe, de la vieillesse et sa fascination pour la jeunesse associée à la beauté. Sa poétique ne s'attache pas à un être en particulier comme chez nombre de poètes mais au contraire Cavafy parle souvent de visions furtives, évoque à mots couverts l'amant d'un soir et parfois même fait appel à ses souvenirs. Chez lui, plus sans doute que chez les autres poètes, la poésie est intimement liée à lui-même, avec cet usage du soliloque et de l'auto-évocation, un peu comme s'il ne s'adressait pas au lecteur. Cela certes donne des poèmes sensuels, voire érotiques, mais aussi sans grand lyrisme et le style est à la fois sec et souple, un peu comme dans le grec ancien. A côté de ce penchant essentiellement homosexuel, son écriture se transforme en pastiche, prend une dimension historique, toujours d'inspiration grecque, avec des références à la mythologie (c'est son côté érudite) et fait appel à la notion de destin, de déclin, de moralité, c'est à dire revêt un côté sentencieux. Elle est parfois distante, peu émotionnelle.
Cavafy est un poète chrétien et, avec sa sexualité refoulée, il ne peut que concevoir une culpabilité, et c'est sans doute ce qui a motivé son volontaire maintien dans le secret, refusant la notoriété que son talent aurait pu lui procurer. Il avait en effet peur du scandale que la publication de ses poèmes pourrait provoquer, l'homosexualité était en effet un tabou. Il était l'habitué des tavernes et des bordels et ressentait du désir et de la honte à cause de cela.

Ce que je retiens dans la poésie de Cavafy c'est son aspect éminemment personnel, il explore sa mémoire, la ravive avec des mots et j'y vois un effet cathartique, son écriture ayant aussi une fonction purificatrice pour cet être refoulé, une manière d'y trouver ce que ses amants lui ont refusé, de compenser ce temps perdu pour le plaisir, ce temps enfui que la mémoire fait renaître. Il note aussi le coté transitoire de ses rencontres en parlant de leur départ qui le laisse toujours seul et abandonné, comme une fatalité. C'est une certaine manière de dénoncer le temps perdu, la clandestinité des rencontres, leur côté clandestin, furtif. Il n'empêche, cela fait de lui un être essentiellement solitaire, friand de voluptés mais hanté par la mort, une sorte de danse lente entre Éros, Chronos, Mnémosyne et Thanatos.
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Il y a ceux dont les noms sont dans notre mémoire,
Alexandre Jannée, petit- fils de Simon Macchabée, y retrouve sa famille;
Il y a celui que l'on a croisé un jour, il y a bien longtemps, dans les ruines de Mystra, Théophile Paléologue,
le mathématicien lettré, parent du dernier empereur de la ville;
il y a ceux qui sont presque des familiers, Apollonius de Thyane que l'on priait avec Sévère Alexandre;
et puis,
il y a tous ceux que l'on ne croise que chez Cavafy,
Jean Cantacuzène, Anne Commène,
et aussi Oropherne -
lui on s'en souvient,
on le voyait dans les éclairs
au-dessus des ruines du château d'Olipherne,
aider Judith à brandir la tête d'Holopherne.
Je demande l'indulgence pour cette facilité que je m'accorde, juste gâterie après la très raide montée jusqu'aux ruines d'Olipherne.
Ces noms, quelquefois imaginés,
à chaque lecture ils reviennent à nous,
comme des voisins,
dont on connaît le visage, le nom,
et rien d'autre,
parce que l'on laisse le mystère - ou l'indifférence…
dissimuler les ruines des vies gâchées,
tandis que nous imaginons ce qui nous attend,
le pesant ennui d'hier;
mais peut-être retrouverons-nous, assis au café
à la table voisine,
le désir qui était le nôtre
dans cet après-midi d'été,
c'était, oui, c'était il y a longtemps,
ce souvenir qu'a gardé notre corps d'avoir été tant aimé,
en ces temps où déjà les poèmes de Constantin
accompagnaient nos mélancolies.

Ce  Grec Égyptien, (1863 – 1933), je le lis chez M. Yourcenar, Présentation critique de Constantin Cavafy suivie d'une traduction des Poèmes (collection poésie/Gallimard) et dans les traductions de Dominique Grandmont, Cavafy, Poèmes (Gallimard, coll. du Monde Entier) et  En attendant les barbares et autres poèmes (Gallimard)


© Mermed
Lien : http://holophernes.over-blog..
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Incomplet et dépourvu d'appareil critique, le travail d'Ange Vlachos n'en offre pas moins de belles surprises. Est-ce par ce qu'il est le fait d'un Grec, et même d'un Alexandrin ? Sa traduction a d'inhabituelles et heureuses tournures. Dans le français de Vlachos, point la langue grecque. Typiquement, dans le poème « Ithaque », Vlachos écrit : « Ithaque t'a donné le beau voyage », conservant du grec l'article défini là où Dominique Grandmont écrit « Ithaque t'a donné ce beau voyage ». de même, Vlachos n'hésite pas à recourir à des archaïsmes en français pour rendre les formules en grec ancien, ou en byzantin par exemple comme dans le poème « Anne Dalassène » : « Oncques ne furent dites entre nous les paroles froides mien ou tien ». Chez Grandmont : « Entre nous, ces mots froids, le tien ou le mien, n'ont jamais été prononcés ». le travail de Vlachos est intéressant pour ses refus de lisser les aspérités du patchwork linguistique cavafien. On y entend un cosmopolitisme bâtard, celui des royaumes hellénistiques ou des ambiances égyptiennes contemporaines peuplant les poèmes de Cavafy.

Lien : https://www.en-attendant-nad..
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Citations et extraits (41) Voir plus Ajouter une citation
ITHAQUE

Lorsque tu feras voile pour Ithaque
souhaite que la route soit longue
pleine d'aventures, pleine d'expériences.
Les Lestrygons et les Cyclopes
Le furieux Poséidon, ne les crains pas,
tu ne trouveras pas de choses pareilles sur ta route
si ta pensée reste élevée, si une délicate émotion
anime ton esprit et ton corps.
Les Lestrygons et les Cyclopes
Le farouche Poséidon, tu ne les les verras pas
si tu ne les portes dans ton âme
si ton âme ne les dresse devant toi.

Souhaite que la route soit longue.
Que soient nombreux les matins d'été
où – avec quel plaisir, quelle joie -
tu entreras dans les ports vus pour la première fois ;
arrête-toi dans les bazars phéniciens
et achète les bonnes marchandises,
nacre et coraux, ambres, ébènes,
et parfums voluptueux de toutes sortes,
le plus possible de parfums voluptueux.
Va dans plusieurs villes égyptiennes
apprends et apprends encore auprès des sages.

Ithaque doit toujours être présente à ton esprit.
Y arriver est ton destin.
Mais ne presse nullement le voyage.
Mieux vaut qu'il dure plusieurs années
et que, vieillard enfin, tu abordes dans l'île,
riche de ce que tu auras gagné en chemin
n'espérant pas qu'Ithaque te donne des richesses.

Ithaque t'a donné le beau voyage.
Sans elle, tu n'aurais pas pris la route.
Elle n'a rien d'autre à te donner.

Si tu la trouves pauvre, Ithaque ne t'a pas trompé.
Sage comme tu l'es devenu, avec tant d'acquis
tu dois avoir déjà compris ce que sont les « Ithaques ».

PS : Je signale que ce poème a été mis en musique par Luis Llach, grand chanteur catalan, sous le titre : "Viatge a Itaca".
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Corps, souviens-toi, non seulement de combien tu fus aimé,
non pas seulement des lits où tu t’étendis,
mais aussi de ces désirs qui pour toi
brillaient dans les yeux visiblement,
et tremblaient dans la voix ― et que quelque
obstacle fortuit rendit vains.
Maintenant que tout cela plonge dans le passé,
il semble presque qu’à ces désirs
tu te sois donné. Comme ils brillaient
souviens-toi, dans les yeux qui te regardaient,
comme ils tremblaient dans la voix, pour toi ; souviens-toi, corps.
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LE SOLEIL DE L'APRÈS-MIDI

Cette chambre comme je la connais bien! Maintenant, ces deux pièces sont transformées en bureaux... Toute la maison est louée à des courtiers, à des marchands, à des Compagnies.
Ah, je la connais bien, cette chambre...
Près de la porte, ici, était le canapé, et, au pied, un tapis de Turquie. Tout près, l'étagère avec deux potiches jaunes. À droite - non, en face - l'armoire à glace. Au milieu, son bureau, et trois grandes chaises de paille. Près de la fenêtre, le lit où nous avons tant de fois fait l'amour.
Pauvres meubles, ils doivent encore exister quelque part...
Près de la fenêtre, le lit. le soleil de l'après-midi arrivait jusqu'au milieu.
Un après-midi, à quatre heures, nous nous sommes quittés pour une semaine tout au plus. Hélas, cette semaine dure encore.
.
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ITHAQUE

Lorsque tu feras voile pour Ithaque
souhaite que la route soit longue
pleine d’aventures, pleine d’expériences.
Les Lestrygons et les Cyclopes
le furieux Poséidon, ne les crains pas,
tu ne trouveras pas de choses pareilles sur ta route
si ta pensée reste élevée, si une délicate émotion
anime ton esprit et ton corps.
Les Lestrygons et les Cyclopes
le farouche Poséidon, tu ne les verras pas
si tu ne les portes dans ton âme
si ton âme ne les dresse devant toi.

Souhaite que la route soit longue.
Que soient nombreux les matins d’été
où – avec quel plaisir, quelle joie –
tu entreras dans des ports vus pour la première fois ;
arrête-toi dans des bazars phéniciens
et achète les bonnes marchandises,
nacres et coraux, ambres, ébènes,
et parfums voluptueux de toutes sortes,
le plus possible de parfums voluptueux.
Va dans plusieurs villes égyptiennes
apprends et apprends encore auprès des sages.

Ithaque doit toujours être présente à ton esprit.
Y arriver est ton destin.
Mais ne presse nullement le voyage.
Mieux vaut qu’il dure plusieurs années
et que, vieillard enfin, tu abordes dans l’île,
riche de ce que tu auras gagné en chemin
n’espérant pas qu’Ithaque te donne des richesses.

Ithaque t’a donné le beau voyage.
Sans elle tu n’aurais pas pris la route.
Elle n’a rien d’autre à te donner.

Si tu la trouves pauvre, Ithaque ne t’a pas trompé.
Sage comme tu l’es devenu, avec tant d’acquis
tu dois avoir déjà compris ce que sont les « Ithaques ».

(p. 51-52 - traduction de Ange S. Vlachos)
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Quand tu partiras pour Ithaque, souhaite que le chemin soit long, riche en péripéties et en expériences. Ne crains ni les Lestrygons, ni les Cyclopes, ni la colère de Neptune. Tu ne verras rien de pareil sur ta route si tes pensées restent hautes, si ton coeur et ton âme ne se laissent effleurer que par des émotions sans bassesse. Tu ne rencontreras ni les Lestrygons, ni les Cyclopes, ni le farouche Neptune, si tu ne les portes pas en toi-même, si ton coeur ne les dresse pas devant toi.
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Videos de Constantin Cavafis (12) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Constantin Cavafis
« […] l'oeuvre de C. P. Cavafy [1863-1933] reste encore dans l'obscurité voulue par son auteur. […] si Cavafy continue à être lu et étudié, il n'en reste pas moins dans la pénombre, dans « la faible lueur » de l'unique bougie qui sera « plus chaleureuse / Quand viendront […] les ombres de l'amour ». La pénombre, la faible lueur, les chambres obscures, la lumière comme un supplice sont autant de symboles que de messages d'une poétique que son créateur conçoit et tient à conserver loin de la lumière cruelle du temps. […] […] de son vivant, Cavafy [ou Cavafis] n'avait jamais édité aucun recueil de ses poèmes ; il les imprimait sur des sortes de feuilles volantes, il les distribuait à sa guise. […] » (Socrate C. Zervos)
De ce que j'ai fait, de ce que j'ai dit, Que l'on ne cherche pas à savoir qui je fus. Un obstacle était là, qui transformait Mes actes et ma manière de vivre. Un obstacle qui se dressait et m'arrêtait Souvent quand j'allais parler. À mes actes les moins remarqués, À mes écrits les plus voilés, À eux seuls, on me comprendra. Mais peut-être ne vaudra-t-il pas la peine De dépenser tant d'efforts et tant de soin pour me comprendre. Plus tard, dans un monde meilleur, Un autre viendra, c'est certain, Fait comme moi, qui agira librement. (Choses cachées)
0:04 - Cierges 0:56 - Les fenêtres 1:30 - Voix 2:05 - Monotonie 2:41 - La ville 3:53 - Fais de ton mieux
Poèmes inédits : 4:27 - Les quatre murs de ma chambre 5:14 - Impossibles
Poèmes désavoués : 5:45 - Bâtisseurs
Poèmes en prose : 6:42 - Les navires 8:43 - Générique
Référence bibliographique : Constantin Cavafy, Oeuvres poétiques, traduction de Socrate C. Zervos et Patricia Portier, Imprimerie nationale Éditions, 1992
Image d'illustration : https://www.grecehebdo.gr/culture/romans-poesie/721-le-poème-de-la-semaine-constantin-cavafy-autant-que-possible
Bande sonore originale : Carlos Viola - Song for a Lost Mind
Site : https://thegamekitchen.bandcamp.com/track/song-for-a-lost-mind
#ConstantinCavafis #OeuvresPoétiques #PoésieÉgyptienne
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